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Ressources, Nature et mer

Création


Le développement durable est la recherche d'une suite au "Croissez et multipliez" qui a présidé au développement de l'humanité. Les consignes qu'elle a reçues à la Création sont en voie de réalisation. Et après ?

Sans entrer dans le détail de la définition du développement durable on peut dire que c’est la manière de désigner la voie vers un monde nouveau. Ce monde est à créer, à inventer car nous approchons des limites du monde tel qu’il nous avait été donné à peupler à la création du monde, si on en croit la Bible.

Selon la traduction oecuménique de la Bible (TOB), l’ordre divin Croissez et multipliez, qui figure dans le premier récit de création (chapitre 1 du livre de la Genèse), est en fait plus précis : Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-la. Soumettez les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et toute bête qui remue sur la terre.
Une feuille de route claire, avec des objectifs sans ambigüité. On n’est pas loin de les avoir atteints, pour la première fois à l’échelle de la planète, et il va bien falloir trouver une orientation nouvelle pour l’humanité. C’est un moment délicat, un virage à négocier habilement, avec le risque de la sortie de route.
Mais le code de la route de l’humanité figure peut-être aussi dans la Bible, dont les auteurs ont connu plusieurs sources d’inspiration. Juste après le premier récit, d’inspiration babylonienne, se trouve en contrepoint un second récit (chapitre 2 de la Genèse), une version plus ancienne encore, d’origine sumérienne, celle où Dieu modèle l’Homme avec de la poussière prise du sol. Dans cette version, qui jouxte curieusement la précédente, le message est bien différent : Le Seigneur Dieu prit l’homme et l’établit dans le jardin d’Eden pour cultiver le sol et le garder. L’esprit de conquête a disparu. Plus de domination, mais un esprit de conservation.
Les scribes juifs qui compilèrent le texte sacré vers l'an 500 avant Jésus-Christ, au retour de l'exil à Babylone, étaient-ils inconscients ou aveugles en juxtaposant ainsi deux récits aux injonctions contradictoires ? Ce serait surprenant. On peut penser bien au contraire qu'ils on fait montre d'une grande sagesse et d'un sens surprenant de l'avenir. La fin du Croissez et multipliez est peut-être déjà programmée dans la Bible, où figure donc les deux logiciels comme on dit maintenant, celui de l’expansion, et celui du jardin à cultiver.
La révolution industrielle nous a bien habitués au premier, le prélèvement en deux siècles d’un capital amassé pendant des millions d’années a laissé croire que le monde était inépuisable. C’est une erreur de perspective, et on s’aperçoit bien aujourd’hui qu’elle nous entraîne vers des difficultés insurmontables. De là à accepter de revenir dans notre jardin, qui sera d’ailleurs d’autant plus petit que nous serons nombreux, il y a un grand pas. Et puis, il y a des gens qui ont des grands jardins, et d’autres qui sont entassés dans de tout petits lopins. Ça ne pourra pas tenir longtemps.
Peut-on, dans ces conditions marier les deux injonctions divines, et organiser une forme d’expansion qui permette aussi de cultiver le sol et le garder ? Quand on vous dit que le développement durable, c’est sortir des contradictions par le haut ! Voilà un bel exercice qui nous est proposé depuis quelques trois mille ans. La réponse est de faire plus sur place, sans chercher à conquérir d’autres jardins, lointains ou imaginaires, comme les étoiles, les planètes qui nous entourent à quelques années lumière… Il faut produire plus avec le jardin des hommes. Le message est clair, il faut cultiver la terre pour l’enrichir, la rendre plus productive. C’est le savoir faire humain, la valorisation du capital nature, la manière dont nous nous organisons pour ne rien perdre de cette richesse produite, pour en récupérer les restes éventuels, c’est là la piste qu’il nous faut défricher aujourd’hui. Une expansion qualitative, en quelque sorte, fondée sur la créativité humaine.

Une feuille de route qu'il reste à partager avec toutes les communautés humaines à la surface de la planète. Ce ne sera pas une mince affaire, compte tenu des disparités extraordinaires dans les modes de vie, les cultures, les organisations sociales. A l’inverse, cette recherche commune d’une meilleure mise en valeur de la planète repousse la question du partage des territoires, qui a provoqué tant de conflits et tant de morts, puisque la richesse principale réside dans les hommes. Le développement durable est un pari sur l’Homme. On pourrait se croire revenu à des idées bien traditionnelles, celles de François Quesnay et des physiocrates, au siècle des lumières, mais le pari de l’époque était plutôt celui du nombre, celui d’aujourd’hui est sur le talent , l’intelligence. C’est la créativité de l’Homme qui est le moteur de la période qui démarre. Notre responsabilité est de savoir la mobiliser, de l’exploiter dans sa diversité, d’accepter qu’elle nous guide vers des terres nouvelles. Il ne s’agit pas ici d’une Amérique à découvrir et à coloniser, mais d’un regard plus pénétrant sur les anciennes terres, revisitées, et valorisées mille fois mieux que nous n’avons su le faire jusqu’à présent. Puisque nous avons goûté au fruit défendu, celui de l’arbre de la connaissance du bonheur et du malheur, allons au bout de cette logique pour tirer le maximum du jardin d’Eden, tout en le préservant. La création va connaître une nouvelle vie, et c’est ça qu’on appelle le développement durable.

Chronique mise en ligne le 20 décembre 2007, à la veille de Noël, revu le 4 décembre 2011.

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