Hygiène
L’hygiène est une mesure de prévention. Quelle qu’en soit la forme, sanitaire, corporelle, alimentaire, mentale, elle a pour fonction de prévenir des malheurs, maladies, obésité, folie. Une démarche qui semble a priori favorable à l’environnement, au moins dans l’esprit. Et pourquoi se préoccupe-t-on d’environnement, si ce n’est pour préserver les conditions de vie des humains, et leur santé ? Si la qualité de l’air nous intéresse, c’est parce que nous le respirons, la qualité des eaux, c’est parce que nous la buvons, nous nous lavons avec ou nous nous y baignons. Hygiène et environnement, même combat pourrait-on penser.
Ce n’est pas toujours le cas. La sortie du déconfinement nous en donne des exemples, comme l’abandon des carafes d’eau dans les cantines, au profit de bouteilles individuelles. Tout ce qui est partagé devient suspect. Plusieurs mains pourraient se porter sur une carafe, avec des risques de propagation de virus ou autres saletés. Autre exemple, la réduction des capacités des transports partagés, autobus, métros, tramway et covoiturage. Résultat, retour aux emballages en plastique, et à usage unique de surcroît, gaspillage de matières, d’eau, d’énergie, recours aux modes de transport individuels motorisés qui occupent plus d’énergie et d’espace, provoquent de la congestion, des pollutions, etc.
Recycler, réemployer, partager, mutualiser des équipements, l’économie de fonctionnalité, autant d’occasion pour les virus de se propager. Le débat n’est pas nouveau. L’emballage de parts de beurre, de morceaux de sucre, de pincées de sel ou de poivre, de portion de moutarde, développé pour cause d’hygiène, c’est de la consommation de matière, beaucoup de déchets, de denrées alimentaires perdues. Les principes d’hygiène poussent à individualiser les produits et les jeter après usage pour éviter toute contamination. J’achète, j’utilise et je jette. Plus de ressources consommées, et plus de déchets à traiter. Une tendance qui va à l’encontre des principes d’économie circulaire, qui transforme chaque déchet en ressource pour de nouveaux usages. Bien sûr, le circuit court vers la poubelle est nécessaire pour des produits qui risquent d’être contaminés, mais le message ne sera-t-il pas étendu à d’autres produits plus innocents ? L’expression « à usage unique » ne va-t-elle pas déborder de son périmètre légitime ? Certains industriels ont d’ailleurs tenté d’utiliser le COVID19 pour retarder la mise en application de la loi qui limite l’usage des produits en plastique à usage unique.
On retrouve là un problème que le recyclage connait bien. Les matières « neuves » sont bien documentées et conformes à des normes, alors que celles issues du recyclage sont d’origines variées, elles ont une histoire et peuvent contenir des impuretés ou des produits indésirables. Plus l’exigence est forte sur la composition d’un produit, plus le risque de déclassement des matières recyclées est grand. Les boues des stations d’épuration qui pourraient être de bons engrais sont suspectes du fait de métaux ou de produits chimiques qu’elles pourraient contenir, et doivent être analysées avant usage. Le recyclage impose une discipline, l’hygiène aussi, il s’agit de les rendre compatibles.
Il doit bien y avoir des solutions, des manières de respecter les principes d’hygiène et de santé publique sans nuire à l’environnement. Les fameux coton-tige ont su revenir au manche en bois plutôt qu’en plastique, par exemple. A défaut de carafe, on peut imaginer l’accès à des fontaines avec des grands verres qui seraient lavés et réutilisés sans limites. Mais ces réponses ne viennent pas spontanément, il faut les chercher, s’organiser différemment. Les solutions sont souvent inscrites dans des organisations, des locaux, des usages qui ne peuvent être changés instantanément. Ajoutons le volet humain, convivial, que toute prescription pourrait dégrader, et nous voyons que le problème n’est pas facile à résoudre. L’hygiène sanitaire et l’hygiène mentale pourraient entrer en conflit.
La rapidité demandée pour sortir du confinement pousse à privilégier l’hygiène, indépendamment des autres considérations, mais avec le temps, espérons que des solutions plus écologiques trouveront leur place. Il convient donc de stimuler l’innovation pour dépasser les conflits hygiène-environnement, pour sortir des contradictions « par le haut ». Le développement durable se construit en continu dans cette démarche qui transforme les oppositions en pression constructive, nécessaire pour dépasser les habitudes d’hier et ouvrir de nouvelles perspectives.
Photo Kelly Sikkema / Unsplash
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