Propreté
Le développement durable se joue dans les grandes décisions internationales comme dans les plus modestes. Exemple de la propreté, à l'occasion de la signature, le 27 octobre 2011, de l'engagement des entreprises de la propreté en faveur du développement durable.
Un sujet qui apparaitra bien mineur, à côté des grandes crises que nous connaissons, crises de l’énergie, crises alimentaire, crises de la biodiversité, et bien d’autres. Que dire de la propreté, quand un milliard d’êtres humains n’ont pas accès à l’eau potable, quand les centrales nucléaires dévastées par les raz-de-marée larguent leur radioactivité ?
Et bien justement, la propreté a des vertus, et on aurait tort de les négliger. La propreté est modeste, on ne la voit que quand elle n’est pas là, mais elle nous concerne tous. Elle est multiforme, qu’il s’agisse de ramasser les poubelles ou de faire le ménage, de laver le sol ou les carreaux, sans oublier l’hygiène personnelle. On la retrouve partout dans la maison, avec les moquettes bourrées d’acariens si on ne les nettoie pas, les déchets qui doivent être triés et valorisés, la qualité de l’air que nous respirons, les produits d’entretien dont le pouvoir décapant pourrait bien avoir des effets indésirables.
Bref, la propreté occupe un rôle central dans notre vie quotidienne, en prise sur de nombreux sujets importants pour notre santé et l’environnement. Un rôle permanent, répétitif et cumulatif. Une belle porte d’entrée vers le développement durable. Bien sûr les grands thèmes comme l’effet de serre et la maladie du corail nous préoccupent, mais chacun se sent bien impuissant face à l’immensité de la tâche. Pour la propreté, chacun sait de quoi il s’agit, chacun peut participer. Car en matière de développement durable, tout finit non pas par une chanson mais par une question : que puis-je faire, moi, dans ma sphère d’influence, ici et maintenant ? Que puis-je faire pour contribuer efficacement à construire le monde de demain, dont je puisse être fier, et qui me procure une réelle satisfaction ?
Il faut donc des chemins modestes, que chacun puisse emprunter, où chacun puisse se rendre utile et en être content. Ces approches « élémentaires » permettent de prendre conscience des enjeux, de s’engager, et d’entrer dans une dynamique. L’exemple des entreprises de nettoyage dans les bureaux est éloquente à cet égard. Une des conclusions de l’étude de Jean Carassus sur les promesses des bâtiments verts (1) est claire : il faut intégrer l’entretien et la maintenance dès la conception, et y associer les professionnels le plus tôt possible. Poursuivons le raisonnement.
Partons d’un slogan hyper classique, « La propreté est l’affaire de tous ». Oui, mais en équipe, depuis les propriétaires qui passent commande d’un bâtiment, les Maîtres d’Ouvrage, aux concepteurs et constructeurs, aux utilisateurs et aux exploitants. C’est toute une chaine d’acteurs qui doivent se mobiliser sur cet objectif si modeste, la propreté. L’exigence d’une triple alliance, propriétaire, exploitant, utilisateur, se retrouve d’ailleurs inscrite dans le processus de certification HQE exploitation. Aucun n’a la solution à soi tout seul, c’est le rapprochement des points de vue qui permet de trouver les meilleures réponses.
C’est une question pratique. L’organisation des locaux, les branchements et autres aménagements doivent être pensés en fonction de l’entretien. C’est la qualité d’usage qui en jeu. Il est bien normal de penser aux personnels d’une entreprise quand on conçoit ses bureaux, et à leur qualité de vie. Parmi eux, il y a les agents d’entretien, et leur efficacité dépend en partie de la conception des locaux. On plaisante parfois de l’oubli de l’escalier, mais l’oubli des locaux dédiés à l’entretien est plus fréquent.
C’est une question d’Argent, avec les coûts exorbitants de certaines prestations, comme le nettoyage des vitres par des cordistes, ou le recours à des alpinistes chevronnés pour atteindre certaines parties de l’immeuble. La nature des sols, les possibilités d’accès aux locaux dédiés, sont d’autres exemples de paramètres influençant directement les coûts d’entretien.
C’est une question de santé, avec en tête de file la question des filtres et de gaines à nettoyer sur les circulations d’air, les acariens dans les moquettes et les allergies qui vont avec. La qualité de l’air et le nettoyage sont liés, et d’une manière générale l’hygiène des locaux. C’est aussi une question de sécurité incendie, avec les risques de dépôts de poussières dans les lieux inaccessibles.
C’est une question sociale. Les personnels de nettoyage sont-ils condamnés à travailler entre 5 et 8 h du matin d’un côté, et tard le soir de l’autre, avec des heures de transports qui s’ajoutent. Ou bien peut-on faire cohabiter l’entretien et la vie courante d’un immeuble ? Cette deuxième option, largement répandue en Europe du Nord, est exigeante, et elle doit s’organiser au sein de l’entreprise.
C’est une question d’environnement, avec les produits d’entretien et les résidus qu’ils laissent inévitablement, leurs emballages, l’énergie et les différents bilans écologiques que l’on peut faire, analyses de cycle de vie ou bilan carbone des interventions, produits, matériels, eau consommée, énergie, transport des personnels, etc.
Le nettoyage et la propreté constituent un modeste fil de la pelote développement durable, mais quand on le tire, c’est tout un ensemble qui vient. Les enjeux sont multiples et importants. Ils présentent en outre un aspect pédagogique évident : chacun comprend ce qui se passe, il suffit d’y prêter attention. La mobilisation est à portée de main, avec une exigence forte, toutefois : travailler ensemble. Cette solidarité de fait n’est pas souvent mise en lumière, sans doute du fait que la fonction « propreté » n’est pas valorisante, elle est même parfois négligée, voire méprisée.
Une dérive à corriger, à la fois pour assurer la cohésion sociale au sein de l’entreprise, et pour permettre l’émergence de solutions innovantes, même pour un secteur que l’on a vite fait de considérer comme stabilisé et en marge du progrès. Et puis parce que l’on dispose là d’un champ de dialogue et de collaboration d’une chaine d’acteurs, sur un thème bien connu de tous, pour amorcer ou renforcer une dynamique de développement durable.
1 CSTB/CERTIVEA : Les immeubles de bureaux « verts » tiennent-ils leurs promesses ? Jean Carassus/Immobilier
Durable Conseil - 15 mars 2011
Photo : Ashwini Chaudhari / Unsplash
Chronique mise en ligne le 28 octobre 2011
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