Accéder au contenu principal

Ressources, Nature et mer

Raton

Pendant le Brexit, l’Europe continue ! La Commission publie la liste des 37 d’espèces animales et végétales, venues d’ailleurs et indésirables en Europe. En vedette : le raton laveur !

C’est Jacques Prévert qui l’a rendu populaire. Et avec quel talent ! Malgré cette formidable publicité, ce ne serait pas un ami. Il fait partie des 37 espèces montrées du doigt par la Commission européenne, et désignées « invasives » en application d’un règlement européen publié le 4 novembre 2014. Leur arrivée dans nos écosystèmes bouleverse les équilibres. Elles prennent la place des espèces originales, par leur puissance ou leur capacité à se reproduire plus vite. Elles entrent en concurrence pour l’accès à la nourriture, aux gîtes. Elles se révèlent parfois de redoutables prédatrices et bouleverse la chaine alimentaire, avec de nombreux dégâts en chaine. L’Europe a donc réagi, tardivement pour certains mais mieux vaut tard que jamais, surtout pour les politiques au long cours. Il s’agit en l’occurrence de refuser l’accès du sol européen à ces espèces indésirables, et d’éradiquer leurs représentants déjà installés, parfois bien nombreux.
Pour fixer les idées et ressentir l’importance du phénomène, rappelez-vous : la maladie du platane qui a durement affecté nos paysages. La cause en est le chancre du platane, arrivé précisément le 15 août 1944 à Cavalaire sur mer, dans des caisses de l’armée américaine. Ce champignon a trouvé dans nos splendides arbres de Provence un terrain de choix pour proliférer, et c’est la catastrophe ! La circulation des espèces dans le monde n’est cependant pas chose nouvelle : Nos légumes sont pour une bonne part d’origine américaine, les épices viennent d’Asie depuis des siècles, etc. Nos explorateurs et autres commerçants des « comptoirs français » se sont installés dans le monde avec leurs chiens et chats, accompagnés de leurs parasites qui ont trouvé sur place de nouveaux « hôtes », etc. Dans les îles australes, désertes, les navigateurs ont introduit des lapins pour permettre à d’éventuels naufragés de trouver une subsistance en attendant des secours. Ces « animaux aux grandes oreilles » ont bouleversé les équilibres en creusant des terriers, points de départ d’une érosion éolienne intense. Et que dire des rats qui débarquaient des bateaux dans des ports lointains.
Les causes de l’arrivée dans nos contrées de ces espèces indésirables sont multiples, accidentelles ou volontaires. L’homme est le premier responsable. Des animaux ou des plantes sont arrivées pour des raisons récréatives, tortues de Floride et diverses plantes d’ornement. D’autres sont arrivées pour la production, comme les écrevisses de Louisiane, vorace et destructrice des habitats des rivières. Les scientifiques portent aussi leur part de responsabilité, en relâchant dans la nature des animaux ou végétaux recueillis au loin pour des études ou des recherches de médicaments. Souvenez-vous de l’algue tueuse, caulerpa taxifolia, originaire d’Australie et utilisée à des fins d’ornement dans des aquariums. Son développement en mer Méditerranée serait dû à des vidanges de l’aquarium de Monaco, haut lieu de recherche océanographique. Elle s’est vite répandue, et a pris la place des espèces locales, avec les conséquences que l’on peut imaginer sur l’écosystème. Heureusement, elle est aujourd’hui en forte régression, sans que la science ne puisse en expliquer les causes.
L’introduction des espèces invasives est souvent accidentelle. Des spécimens ou des germes profitent des échanges commerciaux à l’échelle de la planète pour circuler. Les roues des avions ont pu devenir une niche pour des espèces qui se sont retrouvées à des milliers de km de leur origine. Le dérèglement climatique, enfin, permet à des espèces qui n’auraient pas survécu il y a quelques années, de trouver des conditions favorables à leur développement. C’est le cas de certains moustiques, notamment du « tigre », porteur de nombreux germes dangereux pour la santé humaine.
La lutte contre ces « invasions » ne peut être menée séparément par chaque Etat, les espèces concernées ne connaissant pas d’autres frontières que celles que la nature a créé. Les îles sont bien sûr un cas particulier, entourées d’eau et protégées « naturellement » de ce fait. Le Brexit ne changera donc pas grand-chose de ce point de vue, et les Britanniques ont depuis longtemps pris des mesures de surveillance. Le réveil de l’Europe sur cette nécessité est une bonne chose, même si certains pensent que les 37 espèces inventoriées sont loin de suffire. C’est une politique qui se met en place, et c’est déjà un premier résultat. Elle sera régulièrement mise à jour. Pauvre raton laveur, mascotte de soldats américains d’une base de l’OTAN en Picardie, qui fera les frais de cette vigueur affirmée de la Commission européenne. Nous irons le voir chez lui.
  • Vues : 2181

Ajouter un Commentaire

Enregistrer