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Risques et sécurité

Masque

masque BernardoC’est le mot à la mode au temps du coronavirus, révélateur de plusieurs traits de caractère ou de comportement. Un mot riche pour explorer l’avenir selon le développement durable.

Il y a bien sûr l’imprévoyance, le déni du danger. L’affaire du H1N1 nous a fait baisser la garde, après une période de renforcement consécutive à plusieurs alertes : canicule de 2003, chikungunya et grippe aviaire en 2005. Une loi est votée en mars 2007 « relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur ». Dans la foulée, achats massifs de masques, de doses de vaccins, de caméras thermiques, de cagoules de protection, etc. Puis vient la grippe H1N1, et l’action préventive engagée par la ministre Roselyne Bachelot. Vous connaissez la suite, la grippe s’avère moins agressive que prévu, et ces dépenses préventives apparaissent inutiles. Scandale ! Le Sénat et la Cour des comptes ne sont pas avares de critiques. Et depuis, toute référence à une forme de précaution a été oubliée, les stocks n’ont pas été préservés et mis à jour. Le fameux dicton publicitaire : « l’assurance ne coûte cher qu’avant l’accident » est passé à la trappe. Règle d’or, peut-être…
Il y a ensuite une sorte de confrontation dogmatiques – pragmatiques. Pour les premiers, tant que nous n’avons pas de certitude sur l’efficacité des masques, on ne fait rien, tandis que les seconds sont favorables au port d’un masque même si celui-ci ne réduisait pas le risque à zéro. Bien sûr ce débat en cachait sans doute un autre, sur l’impréparation et la difficulté d’acquérir les masques en nombre suffisant, mais il cache aussi un malentendu sur le rôle d’un masque.
Il est vrai qu’il y a là une remise en cause du bon sens. Chacun pense que les masques, c’est pour se protéger. Dans les entreprises où l’atmosphère est chargée, le port du masque est une protection du travailleur. Les cyclistes de nos villes et les asiatiques qui se promènent masqués dans nos rues tentent de réduire la dose de pollution qu’ils inspirent. Nous savons que ces masques sont inefficaces contre les particules les plus nocives, les plus fines, mais l’idée est là, on se masque pour se protéger. Même Zorro se masque pour protéger son anonymat. Aujourd’hui, il faut inverser le raisonnement, sauf quelques cas particuliers pour les personnels confrontés directement à des malades potentiels. Le masque doit les protéger, et c’est le FFP2, célèbre depuis quelques semaines, qui est alors nécessaire. Mais ces cas sont numériquement rares par rapport à l’ensemble de la population. Le masque, dans le cas général, n’est pas là pour se protéger des autres, mais pour protéger les autres.
Et là tout change, car on ne lui demande pas une protection à 100%, mais juste de réduire fortement les risques de projection de postillons vers d’éventuels voisins de métro ou de queue chez le boulanger. Une forte réduction suffit à faire baisser le coefficient RO, célèbre lui aussi depuis peu, et le passer de plus de 3 à moins de 1. Une contagion de plus de 3 personnes infectées par un malade, à moins de un. Même des masques artisanaux ou home made selon les normes diffusées par l’AFNOR répondent à cet objectif. Plus besoin de compter sur les chinois.
C’est une inversion de la personne protégée. Le porteur du masque au départ, et ses interlocuteurs ensuite. Elle n’est pas évidente à imaginer. Elle est contre-intuitive. Les médias et même les nombreux professeurs de médecine que l’on a pu voir à la télévision ne clarifient guère les choses. Cette inversion est également celle du confinement. Avant, le confinement protège les confinés, c’est-à-dire tout le monde, et après, le confinement protège les non confinés, ce sont les porteurs potentiels du virus seulement qui sont confinés, pour protéger les autres.
Une gymnastique intellectuelle qui semble facile, mais qui se heurte souvent à des rigidités mentales : Si je porte un masque, c’est pour me protéger, scrogneugneu ! Un effort de pédagogie est nécessaire pour accompagner cette inversion, d’autant que le caractère anxiogène de la situation n’invite pas à l’ouverture d’esprit. Ajoutons que la vaccination, dans le cas général, a pour but de protéger à la fois les vaccinés et l’ensemble de la population en empêchant que le virus ne circule, comme on dit.
Une autre inversion a du mal à faire son chemin, dans un autre domaine, même si l’actualité les rapproche avec une chute des cours inédite : Le pétrole. La crainte traditionnelle est d’en manquer. On parle de pic, c’est-à-dire du commencement de la fin des réserves disponibles. En réalité, la pénurie est essentiellement affaire de géopolitique, car la planète en recèle bien suffisamment pour nos besoins. Le problème véritable, d’ordre physique, biologique ou géologique, n’est pas la ressource, mais le rejet. Le « facteur limitant » est le CO2, et ça ne s’arrange pas autour d’un tapis vert, une bonne négociation entre producteurs de pétrole. Ce ne sont plus des mécanismes géopolitiques, entre humains, qui sont en jeu, mais des mécanismes cosmiques, des forces qui nous dépassent si elles sont libérées.
Il faut changer de système de penser, le danger ne vient plus de là où on le craignait. C’est vrai pour le masque comme pour le pétrole. Accepter d’aller contre son intuition, formatée par le passé, et faire les bons choix pour aller vers des futurs inédits.
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