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Ressources, Nature et mer

Extrême

extremeC’est à partir d’un « magazine de l’extrême » que Nicolas Hulot est devenu écologiste. L’extrême a des vertus pédagogiques, certainement. Une porte d’entrée vers le durable. Aller jusqu’au bout, au bout du monde, à bout de souffle, le plus loin possible pour mieux comprendre et mesurer ses limites.

Les iles australes françaises, Crozet, Kerguelen, St Paul et Amsterdam, dites aussi subantarctiques pour les premières, sont souvent appelées « terres extrêmes ». Elles vivent totalement sous perfusion, si l’on excepte les produits de la pêche locale. Tout ce qui est nécessaire à la vie des communautés qui y vivent est apporté régulièrement par une navette maritime, trois ou quatre fois par an.

On y a bien introduit, pour l’alimentation ou pour gagner de l’argent, des animaux et des végétaux du reste du monde, mais ils ont modifié les équilibres antérieurs, et la tendance actuelle est à les éradiquer : retour aux sources et à la pureté originelle. Plus de jardin, même sous serre, plus de mouflon, bientôt plus de bovin ni de mouton. Cette anti-autarcie oblige à faire un inventaire rigoureux de ce qui nous est utile, aux plans matériels et spirituels. Exercice toujours intéressant et enrichissant pour ceux qui séjournent longtemps sur ces terres isolées.
Cette recherche n’est qu’une partie de la richesse qu’elles procurent à leurs visiteurs.

 Il ne s’agit pas de terres échappées d’un continent, dont elles auraient gardé des traces. Point de dérive ici, mais des émergences originales. Les iles australes ont surgi du fond de la mer, en direct de la croûte terrestre. Purement volcaniques, ces terres n’ont jamais été reliées au reste du monde autrement que par l’eau et l’air. On n’y trouve pas de race endémique cousine de races comparables dans d’autres parties du monde. Tout y est original, comme le chou des Kerguelen, qui a jadis sauvé du scorbut les équipages du Capitaine Cook, ou le phylica, l’unique arbre de cette région du monde. Les mouches n’y ont pas d’ailes : elles se sont atrophiées au profit de leur estomac et du foie, pour mieux lutter contre le froid. Le vent et les oiseaux marins, comme les albatros, les pétrels et autres damiers du cap, sont les seuls liens naturels avec le reste du monde terrestre. Pour le monde marin, les grands mammifères (éléphants de mer capables de descendre à plus de 2000 mètres de profondeur, otaries, orques et léopards des mers) et les manchots, royaux ou papous, gorfous macaroni ou sauteurs assurent une navette avec le front antarctique et la banquise. Nous sommes toujours dans l’extrême.

C’est un monde à part, avec ses espèces propres, sa vie bien à lui. Et ça donne du recul. Ça ouvre le champ du possible. Déjà nous avons été étonnés et secoués par la découverte de formes de vie inimaginables au fonds des abysses, soumises à des pressions fantastiques, loin de toute lumière et de toute molécule d’oxygène. Ou près d’émissions, à proximité de failles dans les grands fonds marins, de substances toxiques en provenance directe des enfers du centre de la Terre. D’autres formes de vie sont possible que celles qui nous sont familières. Les iles australes ne sont pas aussi extrêmes que les abysses, mais elles nous donnent un aperçu d’autres formes de vie, de paysage, de relations.

Les Kerguelen recèlent le plus grand glacier de France. Un glacier touché par les changements climatiques, naturels ou causés par les activités humaines : il est passé, de 1963 à 2003 de 500 à 400 km2, soit une diminution de 20% en 40 ans, avec une nette accélération depuis les années 1990. Avec ses « voisines », à quelques milliers de kilomètres, ces iles forment la plus grande réserve naturelle terrestre, plus de 700 000 hectares. Celle-ci se prolonge par la plus grande plus grande réserve maritime, plus d’un million et demi d’hectares. Nous sommes passés de l’extrême au superlatif. Un ensemble exceptionnel pour protéger cette vie originale, adaptée aux vents les plus violents du monde, aux courants les plus forts. Mais il ne s’agit pas que de préserver, mais aussi de nous apprendre à voir les choses différemment, à trouver de nouveaux repères. Un exercice bien utile pour inventer un monde inédit. Les vertus pédagogiques de l’extrême sont une fois encore vérifiées.

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