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Société, Population

Flux

Nous nous inquiétons beaucoup, ces derniers temps, des flux migratoires et de leurs conséquences pour l’Europe. Bonne question, car le phénomène ne peut que s’amplifier à l’échelle mondiale. Quelle réponse durable lui apporter ?

Il s’agit ici des flux migratoires, des mouvements de population à la surface de la planète, et aussi à des échelles plus modestes dans chaque pays ou région. La question est d’importance, car l’avenir est dans les grands mouvements de population. Les raisons en sont multiples.
Il y a les guerres, comme aujourd’hui en Syrie mais aussi dans plusieurs pays d’Afrique, mais aussi la famine et le sous-développement. Les deux phénomènes sont liés, car souvent les guerres sont filles de surpopulation, et les crises alimentaires sont à l’origine de soubresauts géopolitiques. Permettez un aparté sur le tri proposé aujourd’hui entre victimes des bombes et victimes de la famine. Un distinguo bien curieux, pour ne pas dire immoral. Selon que vous mourrez du fait de la guerre ou de la faiblesse des ressources disponibles, vous êtes éligible ou non à l’accueil. Notons que l’essentiel des migrations se font dans les grandes régions du monde concerné. Les Africains migrent en Afrique, pour l’immense majorité. Une faible part de ces migrants gagne l’Europe, malgré les apparences.
Et puis, il y a les réfugiés climatiques. Comment les traiter, ceux-là, qui ne sont pas plus responsables de leur situation que les habitants des pays à l’origine du dérèglement climatique ? Va-t-on les repousser, sous prétexte qu’il n’y a pas de guerre ? Même si nous parvenions à endiguer le réchauffement, l’inertie du phénomène entraîne une hausse du niveau de la mer, et des pertes de rendements agricoles, pour cause de salinisation, d’érosion ou de d’avancée des déserts. Des millions de personnes devront chercher un nouveau lieu de vie, il faudra s’adapter à cette nouvelle situation. Les chiffres qui circulent évoquent des dizaines de millions de personnes, allant jusqu’à 250 Millions en 2050. L’Europe ne sera pas en première ligne, contrairement à l’Asie qui sera le plus durement touchée, mais elle ne sera pas complètement épargnée pour autant. Chez nous, il y aura aussi les habitants du littoral menacé d’érosion et de montée du niveau de la mer, qui devront trouver un refuge plus à l’intérieur des terres. Quel accueil leur sera réservé ?
Ajoutons un aspect culturel. La mondialisation est un fait culturel, grâce aux médias, à Internet, aux facilités de transport, au tourisme. Ça donne envie d’aller voir ailleurs, et pourquoi pas de s’installer ailleurs. Et c’est une chance que d’avoir cette possibilité de migrer non pas pour des raisons répulsives, mais pour des raisons attractives, de choix de vie. On trouve dans cette catégorie tous les mariages entre personnes de pays différents, qui seront de plus en plus nombreux et qui alimenteront les migrations.
Troubles géopolitiques, extrême pauvreté, dérèglement climatique et mondialisation culturelle, les moteurs des flux migratoires ne sont pas prêts de s’éteindre, ils vont même se renforcer au cours de ce siècle. Les réactions de rejet que nous observons aujourd’hui ne préparent guère notre société à affronter ce phénomène.
Quand un évènement est inévitable, mieux vaut l’accepter et voir comment en tirer parti, plutôt que de le refuser et de se retrouver « fort dépourvu » quand il se manifeste. Comment, donc, se préparer à l’augmentation des flux migratoires ?
Une « réduction à la source » est sans doute possible, et tout à fait souhaitable quand il s’agit des victimes de guerres et de disettes. L’action diplomatique pour gérer les conflits et l’aide au développement sont bien évidemment deux familles de mesures à activer, mais elles ne concernent qu’une partie des migrants potentiels, et leur effet reste aléatoire.
Une réponse consiste à élever des murs. On le voit aujourd’hui avec les migrants transitant par la Turquie, mais l’Europe et les Etats-Unis ont depuis longtemps érigé des barrières pour dissuader les migrations, avec des succès mitigés. Combien de temps tiendront ces barrages ? Sont-ils durables, avec le côté apartheid qu’ils portent en eux ? On peut aussi créer des camps, si possible loin de chez nous. Outre son prix très élevé dans la durée, cette mesure revient à créer des « bouillons de culture » de tous les problèmes liés au désespoir de jeunes sans avenir. Et, sans retour, ce qui sera le cas pour les réfugiés climatiques, ils ne font que reporter le problème, et ne le résolvent guère.
Une autre réponse est d’accepter le fait migratoire, et de s’organiser pour en faire un atout. Ce n’est pas un simple accueil, mais une adaptation des institutions, des systèmes éducatifs, sanitaires, sociaux et bien d’autres pour que cet afflux puisse bénéficier aux populations d’origine, au-delà des efforts qui lui seront demandés. Cette voie n’est pas la plus facile, mais c’est la plus réaliste. Rien ne serait plus grave que d’élever des barrages qui ne pourront qu’être emportés un jour ou l’autre, avec les dégâts qui en découleront.
Les pressions migratoires que nous connaissons ne sont que des prémices. Elles nous alertent sur un phénomène qui prendra de l’ampleur au cours des prochaines années. Profitons-en pour ouvrir le débat sur la manière de s’y préparer. Le déni et le repli sur soi derrière des murailles ne peuvent être des réponses durables.

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