Volcan
La puissance des évènements naturels nous déconcerte souvent. certains sont permanents comme les marées, d'autres sont irréguliers, comme les tremblements de terre et les éruptions volcaniques. Comment tirer parti de ces forces, dans un monde où l'imprévu n'existe plus, comme le disait Philéas Fogg ?
Le volcan Islandais au nom imprononçable nous rappelle la force de la nature. Force ravageuse en l’occurrence, paralysante, mais souvent force généreuse dont l’on tente de profiter.
La nature est généreuse. La planète nous fournit une quantité de ressources dont l’humanité tire profit. C’est la production agricole, les forêts, les poissons, l’énergie des vents, du soleil, de la mer. Ce sont les ressources minières, constituées et stockées depuis des millions d’années et qui nous ont permis des progrès considérables. C’est aussi un patrimoine génétique, des bactéries aux grands animaux, des microalgues aux séquoias millénaires. Nous consommons ces ressources depuis la nuit des temps, avec une frénésie qui semble s’être accentuée avec les moyens techniques dont nous disposons, et leur puissance d’intervention. Le WWF nous dit d’ailleurs que nous ayons perdu la mesure, puisque nous consommons en moyenne chaque année un tiers de plus que ce que la planète produit. Au lieu de vivre sur le flux, nous tapons dans le stock. Une politique bien commode, mais pas durable.
La nature est capricieuse. Elle nous donne beaucoup, mais quand elle le veut. Il y a les cycles annuels, les saisons, que l’on connait bien, qui permettent une régénérescence de son potentiel, et un renouveau riche en émotions. Ces cycles ne sont pas très réguliers, mais ils ont été intégrés dans nos cultures, même si on essaie de s’en affranchir, le plus souvent à grand prix. Il y a des biens que l’on peut stocker et conserver toute l’année et même au-delà, comme le bois ; Il ya aussi des produits frais ou éphémères, fuyants, à consommer instantanément comme la chaleur du soleil, ou rapidement comme les légumes. La nature pique parfois des colères. L’énergie du vent devient tempête ou ouragan, le soleil devient canicule, la sécheresse succède aux inondations.
Il faut donc anticiper, s’organiser pour pouvoir profiter des bienfaits de la nature sans souffrir de ses irrégularités. Le coût annoncé de l’éruption du volcan montre à l’évidence une impréparation à l’évènement. Un évènement pourtant prédictible, tout comme la plupart des tremblements de terre, qui se déchainent en des lieux répertoriés depuis toujours comme dangereux. Ou comme les inondations, elles aussi prévisibles. Le pire n’arrive pas toujours, mais on connait les endroits où il se manifeste, et ses conséquences. Il faut donc accepter que, de temps en temps, la nature ait ses caprices, et en tirer son parti.
Une des manières de se dégager des Contraintes de l’irrégularité est de savoir stocker. Depuis toujours, on a su retenir l’eau dans des barrages, pour éviter ses déferlements trop brutaux, ou la conserver pour les moments où elle pourrait manquer. C’est vrai pour l’eau, ça l’est aussi pour l’énergie que l’on fabrique avec les chutes d’eau. On a appris à réguler le cours des fleuves, mais on a plus de mal à réguler les comportements des humains. On les incite à s’inscrire dans des cycles naturels, à différer leurs consommations pour que leurs besoins coïncident avec des moments de production. Il semble que l’on y parvienne pour des cycles ordinaires, mais que les imprévus prennent toujours nos contemporains au dépourvu. Les blocages dans les aéroports ont été très mal vécus, et il semble bien que les responsables des escales aient eu bien du mal à s’adapter à la situation. Les facilités de la vie moderne ne préparent pas à l’inattendu. Le sentiment d’une absence d’autonomie, et de sens de la réaction, s’impose à l’écoute des nombreuses récriminations provoquées par les Retards. Il est bien loin l’aventurier débrouillard, capable de se tirer d’affaire tout seul dans des situations impossibles. René Dubos avait raison, quand il s’inquiétait que la plus grande faiblesse de la vie moderne, c’est d’amener une atrophie de nos facultés.
Un monde sophistiqué, hautement performant quand tout va bien, mais allergique aux anomalies, rigide, peu adaptable. Donc fragile. Voilà un jugement sévère : la presse n’a relaté que les faits négatifs, et ne s’est guère intéressée aux milliers de cas où les voyageurs ont su profiter du séjour forcé. Les gens heureux vivent cachés. Et puis, au même moment, se crée un club d’acteurs désireux de prendre le temps en charge. Le club stockage d’énergie (1) se lance le 27 avril 2010. Je doute qu’il ne parvienne à récupérer l’énergie, pourtant considérable, des volcans, mais souhaitons lui plein succès pour celles du vent, de la mer et du soleil, pour celle du freinage pour l’accélération à venir, pour la chaleur de l’été conservée pour l’hiver.
L’énergie est abondante à la surface de la planète, mais pas toujours au bon moment et sous des formes utilisables. Nous voulons bien sûr dominer les éléments, montrer qui est le maître. Peine perdue, et surtout belle bêtise. Cette prétention, pour ne pas dire cette arrogance, nous conduit à vouloir se substituer à eux, ce qui coûte très Cher, fonctionne mal, et ne donne que de piètres résultats. Mieux vaut jouer avec les éléments, avec la nature. Admettre des temps morts, comme jadis l’hiver pour les agriculteurs, avec des rythmes bien maîtrisés. Surfer sur la vague quand elle est favorable. Nos sociétés n’aiment pas les évènements irréguliers, alors que nous vivons dans des cycles qui interfèrent sans cesse, notamment ceux des profondeurs de la terre. Suivre le rythme des saisons, cultiver sa capacité d’adaptation à l’imprévu, et savoir stocker pour les mauvais jours, comme la cigale de la Fontaine, voilà quelques pistes simples pour aller vers la durabilité.
1 - Le club stockage d’énergie est créé au sein de l’association technique Energie Environnement, ATEE, www.atee.fr
Photo : Ben Turnbull - Unsplash
Chronique mise en ligne le 22 avril 2010
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