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Ville et Campagne

Contradiction

Nous vivons tous avec nos contradictions. Elles se trouvent dans la vie personnelle comme dans la vie publique. Comment faire pour les dépasser, comment en sortir « par le haut » ?

Nous sommes parfois confrontés à des choix douloureux. Deux besoins, deux nécessités même, peuvent sembler antagonistes. C’est l’un ou l’autre, mais pas les deux ! Et pourtant, il faudrait bien les satisfaire tous les deux. Peut-on surmonter cette contradiction ?

Aujourd’hui, il est courant d’opposer le besoin de construire et celui de préserver des espaces « naturels ». On parle de la crise du logement, avec en perspective la construction de 500 000 logements par an, pour lequel le simple recyclage de Terres actuellement urbanisées ne suffit pas, il s’en faut. De l’autre côté, c’est l’étalement qui est montré du doigt, avec l’urgence de préserver des terres agricoles et « naturelles ».  Il est vrai que la terre est fortement sollicitée. Il faut qu’elle nous nourrisse, qu’elle nous fournisse des matières premières pour l’industrie, de l’énergie. Elle doit être riche en biodiversité, nous offrir des paysages agréables, accueillir nos loisirs. Elle doit infiltrer et filtrer l’eau qui tombe du ciel, et même la retenir un certain Temps. Elle absorbe de gaz carbonique, et digère un tas de molécules bizarres qui y sont déversées ou qui résultent de la décomposition de produits divers, plastiques, huiles, etc. Et il faut qu’elle nous fasse un peu de place, pour nos infrastructures, nos activités, notre habitat. Et j’oublie surement un tas de choses. Bravo la terre, notre mère, qui répond à tous ces besoins à la fois !

Quand nous n’étions pas nombreux à la surface de la planète, tout allait bien. Cette pression multiforme était supportable. La proximité de fait des hommes avec la terre apportait en outre de la sagesse dans leurs relations. Les choses ont bien changé. Nous sommes  nombreux, et le serons de plus en plus pendant encore une quarantaine d’années. Nous nous sommes éloignés de la terre, aux deux points de vue géographiques et culturels. Les grandes villes deviennent tentaculaires, et combien d’enfants, dans les cités de banlieue, ont vu une vache dans un champ ou un Poisson dans la rivière ?

La demande que nous formulons à la terre devient trop lourde. On parle d’empreinte écologique, une forme de représentation schématique de cette pression que nous exerçons. Malgré les approximations et les conventions toujours un peu artificielles, le verdict est clair : nous demandons à la terre bien plus que ce qu’elle ne peut donner. A l’échelle de la planète, l’équilibre est rompu depuis une vingtaine d’années, et sans doute depuis bien plus longtemps dans les pays « développés », qui importent quantité de produits en provenance du « Sud ». Il faut donc inverser le sens de l’histoire suivi jusqu’à présent. On ne peut plus considérer la terre comme une ressource infinie, où chacun prélève allègrement en fonction de ses envies.

Une manière de faire serait de spécialiser la terre. Autant de fonctions, autant de zones dédiées, habitat, activité, nature, production agricole, équipements, etc. Le zonage, voilà la solution ! Chacun son métier, en quelque sorte. Avec des cloisons pour protéger chaque spécialité. Si je fais de l’habitat, je ne fais pas de nature ni de production vivrière. Si je fais de la nature, je crée une réserve où les autres activités sont interdites.

Il faut sans doute des territoires dédiés à une spécialité, mais admettons que ce doit être l’exception. Difficile de faire paitre des moutons là où sont stockés des déchets toxiques, pour prendre un exemple extrême. Mais on peut les laisser sous les capteurs d’une centrale photovoltaïque en plein champ. Mouton et électricité, voilà un modèle économique original, comme le lait et le gaz, avec la vache comme dénominateur commun. La voie d'avenir est sans doute à l’opposé de la spécialisation. Une même terre, plusieurs fonctions harmonieusement combinées. Même l’agriculture semble s’intéresser à cette orientation, contraire à ses tendances affirmées depuis quelques dizaines d’années. Pensez donc, on pourrait faire pousser plusieurs plantes à la fois dans le même champ, et combiner des successions de rotations, sans épuiser la terre. En matière de construction, la captation d’énergie dont est capable toute surface exposée au soleil s’impose progressivement. Solaire passif ou actif selon les cas. La biodiversité, négligée dans les premières formules HQE, s’y invite également, et même la production « Hors sol », sur les toits, que l’on végétalise sinon au titre de la pollution atmosphérique, de la régulation du régime des eaux, ou de l’isolation thermique.

Les extensions urbaines sont-elles des ennemies de la biodiversité, sont-elles des consommatrices de nature ? Elles le sont assurément, si l’on n’y prend pas garde, mais il n’y a pas de fatalité. Le développement durable consiste souvent à courir deux lièvres à la fois, et même plus si l’occasion de présente. Accroitre la Richesse biologique d’un Sol à l’occasion d’un aménagement est aujourd’hui possible, et devrait devenir la règle. Profiter d’un lotissement pour requalifier un paysage péri urbain laissé à lui-même, voilà un défi à la portée des collectivités et des professionnels, pour peu qu’ils s’accordent sur des objectifs ambitieux et apprennent à travailler ensemble. La démarche HQE aménagement a été créée pour les aider à affronter ce défi.

La contradiction entre construire et protéger n’est pas une loi de la nature. Le développement durable consiste justement à surmonter des contradictions, de manière à gagner sur plusieurs plans à la fois. Economique, social et environnemental selon la théorie bien connue. A chacun de transposer cette recherche dans son univers.
 

 Chronique mise en ligne le 5 juillet 2013

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