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Ressources, Nature et mer

Masque

masqueL’abondance est souvent une illusion. Elle est alors le masque  d’une situation complexe, où les bilans sont impossibles à établir. Le développement durable nous conduit à faire tomber le masque.


Evoquer les limites de la planète dans le grand Nord canadien relève du défi. Comment imaginer, devant l’immensité, que le monde est petit, que ses ressources sont pour certaines épuisées ou en voie de l’être.
Et pourtant, les données sur l’état de la planète sont bien là, avec son cortège d’alertes. Elles sont masquées par des apparences trompeuses. Les grands horizons laissent croire que le monde est infini, mais c’est une Illusion. C’est comme l’histoire des nénuphars, qui doublent leur Surface chaque Jour. Au début, ça va très lentement, et puis, la veille de la saturation totale, il reste encore la moitié du lac au contact avec l’air. On pense qu’on a le temps de s’en occuper, et le lendemain, c’est tout le lac qui est asphyxié. 
Nos références culturelles restent le monde infini, et le regroupement des populations dans les villes n’arrange pas les choses : dans un milieu très artificiel, on ne se rend plus compte de ce qui se passe dans la nature. « Nous ne vivons plus sur la même planète que nos aïeux : la leur était immense, la nôtre est petite » disait Bertrand de Jouvenel (1). La prise de conscience est bien difficile, aussi bien pour les habitants des grandes étendues que pour ceux des grandes villes.
C’est quand on se heurte à une limite que le masque tombe. Une limite physique, ou politique. L’accès à certaines ressources dépend des relations entre les Etats, et quand on s’approche des limites, celles-ci deviennent plus délicates. Le pays détenteur tente de profiter de son avantage, il fait monter les Prix, il joue de la rareté de sa ressource. Les tensions géopolitiques sont souvent des alertes qui annoncent une difficulté physique. La question de l’eau douce, par exemple, a été source de bien des conflits tout au long de l’histoire.
La vieille Europe est confrontée depuis longtemps aux problèmes d’approvisionnement en matières premières et de pollution. Le domaine de l’énergie est le plus sensible aujourd’hui, même si d’autres se font sentir douloureusement, comme les questions d’alimentation. Nos Economies sont fondées sur le postulat d’une énergie abondante et pas cher, et nous voyons bien que cela ne fonctionne plus. Les régions à forte densité, où l’industrie a permis de concentrer les hommes, ont été les premières à prendre conscience des limites. L’illusion de l’abondance et du monde infini s’est heurtée à des constats de dépendance fâcheuse, ou de pollutions multiples, eau, sols, air. La fragilité de la situation s’est imposée, et des mesures ont du être prises. Les pays moins denses, comme la France, ont mis plus de temps à accepter cette dure réalité. La résistance de nombreux élus français au Parlement européens, face aux mesures de régulation des prises de pêche, atteste que ce retard n’est pas complètement résorbé. Une forte majorité s’est dégagée pour une refonte en profondeur de la Politique Commune de la Pêche, 502 pour, 137 contre, le 6 février dernier. L’affaiblissement des stocks de poissons a alerté les députés, sauf quelques irréductibles qui veulent encore gagner du temps. Le masque de l’abondance des poissons est largement fissuré, mais il résiste encore ici ou là.
La question se pose autrement dans les pays émergents. Vastes pays bien souvent, ce qui leur donne des densités faibles de population, malgré des concentrations humaines spectaculaires. Le mirage du monde sans limites est encore bien présent, ce qui est bien inquiétant quand on le rapproche de l’appétit bien légitime d’un développement rapide. La désillusion risque d’être violente, avec des conséquences politiques et sociales redoutables. Les anciens modèles de croissance, ceux dont l’Europe peine à s’extraire, sont encore vivaces dans ces jeunes économies. Ajoutons que quand le masque tombera, nous nous seront encore plus approchés des limites de la planète, nous les auront joyeusement dépassées dans bien des domaines, ce qui réduira encore les Marges de manœuvres pour trouver et développer de nouveaux modèles.
La situation de l’Europe lui confère une Responsabilité particulière. Mis à part les grands espaces russes, elle est pauvre en ressources fossiles ou minérales, par rapport à ses besoins. Sa richesse est dans sa culture, son organisation politique, le haut niveau de formation de ses ressortissants, dans un climat tolérant et diversifié, dans un milieu naturel particulièrement riche du fait de la Diversité des influences, océanique et continentale, méridionale et septentrionale. Elle a tous les atouts pour explorer de nouvelles voies de développement, et aussi la contrainte qui lui en fait une obligation. Une occasion historique de redonner du tonus à une Europe qui ne connait pas sa chance !
 
1 Arcadie, essai sur le mieux vivre, Futuribles, 1968

Chronique mise en ligne le 8 avril 2013

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