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Ressources, Nature et mer

Biophilie

L’amour de la nature et des êtres vivants est profondément ancré dans nos cultures. La biophilie, car c’est comme ça qu’il s’appelle, relève du lien millénaire entre l’Homme et la nature. Une approche affective, complément fort utile aux approches rationnelles.

C’est le titre d’un livre, paru en France en 2012, écrit par un entomologiste, professeur à l’Université d’Harvard, Edward 0. Wilson. Il est aussi un des pères du concept de biodiversité. Biophilie et biodiversité, deux approches complémentaires du vivant.

La biophilie est l’amour du vivant, l’attrait qu’il inspire. La biodiversité est une de ses caractéristiques essentielle, l’indice de sa richesse, de son exubérance, et de sa résilience. L’une fait référence à l’affectif, au sentiment, et l’autre à la raison, à, la connaissance.

Il y a plusieurs manières de s’intéresser à la nature, et plusieurs raisons de vouloir la protéger. L’une est utilitaire. Nous (l’humanité) lui voulons du bien parce que c’est notre intérêt. Elle nous procure une quantité de services, elle nous fournit des produits. La nature nous offre le gîte et le couvert. Le gîte, notre habitat, nos lieux de vie, notre climat, l’air que nous respirons. Et le couvert, notre nourriture et toutes les ressources dont nous avons besoin pour nos activités. Dégrader la biodiversité revient à appauvrir un capital dont nous bénéficions chaque jour, alors que nous sommes de plus en plus nombreux et de plus en plus exigeants. Mauvais calcul. La biodiversité est aussi notre assurance vie. Nous avons sélectionné quelques variétés, animales ou végétales, pour répondre à nos besoins, une toute petite partie du patrimoine génétique mis à notre disposition par la nature, et c’est dans cet immense réservoir, que nous ne connaissons que très imparfaitement, que nous pourrons trouver, en fonction des circonstances, des réponses à nos problèmes de dégénérescence, ou des instruments de résistance à des agressions.

Une approche raisonnable, fondée sur l’intérêt de l'espèce humaine. Une approche fragile, car elle suppose la sagesse et la connaissance, qui ne sont pas toujours au rendez-vous. La tentation est forte, parfois, d’abandonner la modération dans les prélèvements, pour faire face à une crise, pour damer le pion à des adversaires ou des concurrents, pour accroître sa part de marché, ou tout simplement parce que l’on n’a pas compris l’intérêt de ménager la ressource. Rappelez-vous le « grand bond en avant », en Chine en 1958. Une des mesures décrétées par le président Mao était l’éradication des 4 nuisibles parmi lesquels les moineaux, accusés de manger du grain. Le résultat fut une catastrophe, car les moineaux mangeaient aussi des insectes, qui purent proliférer et ravager les cultures. L’appauvrissement de la biodiversité a conduit à un déséquilibre, à l’origine d’une grande famine, plus de 30 millions de morts. La simple raison, qui conduisait à protéger les oiseaux, a été malmenée.
Une approche affective est d’une autre nature. Elle n’exige aucun diplôme, elle résulte d’une longue histoire intégrée dans nos cultures, et peut-être nos gènes. C’est le « fruit de notre longue co-évolution avec le vivant non-humain » selon E.O. Wilson. Cet amour du vivant s’exprime de mille manières : le goût du végétal dans la ville, des arbres dans les jardins publics et dans les rues, des fleurs dans votre jardin, votre appartement ou votre balcon, l’amour des animaux, domestiques ou sauvages. Pendant les vacances, combien d’entre nous recherchent le contact avec les éléments naturels, l’eau, la faune, la flore, la vie sauvage. Les politiques de nature en ville, qui se développent actuellement, tentent de compenser l’artificialisation des grandes cités. Elles répondent à une attente des citadins, ou au moins d’une grande partie d’entre eux. Le chant des oiseaux, c’est sympa. La nature en ville enrichit ladite ville, lui apporte une dimension humaine, paradoxalement, avec un rappel, bien ténu mais réel, de l’habitat originel de l’humanité. La biophilie joue sur d’autres ressorts que l’intérêt, elle n’a pas besoin de raisonnement ni de connaissances approfondies des écosystèmes, des chaines action/réaction. Elle est spontanée, populaire, et c’est une grande force. C’est aussi une fragilité, car ce besoin de nature ne se ressent souvent que quand il y a déficit de nature. C’est alors trop tard, le mal est fait, et parfois de manière irréversible.

On le voit, la raison et la sensibilité ont chacune leurs atouts et leurs faiblesses. Il est fréquent qu’elles soient opposées, avec les adeptes de l’une contre les adeptes de l’autre. Paul Valéry avait réagi à cette opposition artificielle en proclamant que « la sensibilité est le moteur de l’intelligence », mais il n’a pas été assez entendu. Au lieu de les opposer, il faut les assembler, pour qu’elles se renforcent mutuellement, en réduisant les faiblesses de chacune d’elles. La biophilie une des raisons de préserver la biodiversité, au même titre que nos intérêts bien compris. Biophilie et biodiversité, même père, même combat !

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