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Société, Population

Vieux

L'arbre du financement des retraites cache la forêt du vieillissement de la population. Là est l'enjeu, le bon usage du temps de vie gagné, bien plus que 2 ans.

Notre population va vieillir, celle du monde entier aussi. C’est la conséquence de la stabilisation de la population mondiale, 9 Milliards de terriens en 2050 à peu près, avec un haut niveau de santé. Alléluia, réjouissons-nous, nous vivons plus longtemps, et en bonne forme.

Cette bonne nouvelle ne doit pas nous faire oublier les transformations qu’elle contient. Le monde va changer, à partir de sa structure démographique, sa pyramide des âges si vous préférez. On nous en parle beaucoup aujourd’hui à cause de la retraite, mais ça va beaucoup plus loin. C’est une transition démographique qui s’opère, avec de nombreuses conséquences. Le nombre de vieux va augmenter sérieusement. En France et les pays d’Europe pour commencer, mais aussi au Japon et progressivement dans tous les pays, à des échéances variables. 

Que va-t-on faire de ce temps gagné ? Au même moment, la productivité du travail humain s’est accrue prodigieusement, et ce n’est pas terminé. Le travail de conception traditionnelle n’apporte pas la réponse. En France, c’est la question comptable qui polarise les débats, celle des prélèvements et de la redistribution, mais ce n’est pas la plus importante. La vraie question est d’ordre sociétal. Si l’on considère que les vieux sont une charge, on est mal parti. Aucune société ne peut se payer le  luxe de négliger des millions de personnes riches de talents multiples, d’un réseau relationnel, d’une expérience et d’une accumulation de savoirs. Cette mise à l’écart serait un gâchis épouvantable, tant pour les intéressés que pour la collectivité toute entière.

Pour les vieux, il s’agit de "rester dans le coup", de cultiver des liens sociaux, de se sentir utile, de gagner un peu d’argent pour arrondir une modeste pension. Conserver une activité, c’est aussi rester jeune, d’une certaine manière, et surtout rester en bonne santé.

Pour la collectivité, ce sont des quantités de services rendus, de charges prises spontanément en main sans avoir à mobiliser le monde professionnel, ce sont des renforts occasionnels, qui apportent de la souplesse quand il en faut, bref, c’est de la richesse, de la valeur créée spontanément.

Les formes sont variées. Elles relèvent du soutien familial, dont bénéficient les enfants et les plus âgés, les vieillards dont le nombre sera de plus en plus élevé. A l’opposé, elles peuvent prendre la forme de la création d’une petite entreprise, l’auto-entrepreneur. Il y a aussi le jardin potager, l’économie sociale, les associations, l’engagement dans la vie de la cité, et bien d’autres manières encore de se rendre utile. La comptabilité publique intègre mal ces productions largement hors des circuits commerciaux, et on a une fâcheuse tendance à les oublier. Les inactifs produisent : quelle surprise !

Une approche purement comptable de la retraite, celle qui prévaut manifestement, est trompeuse, car elle néglige cet apport massif à l’économie. La solution du prolongement du travail ordinaire, celui des actifs officiels, est le résultat de cette vision partielle du problème. Le développement durable consiste justement à se débarrasser des œillères, à embrasser l’ensemble des aspects de la question.

Changer quelques paramètres du Système en place, outre le peu de créativité que cela manifeste, est une orientation archaïque. C’est retarder l’échéance d’une réflexion plus globale, sociétale, incontournable dans l’évolution de notre monde. Les solutions préconisées seront vite dépassées, et il faudra en trouver de nouvelles. Pourquoi perdre tout ce temps, si ce n’est par incapacité de sortir de vieux schémas de pensée ? Avec le risque d’aggraver la situation en renforçant l’équation vieux = inactif, dont chacun mesure le caractère à la fois injurieux, erroné et stérile.

L’enjeu est d’offrir aux retraités un cadre pour prolonger une vie active au sens plein du mot. Le pari peut être fait que la société y trouvera son compte, grâce à la production des inactifs et aux économies de santé et de dépendance qui en résulteront. C’est une nouvelle période de la vie, avec des lois différentes de celle qui précède, qu’il faut organiser, au lieu de vouloir prolonger à tout prix l’activité traditionnelle. Le risque est grand, en outre, que ce retard ne compromettre les capacités des retraités à se lancer dans de nouvelles aventures. 

Une activité libre, débarrassée des soucis de carrière ou autre relation de pouvoir, d’autorité, une activité d’épanouissement personnel. Voilà ce qu’il faut offrir aux retraités. Pour certains, cela va de soi, et ils n’ont pas besoin d’être aidés. Pour d’autres, la retraite est un couperet, ils sont désorientés, perdent vite confiance en eux, s’isolent au premier pépin de santé. C’est ceux-là qu’il faut aider, comme pôle emploi aide ceux qui cherchent un travail. Une vie active d’un nouveau type peut aussi faire peur, et un accompagnement est parfois nécessaire pour faire bon usage d’une liberté que l’on a pas été habitué à cultiver.
Le troisième âge n’est pas le quatrième, ses ressources sont nombreuses et ne demandent qu’à s’exprimer. Faut-il encore qu’elles ne soient pas occultées, négligées, et qu’on leur donne une chance de se valoriser. Si on faisait un bilan de compétences des nouveaux retraités, on serait surpris du formidable capital humain qui pourrait être recyclé, avec un peu d’imagination.

 

Chronique mise en ligne le 18 octobre 2010

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