Poisson
Au moment ou les statisticiens nous apprennent que la population mondiale vient de passer le cap les 7 milliards, un rapport de la FAO nous alerte sur la ressource halieutique. Les poissons, une part importante de l’alimentation humaine, sont en danger.
La population mondiale vient d’atteindre les 7 Milliards, dont une bonne partie vit mal, au-dessous des seuils de pauvreté, sans accès aux biens dits « essentiels ». Le défi auquel nous sommes confrontés en ce XXIe siècle est bien identifié : faire vivre convenablement 9 à 10 milliards d’êtres humains d’ici 40 ans. Rattraper le retard en éradiquant la misère que l’on observe aujourd’hui, et se donner les moyens d’accueillir dans de bonnes conditions 2 à 3 milliards de nouveaux venus.
Epoque cruciale, unique dans l’histoire de l’humanité, siècle de tous les dangers avec la conjonction de deux phénomènes, démographique d’une part, et écologique d’autre part. La productivité de la planète est notre ressource primaire, à partir de laquelle nous allons répondre aux besoins. De nombreux indices laissent penser que cette productivité est en baisse. L’équation à résoudre devient alors délicate : faire vivre plus de monde, et plutôt mieux qu’aujourd’hui, avec des moyens en diminution.
L’exemple de la pêche illustre bien cette situation, et donne des pistes pour surmonter cette contradiction. Le poisson constitue une source importante de protéines, pour plus de la moitié de la population mondiale. La FAO nous dit qu’en 2010 la consommation moyenne de poisson par habitant a atteint 17kg, et elle continue d’augmenter de quelques pourcents par an. La pêche est aussi une source d’emplois, 540 millions dans le monde. Autant de besoins alimentaires, autant d’emplois dépendant de l’état de la ressource. Or celle-ci se porte mal. La gestion des stocks de poissons n’est pas cordonnée. Un tiers d’entre eux sont en limite de rupture, et doivent être restaurés. On sait par ailleurs que le renouveau est d’autant plus difficile que le stock est réduit. Plus tard on parviendra à une régulation efficace, plus dure et aléatoire sera la reconstitution du stock. Il y a donc urgence à retourner une tendance au renforcement de la puissance des bateaux, pour aller toujours plus loin, plus profond, et avec plus d’efficacité prélever les rescapés des populations halieutiques. En 2010 encore, la pêche au thon rouge en Méditerranée était évaluée à 32 520 tonnes, pour un quota autorisé, établi pour sauvegarder l’espèce, de 13 520 tonnes. Un écart de plus de 140%.
La France, deuxième puissance maritime au monde si on en juge par son domaine, ne donne pas l’exemple. Déjà condamnée en 1991 à 20 millions d’euros d’amende pour non respect de la taille minimale de capture des poissons, elle vient de l’être à nouveau, le 19 octobre dernier, malgré les recours qu’elle a diligentés. Les instances européennes ont fixé cette fois-ci le montant à payer à 57,77 millions d’euros. L’absence de contrôles effectifs sur les prises de pêche met l’activité en péril : Résultats ? Une surpêche impliquant la diminution de la taille et du nombre de poissons dans nos océans, un nombre de marins-pêcheurs en chute libre et un coût sociétal énorme. Tous perdants : poissons, pêcheurs et société ! selon un communiqué du WWF.
Les pêcheurs ne sont pas les seuls à vouloir faire durer le passé. Les pétroliers, eux aussi, cherchent de nouveaux gisements dans des conditions extrêmes, au lieu de se reconvertir massivement vers les énergies renouvelables. Chaque baril de pétrole qu’ils trouveront produira du gaz carbonique, et l’argent investi pour le trouver serait bien plus utile pour des techniques d'avenir, non carbonées. Savoir tourner la page est bien difficile. En ce qui concerne la pêche, cette remise en question n’est pas radicale. Il ne s’agit pas de l’arrêter, hormis des cas extrêmes. Il faut réduire certains prélèvements, et surtout éviter la pêche inutile. Une part importante des prises est rejetée à la mer, car non exploitable ou non conforme. Elle était estimée à 13% par la FAO en 2005 pour l’Atlantique Nord, mais elle semble très variable selon les flottes, les espèces recherchées et les profondeurs. On atteint 90% de rejets dans les cas les plus défavorables. Ces rejets constituent un véritable gâchis, et traduisent un manque d’efficacité à la fois économique et écologique. Pour les éviter ou les réduire, diverses mesures peuvent être mises en œuvre : meilleure sélectivité des engins de pêche, fermeture de zones de pêche, obligation de changer de zone lorsqu'on y trouve des concentrations excessives de juvéniles, etc.
Pour les députés européens qui ont présenté le 31 janvier 2008 un rapport d’initiative sur le sujet Une réduction de la pression de pêche profiterait grandement au secteur, en permettant aux stocks en voie d'épuisement de se reconstituer et de devenir plus productifs et en rendant plus rapides et moins pénibles les opérations de tri des prises.
Changer de cap, abandonner l’acharnement quantitatif et favoriser l’efficacité en termes de service rendu, la porte étroite est par là. Le « toujours plus » rassure, il semble résoudre les problèmes, mais il ne fait que les accentuer et il faut savoir écarter cette tentation. Pour la pêche comme pour l’énergie, l’orientation est de rendre le même service en prélevant moins de ressources. La concurrence entre les pêcheurs de toutes provenances, entre les artisans et les industriels, la gestion d’un « bien commun » convoité de toutes parts, représentent de lourdes difficultés à surmonter pour progresser dans cette voie. On retrouve là une des conditions du succès, la mise en place d’une bonne gouvernance.
Chronique mise en ligne le 28 octobre 2011
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