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Ressources, Nature et mer

Chat

chatL'observation du chat, prédateur multi proies, offre une leçon intéressante sur notre manière de prélever des ressources.

Animal sacré pour les égyptiens, Pussy Cat est devenu un gentil animal de compagnie dans nos sociétés modernes. Un animal bien utile pour chasser les souris. Mais Raminagrobis est un redoutable prédateur. Parmi ses victimes figurent notamment les oiseaux. Il y a toujours une sorte d'équilibre qui s'établit entre les prédateurs et les proies, mais certaines espèces fragiles peuvent en faire les frais.

Quand le prédateur est spécialisé sur une proie, il est bien obligé de modérer ses appétits. Quand son garde-manger se dégarnit, il réduit ses prétentions d'une manière ou d'une autre : ses effectifs baissent, parfois aussi sa fécondité, ou sa taille. Proies et prédateurs sont, dans ce cas, unis pour le meilleur et pour le pire. Il n'en est pas de même pour les prédateurs moins regardants. Si telle proie disparait, ils se reportent sur une autre. Ils peuvent donc conduire à l'extinction complète d'espèces sans se condamner eux-mêmes. C'est le cas du chat. Il cause de nombreux dégâts, il n'est pas l'ami de la biodiversité.
Introduit dans des régions nouvelles pour lui, il lui arrive de faire disparaitre des espèces locales. Il n'est pas le seul, ni dans le règne animal, où il voisine avec le rat et le lapin, ni dans le règne végétal ou le terme de prédation doit être remplacé par une référence à la concurrence pour l'accès à la lumière et à l'eau.
Les
Iles sont des observatoires privilégiés de ces phénomènes de prédation ou de concurrence entre espèces, notamment les iles australes ou subantarctiques, qui n'ont pas été colonisées par l'homme de façon permanente. Dans l'archipel de Crozet, l'île de la Possession, ouverte aux influences extérieures, a connu rats et souris, apportées par les bateaux qui y ont fait escale. L'Ile de l'Est a été préservée et constitue même aujourd'hui une réserve intégrale. Résultat : 6 espèces de pétrels, oiseaux de mer, en plus sur l'Ile de l'Est.  Pour revenir aux chats, les études de l'Institut polaire sont parlantes : Aux iles Kerguelen, l'Ile aux Cochons, 165 ha sans chats, compte 150 000 couples de 22 espèces d'oiseaux, alors que dans l'Ile Guillou, 145 ha où les minous prospèrent, il ne reste que 100 couples pour 6 espèces d'oiseaux. La biodiversité y est compromise.
Jeannot lapin est un autre agent d'appauvrissement biologique.
Il a souvent été introduit sur des îles éloignées pour fournir de la viande à d'éventuels naufragés. Bonne intention, mais résultat catastrophique pour la flore. La végétation est profondément perturbée par le prélèvement des lapins. Certaines plantes endémiques, comme le chou des Kerguelen, ont disparu de leur territoire. Ajoutez l'arrivée d'autres végétaux, accidentelle (graines collées aux chaussures de visiteurs), ou volontaire (velléités de colonisation), et c'est une transformation radicale de la flore qui s'opère, se répercutant souvent sur les sols, d'autant que les lapins creusent des terriers propices à des départs d'érosion.
Halte donc à l'introduction d'espèces étrangères, vive l'endogamie et la pureté des races ! Une tendance forte se manifeste, depuis quelques années, pour redonner leur caractère originel aux îles éloignées de tout. Faisons-en des témoins d'un équilibre écologique sans intervention humaine. Exercice passionnant s'il s'agit de conserver à l'humanité un patrimoine biologique aussi étendu et diversifié que possible ; mais aussi mission impossible dans la plupart des cas : allez éradiquer les souris, les scarabées, et les innombrables plantes introduites, que le vent a dispersé dans les moindres recoins. Faut-il alors retrouver coûte que coûte l'état primitif de l'île, ou bien gérer ces territoires avec pragmatisme, en cherchant à maintenir et renforcer leur r
ichesse biologique sans prétendre éliminer tout effet de la présence humaine ? Les équilibres naturels sont le fruit d'interactions multiples dans des systèmes complexes. Le chat, prédateur des oiseaux l'est aussi des lapins et des souris, autres sources de nombreux problèmes. Eliminer un élément dans cet ensemble pourrait provoquer de nouveaux déséquilibres, voire un appauvrissement supplémentaire. Le remède pourrait être pire que le mal, mais faut-il parler de bien et de mal, plutôt que d'un état de fait à gérer pour le mieux ?
L'ambition du développement durable n'est pas conservation pour elle-même : il s'agit de faire bien vivre sur cette planète, d'ici une quarantaine d'années, soit la moitié d'une durée de vie humaine, 9 milliards de personnes, soit moitié plus que maintenant. La diversité et la Productivité biologiques sont à ce titre des atouts essentiels dont l'humanité doit se doter. Elle n'y parviendra qu'en dépassant tout dogmatisme. Merci au chat de nous ramener ainsi au principe de réalité.

Chronique rédigée à bord du Marion Dufresne, publiée sur le Moniblog le 7 septembre 2009, revue le 12 dé&cembre 2011.

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