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Ville et Campagne

Ambition

Le savoir faire français en matière de "ville durable" serait un atout pour nos exportations. Le chantier des stades de l’Euro est une occasion de faire le point sur nos ambitions dans ce domaine.


 « L’incontournable mutation des enceintes sportives », titre le Moniteur.fr du 3 septembre dernier. 

Voilà une grande ambition que la coupe d’Europe de football nous permet de mettre en musique. Il y a un gros effort de rattrapage, nos installations sont anciennes –nous apprenons que le parc français a une moyenne d’âge de 66 ans – mais l’effort demandé pour la coupe entraîne un large mouvement : beaucoup de villes ou de sports non concernés par la coupe de football se lancent aussi dans de vastes projets.
On a vu au Brésil que ces ambitions ne faisaient pas toujours l’unanimité, et qu’une partie de l’opinion pouvait penser qu’il y a mieux à faire avec l’argent public. Les nouvelles enceintes sportives sont attendues avec intérêt, pour leur fonction première, le sport, bien sûr, et pour les autres fonctions d’ordre économique, social, culturel, et environnemental. Les stades ne sont plus de simples équipements sportifs, ce sont des morceaux de ville, avec de nombreuses fonctions.
La « mutation » attendue est bien là, dans le volet « urbanité » des stades, comme on l’observe pour les gares et les commerces par exemples : il n’y a plus de frontière nette avec le reste de la ville, laquelle pénètre dans tous ces équipements et les absorbe.
La coupe d’Europe avait déjà donné de bons résultats en Suisse et en Autriche, en 2008. Les fonctions urbaines des nouveaux stades étaient multiples, et on sentait une émulation entre eux pour l’intégration dans la ville. Ces « morceaux de ville » comprenaient des écoles, des maisons de retraite, des commerces, des hôtels. Pour ne prendre qu’un exemple dans les reportages du Moniteur.fr de l’époque, sous la plume d’Adrien Pouthier : « Ainsi, le Parc Saint-Jacques, la perle de Bâle, abrite-t-il un centre commercial, des bureaux, des restaurants, un centre de fitness et même... une maison de retraite de 107 appartements ! »
10 ans plus tôt, le stade de France, à St Denis avait aussi donné le sens de l’histoire. Une dimension de requalification urbaine de grande ampleur, faisant d’un équipement sportif la pierre angulaire d’une opération multiforme, allant bien au-delà des considérations sportives.
Les ambitions manifestées aujourd’hui semblent bien modestes.  « Le 4 septembre s’ouvre le premier Arenas Economic Forum à Paris qui accueillera les spécialistes français et internationaux pour débattre de l’optimisation de l’exploitation des enceintes sportives. » L’article du Moniteur.fr évoque les nouveautés, mais la ville semble bien loin. Les exploits environnementaux sont toujours présents, comme vitrine de « durabilité ». Les stades font appels à des matériaux innovants, ils sont couvertes de cellules photovoltaïques, ils récupèrent et traitent les eaux de toutes origines, et c’est tant mieux. Depuis les JO de Sydney les équipements sportifs sont tenus d’être « top » vis-à-vis de l’environnement. C’est devenu un enjeu majeur  pour leurs promoteurs. Les innovations se portent aussi sur la modularité, la démontabilité, et il faut s’en réjouir pour la durabilité, puisque l’adaptabilité en  est une des vertus cardinales.
Mais on attendait mieux pour l’insertion urbaine.  Peut-être ce « forum » n’est-il pas le lieu d’en débattre, alors que c’est manifestement le cœur du sujet. Le bilan en durabilité ne se réduira pas à l’enceinte sportive proprement dite, mais à son impact dans un quartier ou même dans une agglomération. Et un impact tous azimuts, environnement et énergie, cela va de soi, mais aussi social et économique pour reprendre les « piliers » du développement durable.
Les révoltes du Brésil illustrent bien ce besoin d’intégration. Les stades témoignent de leur siècle, et doivent prendre en charge l’ensemble des préoccupations qui s’y manifestent. Il n’y a pas d’extraterritorialité pour des équipements de cette importance.
Espérons que la faible ambition ressentie de ce point de vue pour les stades de l’Euro n’est qu’une illusion d’optique. L’ambition serait bien là, même si on n’en parle pas. Elle irait de soi. Il n’empêche qu’aujourd’hui, elle apparait en retrait par rapport à celles qui avaient animé le renouveau des stades Suisses et Autrichiens en 2008. Est-ce de bon augure, au moment où la ministre du Commerce extérieur, Nicole Bricq, veut faire de notre capacité en matière d’aménagement durable un des fers de lance de l’offre française à l’exportation ?

 


 Chronique mise en ligne le 6 septembre 2013

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