Rendement
Pour faire vivre convenablement 9 milliards d’êtres humains en 2050, il va falloir être performant sur l’usage des ressources que la planète nous offre. C’est dans ce domaine qu’il faut maximiser les rendements.
Le « facteur 4 », deux fois plus de bien-être pour deux fois moins de prélèvements, passe notamment par une amélioration des rendements. La moindre unité de ressource prélevée doit produire le maximum de bien –être. Pour certains, cet objectif parait trop ambitieux, et nombreuses sont les voix qui s’élèvent pour dire « ce n’est pas possible, nous n’y arriverons jamais ». Il ne faut pas oublier le pendant de cette orientation, la lutte contre le gaspillage, contre ce que l’on pourrait appeler l’obésité sociale, la consommation presque maladive qui, loin de vous faire du bien, détruit votre santé physique ou mentale.
Mais revenons à l’amélioration du rendement, qui est l’objet de cette note. Pas du rendement par rapport au travail humain, qu’il faudrait d’ailleurs moduler en fonction de la qualité de vie au travail, mais du rendement par rapport aux ressources que nous prélevons dans le milieu où nous vivons, la planète. Ce n’est pas le volume de travail disponible qui pourrait manquer, dans une Terre à 9 milliards d’humains, mais les ressources naturelles. Elles constituent le point sensible, et nous devons être particulièrement vigilants à leur bonne utilisation.
L’exemple des « Data center » permet de dérouler la chaine de progression, qui nous conduirait au facteur 4. L’informatique et Internet nous fait gagner de nombreuses consommations matérielles, telles que nous les avons toujours connues, notamment papier et déplacements. Ce sont des instruments de « dématérialisation », et on oublie souvent qu’ils consomment eux aussi de l’énergie et émettent des gaz à effet de serre. Ce n’est pas grand-chose, 2% des émissions produites dans le monde, un peu moins que le transport aérien, mais comme lui en forte croissance. Il faudrait y ajouter l’électricité que vous utilisez pour alimenter votre ordinateur ou la batterie de votre téléphone portable, ainsi que de tous les appareils régulés par des microprocesseurs, et ça finit par compter, les petits ruisseaux font les grandes rivières. L’efficacité d’ensemble ne peut se gagner sur un poste largement majoritaire, il faut gagner sur tous les plans, celui de l’informatique comme celui des autres activités humaines. D’autant que l’informatique permet d’économiser sur bien d’autres postes, et connaitra à ce titre de grands développements. Il ne faut pas que la solution soit à son tour source de problèmes. C’est d’ailleurs l’intérêt des professionnels, puisque l'énergie représente en moyenne 30% des coûts d'exploitation des data centers.
Si l’on analyse les consommations d’un data center, on observe que la partie utile, celle qui permet de transmettre, stocker et traiter les données, est bien faible par rapport à la totalité. D’entrée de jeu, la moitié de cette énergie est due à la climatisation. Ça chauffe, dans les data centers, et il faut refroidir pour conserver de bons rendements et la sécurité des installations. Il ne reste que 50% de l’énergie pour alimenter le serveur. Mais toute cette énergie ne se concentre pas sur l’exécution des programmes. Plus de la moitié, 55%, disparait dans la transformation du courant alternatif en courant continu et la ventilation des serveurs. On a déjà obtenu le facteur 4, mais dans le mauvais sens ! Et ce n’est pas fini, le pire reste à venir, mais aussi une voie de salut. Au sein des serveurs, les processeurs, composants de base qui exécutent les programmes, ne sont actifs que 20% du temps, mais ils consomment tout le temps. La courbe de consommation ne fléchit pas quand l’activité diminue, la nuit par exemple. 80% de perte, en plus. Faites le calcul, le rendement est de 5%. On se dit que, dans ces conditions, on pourrait faire mieux, passer à 20%, par exemple, par référence au facteur 4.
Des efforts dans ce sens sont nombreux, et variés. Ils commencent par la climatisation du local. On peut le ventiler au lieu de la climatiser. Des capteurs permettent aussi de localiser très vite les échauffements, et de les résorber localement, et de faire ainsi des économies de réfrigération. En implantant les Data centers au bord d’une Source de froid, la mer notamment, il est possible d’obtenir un froid décarboné, ou presque. Le froid qu’il faut produire peut procurer de la chaleur ailleurs, pas trop loin car c’est une énergie qui ne voyage pas bien. En couplant un Data center avec une activité demandeuse de chaleur, ou les locaux à chauffer (mais cette solution ne fonctionne que l’hiver), on récupère une partie de cette énergie. Le réseau de chaleur du parc d’activité Val d’Europe à Marne la Vallée est ainsi alimenté par un Data center. A l’autre bout de la chaine, la recherche s’active sur la gestion optimisée des processeurs, avec 2 objectifs : ne pas les laisser travailler pour rien, et réduire le nombre d’arrêts-démarrages, gourmands en énergie. Comment concentrer les programmes en exécution sur un petit nombre de ces processeurs, de manière à mettre au repos ceux qui sont en surnombre. Tout ça bien sûr sans réduire la sécurité ni la vitesse de l’ensemble. D’autres améliorations vont surement arriver, comme une nouvelle génération de microprocesseurs, fonctionnant à une fréquence plus basse grâce à une autre architecture et d’autres modalités de fonctionnement.
Le volet technique constitue donc un gisement important d’économies d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre, bien au-delà du facteur 4.Heureusement, car dans d’autres domaines, comme l’alimentation, cet objectif sera plus dur à atteindre. Ça permet de compenser. Il faut ajouter, du côté des usages, le besoin d’une maîtrise d’une boulimie sans limites. La gratuité semble un facteur de déresponsabilisation, mais elle est tellement agréable. Y a-t-il d’autres formes de discipline, essentiellement d’autodiscipline, qui pourrait calmer les ardeurs des internautes qui font monter la température des Data centers ?
Il n’est pas possible de généraliser à partir d’un seul exemple, mais celui des data centers est significatif, car si aucun effort n’était fait, Internet consommera dans 25 ans autant que toutes les activités humaines en 2008. Le facteur 4 est à portée de main pour peu que l’on s’en donne les moyens et qu’on le décide. C’est le 1% du PIB mondial nécessaire, selon Nicholas Stern, pour éviter un réchauffement qui couterait, lui, de 5 à 20%. La course au rendement est une bonne affaire !
Chronique mise en ligne le 17 juin 2013. Merci à Nicolas Curien de ses bons conseils.
L'exemple des Data centers est évidemment daté, sans jeu de mot. Merci aux internautes qui pourraient actualiser les données de contacter le dictionnaire du développement durable (
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