Pêche
Depuis la mi-mars, la pêche en rivière est ouverte en France. Un loisir apprécié, mais aussi une occasion de ramener chez soi une friture ou une truite frétillante. Le poisson est-il un aliment recommandable ?
Ce n’est pas l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), qui recommande de ne pas consommer du poisson plus de deux fois par semaine.
Et encore, il s’agit là des poissons de mer, dont il faut varier les espèces et les provenances. Pour certains poissons d’eau douce, (anguille, barbeau, brème, carpe, silure) c’est deux fois par mois, et encore, une fois tous les deux mois pour les personnes fragiles. Attention, donc, à vos prises de pêche, sans doute vaut-il mieux les relâcher, une fois vos besoins couverts, qui resteront modestes(1).
On parle souvent de la dégradation des océans, avec les monceaux de matières plastiques qui y sont rejetés, avec les continents inédits qui en résultent, ou bien d’autres produits qui mettent en danger leur bonne santé. N’oublions pas les immenses services gratuits que nous rend la haute mer comme la séquestration de carbone, estimée parfois à plus de 200 milliards de dollars. Elle nous procure aussi de la nourriture, notamment les poissons qui constituent une bonne part des protéines que nous consommons, dans de grandes proportions dans certaines régions.
Cette ressource est menacée par la pollution, et ce n’est pas marginal. On parle souvent du coût que représenterait l’environnement, mais le coût de l’absence de précaution, le coût du laisser-aller et du laisser-faire, est bien supérieur. A force de négligence, nous sommes parvenus à mettre les stocks de poissons en danger pour de nombreuses espèces, et en plus à rendre incomestibles ceux qui restent.
Voici donc venue l’époque où nous pourrons constater directement les conséquences de cette approche désinvolture vis-à-vis des ressources naturelles et du vivant en général. Nous sommes arrivés aux limites des stocks, et de stocks dégradés. Notre comportement, dicté par l’idée que le monde est « infini » nous a conduit aux limites de ce monde, qui est bien « fini ».
Heureusement, dans de nombreux domaines, la nature est bonne fille. Un changement de comportement, une réduction de la pression sur le milieu (moins de prises de pêche par exemple), lui permet de remonter rapidement la pente. Sachons donc modérer nos appétits, et la situation s’améliorera. Encore faut-il que les intérêts des acteurs concernés soient préservés, d’une manière ou d’une autre. A défaut, ils feront tout ce qui est en leur pouvoir pour continuer comme avant, même si c’est suicidaire et qu’ils le savent.
Dans certains cas, toutefois, la dégradation est irréversible, ou très difficilement réversible. On le constate par exemple pour la morue au large de Terre Neuve. L’arrêt de la pêche, d’une certaine manière forcé par la baisse des prises, (en 1992, la biomasse de morue dans la principale zone de pêche est tombée en à 1 % de son niveau originel) ne s’est pas traduit par une remontée des populations de poissons. C’est que les cycles biologiques ont été perturbés, et se sont installés sur d’autres équilibres, où les morues n’ont plus leur place. Plus précisément, l’hypothèse dominante est que les proies des morues adultes sont aussi des prédateurs de leurs œufs et de leurs larves. La quasi disparition des morues a favorisé les pullulations des prédateurs des jeunes générations, qui n’ont pu se développer. 20 ans après l’interdiction de la pêche, les stocks semblent en reconstitution. La réversibilité semble donc possible, mais dans la durée et le prix humain qui a été payé est bien élevé.
Dans d’autres cas, c’est le rythme de reconstitution des stocks qui est très long. C’est le cas notamment des poissons à la vie longue, plusieurs dizaines d’années, parfois aussi longues que des vies humaines ou même plus. Ce sont les poissons des profondeurs, empereurs, grenadiers, sabres noirs, sikis, vivement exploités depuis une bonne trentaine d’années, avec des bateaux équipés à grand prix, et par suite un besoin évident de retour d’investissement. Les populations mal connues, dont les stocks se sont rapidement effondrés après une période d’euphorie. Combien d’année de restriction de la pêche faudra-t-il pour que les effectifs remontent à leur niveau initial ?
Nous sommes, en matière de pêche, au confluent de nombreux phénomènes : l’appauvrissement des plateaux continentaux, lieux privilégiés de reproduction des poissons, chahutés par des travaux, des dragages, des prélèvements de sable, devenus parfois des décharges pour de nombreux produits indésirables, séparés de la terre par un littoral de plus en plus artificiel ; le volume et la toxicité des rejets de toute nature qui se retrouvent dans la mer ; des pêches de plus en plus performantes, et notamment celles au grand large, avec des bateaux usines. Bref, le milieu où prospéraient les poissons devient de moins en moins hospitalier, et une de nos ressources vitales se dégrade, au point qu’il faille restreindre notre consommation pour des raisons de santé !
Il est de bon ton de se plaindre des restrictions, des précautions, des études d’environnement, et autres mesures de de bonne gestion des milieux naturels. Il en est surement quelques-unes exagérées, et il est possible de rendre l’ensemble plus intelligent, mais l’absence de ces mesures aurait des conséquences catastrophiques. Rappelez-vous : du poisson, pas plus de deux fois par semaine, et uniquement si vous êtes bien portant !
1 - Voir la recommandation de l’ANSES
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