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Ville et Campagne

Campagne

campagneIl n'y a pas que les villes et les modes de vie urbains dans la vie. Il y a aussi la campagne, qui est un autre avenir possible pour l'humanité, et à qui il faut donner toute sa chance.

 Il est de bon ton de présenter l’avenir de l’humanité comme essentiellement urbain. La forte croissance des villes en Chine, en Afrique, en Amérique latine vient conforter cette affirmation, qui devient ainsi une donnée, non discutable.

Interrogeons-nous sur sa durabilité. Cette course au gigantisme d’immenses conurbations est-elle une bonne chose ? Dans notre pays, de taille bien modeste face aux géants asiatiques, c’est la tendance inverse que l’on observe : bonne santé démographique des campagnes et des petites villes, stagnation voire recul des plus grandes. Les contextes sont différents, les histoires aussi, mais ce contraste montre bien qu’il n’y a pas qu’une voie. 
Prenons l’Afrique. La croissance des villes traduit une faillite des systèmes ruraux, et non un progrès social. L’agriculture vivrière est globalement en régression. Ici c’est l’avancée des déserts, les sols qui s’en vont ; là ce sont les productions d’exportation qui s’étendent. Les tissus ruraux se fragilisent, la famine menace les paysans, qui se réfugient dans les villes. L’espoir d’y trouver de petites activités, et surtout une aide alimentaire, attire chaque année vers les grands centres urbains des centaines de milliers d’agriculteurs. La crainte de troubles sociaux dans les grandes villes conduit les dirigeants à y procurer à bas prix une nourriture importée, et à abandonner les campagnes à leur sort. La production agricole se concentre ainsi, progressivement, vers certains pays qui apparaissent mieux adaptés, comme l’Amérique du Nord, la Russie, et l’Europe. L’agriculteur le plus performant aux Etats-Unis produit 2000 fois plus en quantité que son homologue dans un pays du Sud. D’un côté les surfaces des exploitations du Nord augmentent, de l’autre 90% des fermes de la planète sont descendues à moins de 2 Hectares. Et pourtant, la petite agriculture familiale fait vivre 2,5 milliards de personnes dans le monde, soit près de 40% de l’humanité.
L’appropriation des terres cultivables et des forêts par de grands groupes accentue ce mouvement vers les villes. D’immenses territoires deviennent de véritables corps étrangers. Des régions entières sont louées à des pays comme la Chine, la Corée du Sud ou certains pays arabes pour produire ce dont ils ont besoin, soustrayant ainsi ces sols aux Réseaux économiques locaux. La demande en bio carburants est un des moteurs de cette nouvelle forme d’accaparement de l’espace. Le journal Le Monde(1) nous apprend que la société malaise Sime Darby a ainsi obtenu une concession de 63 ans sur 200 000 hectares au Libéria, pour y planter des palmiers à huile, soit l’équivalent d’un département français comme l’Essonne, et bien plus que la Martinique ou la Guadeloupe. Nombre d’emplois annoncés : 20 000. A l’échelle d’un département, ça ne fait pas beaucoup. La concentration des populations dans les villes devient inévitable. D’autant que cette initiative n’est pas isolée : Toujours au Libéria, la compagnie britannique Equatorial Palm Oil est déjà implantée sur 169 000 ha, et les négociations sont bien engagées avec la société indonésienne Sina Mar pour un autre ensemble de 200 000 ha. Ce ne sont pas les premières opérations de ce genre, l’Afrique équatoriale a déjà fait l’objet d’opérations portant sur d’immenses territoires, allant au-delà de 500 000 ha.
Le bilan carbone de ces transformations d’usage des sols n’est pas communiqué, mais il est à craindre que le bilan social et le bilan « biodiversité » ne soient pas fameux. Même dégradée, la forêt défrichée pour faire place aux palmiers était diversifiée. La monoculture n’a jamais été un atout pour la vie sauvage. Ajoutons un mode de développement exclusivement exogène, dépendant d’intérêts extérieurs, et loin de la satisfaction prioritaire des besoins des populations locales. Il n’y a pourtant pas de fatalité, l’Afrique comportant de vastes régions non exploitées. Une alliance entre des investisseurs étrangers et les populations locales est possible, et peut-être même souhaitable, mais sur des bases « durables », incluant un développement endogène et le respect de la biodiversité.
La progression des villes n’est pas forcément synonyme de progrès social. Elle peut l’être, avec le temps, mais elle traduit souvent un désarroi et une misère des campagnes.
Chez nous, on sent une certaine schizophrénie. Tantôt on ne jure que par les grandes villes, notamment le Grand Paris, où l’on concentre les services publics pour plus d’efficacité et d’Economies d’échelle. Tantôt on fait les yeux doux aux petites villes, centres intermédiaires capables d’assurer un service minimum et un équilibre population/ activités. Objectif : Dynamiques territoriales, circuits courts, retour des rejets dans les cycles de production, économie circulaire, solidarité urbains/agriculteurs vécue, et non gérée de loin. Bien sûr, il faut des échanges, ce serait idiot de ne pas bénéficier des richesses produites dans le monde, mais comme un « plus », non comme une base impliquant un volume de transports considérable et une Dépendance vis-à-vis d’intérêts lointains et anonymes. 
Dans une tribune publiée par Le Moniteur.fr le 10 juin 2009, l’architecte et géographe Claude Micmacher voit même un avenir sombre pour les villes : Le monde urbain devrait s'affoler, alors que la campagne, c'est déjà le post-industriel et le post-financier. Vraies solidarités trans-sociales et inter-génération, débrouille, démerde, jardinage collectif, vente directe, troc, échanges amiables de services et de compétences, etc.
Ainsi donc, le modèle urbain n’est qu’une facette de nos avenirs possibles, les campagnes ont aussi toutes leurs chances. Un autre modèle auquel il faut donner sa place, au Nord comme au Sud.

(1) Daté du 10 février 2011

 

 

Chronique mise en ligne le 28 février 2011

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