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Ressources, Nature et mer

Primaire

En période de doutes sur l'avenir, sur les orientations à prendre, un retour aux sources est toujours utile. L'important n'est plus la rose, mais le primaire.


Primaire : Voilà un mot curieux, ou plutôt paradoxal. Il signifie d’un côté dépassé, primitif, has been, et de l’autre fondamental, incontournable. C’est que primaire fait référence au début d’un processus.

Comme l’école primaire dont chacun sait qu’en France elle est la première étape dans la préparation à l’école Polytechnique. Le primaire est un socle, une base de pyramide, mais on s’intéresse au sommet. C’est l’aboutissement du processus qui fait l’objet de convoitises, et on oublie assez vite les premières étapes, rejetées dans la technique, et considérées comme « laborieuses ». Cette approche est superficielle, mais elle dicte bien des décisions, oriente bien des choix. Le mot reprend du poil de la bête avec l’énergie. On parle d’énergie primaire, et c’est même celle qui compte. On est revenu à la source, ce qui permet au passage d’intégrer le rendement de la ressource à partir de sa production, et non au bout de plusieurs transformations et à la suite d’un transport plus ou moins efficace. Les coefficients qui permettent de passer de l’énergie primaire à celle dont vous disposez chez vous, aux Compteurs de Gaz ou d’électricité par exemple, sont l’objet de débats, de manière à rendre compte des aléas que l’énergie rencontre sur la chaine d’approvisionnement.

Ce n’est pas la dernière étape. Il y a ensuite le rendement de l’énergie chez vous. Vos matériels électriques n’ont pas tous le même rendement, la chaleur qu’ils dégagent est perdue pour la cause (sauf l’hiver où ils contribuent au chauffage, malgré leur mauvais rendement). Les veilleuses de nos nombreux Équipements consomment en permanence de l’énergie, sans autre service que de tenir prêt un objet qui ne fonctionne que quelques heures par Jour, parfois bien moins. Une chaudière à gaz d’ancienne génération aura, elle aussi, un rendement médiocre. La bonne énergie, celle qui rend réellement service, qui est Utile, ne représente que la moitié environ de celle qui passe par vos compteurs. On est bien loin de l’énergie primaire.

Restons dans la construction. Dans le processus de conception et de réalisation, à présent. Le mot primaire n’est pas prononcé, mais chacun sait l’importance des premières étapes. A commencer par le programme, la mise sur le papier du besoin analysé par le commanditaire. Et ensuite des premières esquisses, qui positionnent l’ouvrage, l’orientent, lui donne ses formes, dessine ses volumes. C’est là où la qualité se forge, les défauts aussi, que l’on ne pourra pas masquer avec des raccords et des artifices. La traduction financière est là : à peine a-t-on dépensé 2% du budget d’une construction que l’on a défini les deux tiers de son prix, construction et fonctionnement pendant 10 ans.

Le primaire s’invite aussi dans l’alimentation. Ce ne sont plus des kWh, mais des calories qui se transforment. On en introduit dans les sols de mille manières : labours, traitements, produits divers épandus, récolte, etc. Un premier calcul peut être fait sur le rendement du processus de production primaire. Combien de fuel ou d’équivalent pétrole pour une tonne de céréales par exemple. En France, la réponse est environ 1/3 de tonne d’équivalent pétrole. Ce que l’on appelle productivité primaire est fortement aidé. Tout dépend ensuite de ce que l’on fait des céréales en question. On en tire des aliments, mais selon les filières, il y a ou non des transformations secondaires, qui consomment de l’énergie. Le rendement est de 1/10 pour la viande rouge et de 1/4 pour la volaille. Là ou 1 hectare suffit pour une alimentation végétale, il en faut 10 pour l’équivalent en bœuf ou en mouton.

Il faut aussi intégrer les pertes en ligne. Avant que ces calories, végétales ou animales, ne parviennent dans votre cuisine, il faudra les stocker, les conserver, les transformer, etc. 10 à 15% vont s’évaporer en chemin. L’écart entre production primaire, obtenue grâce à la photosynthèse, et les calories alimentaires effectivement consommées est considérable. Un rendement qui doit être sérieusement amélioré pour faire face aux besoins actuels, et nourrir les 9 milliards d’êtres humains que nous serons dans 40 ans.
La tentation est forte, dans ces conditions de privilégier la filière végétale, et de shunter la chaine de transformation des produits primaires en produits sophistiqués. Une alimentation végétale est à l’évidence plus économe. A l’échelle de la planète, on observe plutôt la tendance inverse, notamment du fait de l’urbanisation massive de certaines régions du monde : on mange plus de viande dans les villes qu’à la campagne.

Le même raisonnement est suivi pour la pêche. A la base de la richesse biologique des océans, tout de suite après le phytoplancton, on trouve le krill. Tout petit crustacé à la base de l’alimentation de nombreuses espèces, parmi lesquelles les baleines, les phoques, les manchots. Pourquoi ne pas aller le pêcher directement, et en tirer les huiles et autres substances utiles ? Le rendement sera bien meilleur qu’en bout de chaine alimentaire. Oui, mais nous ne sommes plus là dans un domaine artificiel, contrôlé comme l’est l'agriculture. C’est la pyramide alimentaire du peuple des océans qui est en cause. Il est certainement possible d’en rogner la base, mais modérément pour ne pas saper tout l’édifice, déjà fragilisé par les dégradations du milieu marin et le réchauffement climatique.

La productivité primaire, pour l’énergie et l’alimentation, reste la base de la réflexion. C’est elle qu’il faut préserver et renforcer en chaque occasion. Mais ça ne suffit pas. Il faut aussi réduire en aval la pression sur les produits de consommation courante, en bout de chaine. D’importantes marges de progrès résident dans l’amélioration du rendement, souvent bien médiocre, entre le primaire et l’utile.

Chronique mise en ligne en marge des primaires d'Europe Ecologie les Verts, le 11 juillet 2011

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