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Travail et Emploi

Chômage

Le chômage est une calamité aux conséquences multiples, pour les individus comme pour la collectivité. Il va bien au-delà du non travail, et coûte bien plus cher.

 

pole-emploiEn ces temps où la recherche de la productivité du travail est exacerbée, on obtient vite une croissance sans création d’emplois. C’est une marque d’efficacité, mais elle n’apporte pas de réponse à un problème crucial chez nous, le chômage.

On peut craindre que cette tendance soit durable, notamment pour permettre une « relocalisation » dans notre pays des activités qui s’en étaient éloignées pour cause de concurrence internationale. La compétitivité conduit à la réduction du poste budgétaire « travail » dans l’entreprise, malgré tous les discours à la gloire du travail que l’on peut entendre.
Il faut donc une croissance très forte pour espérer créer des emplois nouveaux, et nous savons que les chances de l’atteindre et de la préserver sont faibles. Attendre d’une hypothétique reprise la solution au problème du chômage revient à abandonner, de fait, l’objectif du plein emploi.


Dans notre système d’analyse économique et de prise de décision, seule la sphère marchande compte. L’économie s’est rétrécie à ce sous ensemble de la vie, alors que celle-ci présente de nombreuses facettes. Le travail n’est pas uniquement un « facteur de production », rémunéré comme tel. C’est aussi un instrument de socialisation. On pourrait développer cet aspect des choses, mais l’important ici est de souligner le coût supporté par toute la société du défaut de socialisation provoqué par le chômage. Outre le montant des allocations versées, évalués par l’UNEDIC  à 28 milliards d’euros chaque année en France, pris en partie en charge par les systèmes d’assurance chômage, avec les difficultés que l’on connait de financement et le renchérissement du coût du travail, il y a des couts d’accompagnement ( formation, orientation, etc.) et surtout le manque à gagner par les finances publiques : non versement de cotisations sociales, pertes de fiscalité directe par suite de la baisse des revenus, et de fiscalité indirecte consécutive à une baisse de la consommation. Dans une étude récente (1) le coût annuel (en 2010)  d’un chômeur en France est évalué à 12 327 € de coûts directs, plus 16 411 € de non recettes, soit 28 737 € au total. A titre de comparaison, ces chiffres s’échelonnent de 18 008 au Royaume Uni à 33 443 € en Belgique. En France, cela représente un montant total de l’ordre de 90 milliards d’euros, comparable au montant de la dette.


Il n’y a pas que les coûts financiers payé une année donnée. Le chômage augmente mécaniquement les cotisations sociales, et donc le coût de l’emploi, une des causes présumées du chômage. Un mécanisme auto-entretenu, qui n’est pas une fatalité pour autant. Il y a aussi les coûts sociaux, dont le paiement va durer des années, avec des effets cumulatifs : dévalorisation ressentie des intéressés,  fragilisation tant physique que mentale, perte de confiance en soi et en l’avenir, problèmes familiaux, etc. Il faudrait ajouter le coût du chômage endémique, dévalorisation du travail, perte d’autorité des parents au chômage sur leurs enfants, désœuvrement, ennui et sentiment d’enfermement dans les cités, perte de repères et par suite voitures brûlées, montée des attitudes radicales, recherche d’issues dans des aventures désespérées. Et on ne parle pas des richesses que les chômeurs auraient pu créer s’ils étaient actifs. Le chômage a un cout bien plus important que le « non emploi », pourrait-on dire, si on restreint l’emploi et son défaut à la sphère marchande.


Symétriquement, la valeur d’un emploi est bien supérieure au montant des salaires et cotisations versées par les entreprises, mais la différence n’apparait qu’en cas de défaillance. Une croissance sans emploi résout un problème de revenu global, mais ne peut apporter de solution à la question du chômage.
Sans doute faut-il sérieusement penser à la création d’emplois sans croissance. Des emplois qui auraient toute leur place hors de la sphère marchande, dans des secteurs que l’économie néglige, mais qui coutent cher à la société. Combien coûtent les désordres dans les banlieues ? Combien coûte le décrochage scolaire ?


A côté du secteur économique traditionnel, marchand, comptabilisé au PIB, il y en a un autre, vécu mais ignorée, une « économie informelle » avec ses dérives qui font la Une de la presse, mais aussi  ses bons côtés de débrouillardise et de solidarité. Un capital humain, qui risque de se dégrader faute de pouvoir entrer dans les comptes. Une vraie ressource, à mobiliser pour le développement durable.

1 - Pourquoi investir dans l’emploi ?  une étude d’IDEA Consult pour le compte de la fédération européenne des services à la personne - décembre 2012

  
Chronique mise en ligne le 6 janvier 2014

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