Pénibilité
C’est par défaut que la qualité de la vie au travail est remarquée. Au lieu de parler de l’objectif, cette fameuse qualité de vie au travail, c’est la pénibilité qui tient la vedette, le défaut de qualité.
Pas très engageant, comme moyen de promouvoir la qualité. Celle-ci porte pourtant en soi suffisamment d’arguments en sa faveur. Pour le travailleur, tout d’abord. Le temps que nous consacrons au travail tout au long de notre vie est en diminution notable, 10% aujourd’hui en France. Mais ces 10% constituent une période structurante de l’équilibre de chacun, ils influencent largement les 90% restants, dont notre sommeil qui occupe un tiers de notre existence. Trouver son bonheur dans son travail est une condition pour le trouver dans sa vie personnelle. Cette qualité de vie dépend de la nature du travail et des conditions de son exécution. Elle présente aussi des avantages pour les employeurs, avec une augmentation de la productivité des personnels et la baisse de l’absentéisme. Du gagnant-gagnant, à consommer sans modération.
La question de la pénibilité est d’ailleurs fortement corrélée à celle de l’âge de départ à la retraite. Elle apparait formellement au cours des débats sur la loi de 2003, et est enrichie progressivement à chaque négociation sur les retraites : identification des paramètres, obligation des plans de prévention, compte de pénibilité. Si vous devez travailler plus longtemps, il faut que le travail ne soit pas pénible et n’affecte pas vos capacités physiques et mentales. Cela semble aller de soi, malgré les dérives possibles, du type « entre la pénibilité et gagner 2 ans de retraite, je préfère la pénibilité ». D’autant que dans les esprits, travail et pénibilité sont souvent associés. Un reste sans doute de la malédiction biblique, quand Adam et Eve sont chassés du paradis terrestre, pour travailler à la sueur de leur front (Genès, chapitre 3, verset 19). Le travail apparait comme une punition, qui se conjugue bien avec pénibilité. Le bonheur au travail ne va pas de soi, malgré tous les avantages qu’il procure.
Il serait bien imprudent de se contente d’une représentation « en négatif » de la qualité de vie au travail, à partir du défaut de qualité, avec la pénibilité, comme si l’absence de pénibilité était une condition suffisante pour y parvenir. Etes-vous heureux si votre travail n’entre pas dans une des 10 cases prévues pour caractériser la pénibilité, ou 6 depuis les récentes réformes ? Il faut aussi que vous vous y sentiez « comme un poisson dans l’eau ». Le volet psychologique. Là encore, c’est par la négative que la qualité est définie. L’absence de risque psychosociaux, pour reprendre le terme apparu à l’organisation mondiale de la santé en 1998, qui fait référence aujourd’hui dans nos règlementations. Le mot risque a remplacé celui de pénibilité, mais il s’agit toujours de facteurs de dégradation de votre qualité de vie au travail. Vous y trouvez les rythmes de travail, la pression mentale et émotionnelle, la capacité d’initiative, l’autonomie dont vous disposez, la précarité, les rapports humains au sein de l’entreprise et le sens du travail que vous devez effectuer. C’est la perte de sens qui est ainsi notée, ce qui conduirait à dire que la qualité de vie au travail est fonction, entre autres, du sens que vous accordez aux tâches que vous devez accomplir. Il est ainsi possible de décrire la qualité en symétrique de la non-qualité. Un travail qui a du sens, qui vois apporte une sécurité, où vous pouvez vous exprimer et exercer pleinement vos talents, une relation chaleureuse avec vos collègues et l’ensemble de vos interlocuteurs, une intensité qui vous mobilise sans vous stresser. Un travail qui constitue une tranche de vie à part entière, et non une parenthèse aliénante dans une vie qui se passe ailleurs. Un travail qui vous motive, qui stimule votre créativité, ce dont votre employeur bénéficie aussi.
Le rapport entre qualité de vie au travail et âge du départ à la retraite apparait alors clairement. Pourquoi chercher à partir plus tôt, si le travail est un moment agréable de votre vie ? Bien sûr, l’âge reste un facteur déterminant. A l’usure physiologique inévitable qu’il provoque, même dans des conditions optimales de travail, s’ajoute à une usure psychologique, la lassitude que peut provoquer la répétition de tâches. « L’ennui naquit un jour de l’uniformité », nous a rappelé Antoine Houdar de la Motte. Il peut donc se manifester même dans un travail passionnant, en l’absence de renouvellement, ou d’adaptation aux exigences de l’âge. Apparait ainsi un nouveau facteur de qualité de vie au travail, sa capacité à évoluer, et à intégrer la progression personnelle des personnes.
Pénibilité, risques psychosociaux, le travail est plus souvent caractérisé par ce qu’il doit éviter plus par les qualités qu’il devrait offrir. La perception qu’il offre ainsi est négative, les dangers sont mis en évidence plus que ce le travail peut apporter de bon à chacun et à la société. La retraite apparait alors comme une délivrance, plus que comme une nouvelle étape de la vie, avec ses promesses, ses contraintes aussi, et ses exigences. Elle apparait aussi comme une charge pour la société, alors qu’elle pourrait être une opportunité pour peu que les vieux, préservés d’une pénibilité excessive au cours de leur vie active, soient considérés comme une ressource.
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