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Ville et Campagne

Centre

Les villes étaient des lieux de contacts et d'échanges. A l'heure d'Internet et des télé-vision, -travail, -conférences, etc. ces contacts s'affranchissent du rapprochement physique. La fin des centres ?

En dehors de la gare de Perpignan, centre du monde révélé par Salvador Dali, il n’y a guère de centre qui soit éternel.  L’idée même de centre est en question.

Le centre est un concept bien connu pour les Villes européennes, anciennes, qui se sont développées autour des lieux de pouvoir temporel ou spirituel. C’était à une époque où les mouvements étaient lents, à pied ou à cheval, ou encore en bateau, époque qui a forgé les villes traditionnelles. Toutes les fonctions urbaines étaient concentrées, les populations aussi, toutes classes sociales confondues. Il n’y avait pas le Choix. L’âge des mouvements rapides, en train ou en voiture, a remis ce bel ordonnancement en question. L’accès aux services offerts par la ville n’exigeait plus que l’on s’entasse dans les centres. Un peu d’Air, un peu d’espace, s’il vous plait ! La Vitesse des déplacements a permis l’Étalement des villes, la séparation des fonctions urbaines, entre le Travail, les loisirs, le commerce et l’habitat, elle permet la ségrégation, la séparation des populations selon leur niveau social, leur origine, ou tout autre critère que les catégories dominantes voudront imposer. Adieu le Centre, vive les centres, les archipels, les Réseaux, une kyrielle de centres rattachés entre eux, chacun avec son Statut et son rôle dans la cité éclatée.
Les villes traditionnelles ont su résister, mais selon les époques avec un dépérissement des centres, ou une spécialisation culturelle et touristique, voire bo-bo. Les villes récentes ont plus souvent adopté le modèle américain, où la mobilité est la règle. Le commerce, qui donnait aux villes leur animation et offrait par nature le point de rencontre entre les différents corps de la société, s’est vu exilé aux frontières, et on mesure aujourd’hui le lourd bilan mobilité de cette évolution, avec son poids effet de serre.
Il faut donc définir le centre, tel qu’il se présente aujourd’hui. Le concept a-t-il encore un sens, lequel ? Si on privilégie le volet rencontre et échanges, ce dont nous avons tous besoin, avec des dimensions multiples, professionnelles, culturelles, sentimentales, affectives ou autres,  la question porte sur la forme que revêtent aujourd’hui ces rencontres et ces échanges. C’est le mode de vie qui définit ainsi la nature des centres dont nous avons besoin , avec les instruments qu’il utilise, ceux qu’il a élu comme moteur de modernité, comme le train et le cinéma, puis la voiture et la télévision au siècle dernier, Internet et le téléphone portable depuis quelques années. Sans oublier la machine à café, centre incontesté de nombreuses entreprises. La relation physique, toujours indispensable, s’inscrit dans des univers sociaux et culturels en rapide transformation. Les points de centralité ne se forment plus autour des monuments. L’église, la mairie, la préfecture sont devenus bien souvent des pivots d’architecture historique ayant perdu l’autorité morale que leurs bâtisseurs croyaient y élever pour longtemps, nous disent Alain Maugard et Jean-Pierre Cuisinier(1).
Telle la langue d’Esope, la mobilité est la pire et la meilleure des choses. La meilleure, si elle élargit notre univers, et permet de découvrir d’autres lendemains et de s’enrichir des opportunités qu’elle offre, la pire si elle devient contrainte,  consommatrice de notre Temps de notre Santé, de nos ressources. La centralité est une tentative de sélectionner le meilleur en évitant le pire. Ses formes peuvent changer, et il serait dangereux de vouloir à tout prix conserver les formes anciennes. Le mode de vie urbain peut envahir les campagnes, avec son appétit pour les centres et les commodités offertes par les villes. C’est ce qui se passe actuellement en France, où les communes rurales font preuve d’une belle santé démographique, à l’inverse des grandes agglomérations qui stagnent ou même régressent. L’électronique ouvre des perspectives extraordinaires pour peu que l’on sache s’équiper et s’organiser. Les expériences de télé centres, dans l’Orne(2) ou le Cantal par exemple,  illustrent la possibilité d’appartenir à plusieurs centres, avec plusieurs proximités, près de chez soi  et près de son entreprise.
L’époque XXL, où l’on mesurait l’excellence d’un centre à sa taille, combien de divisions ?, a changé. Un centre n’a plus de valeur isolément, sans ses liens avec les autres centres. Le terme maillage vient alors à l’esprit, avec des nœuds au carrefour de chaque maille. C’est l’époque de la toile !

 

1 Regard sur la vile durable, Vers de nouveaux modes de vie, Alain Maugard et Jean-Pierre Cuisinier, Editions CSTB, 2010
2  On pourra se reporter au site www.zevillage.net  


Chronique mise en ligne sur le moniblog le 14 mars 2010 

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