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Rejets, Pollutions et nuisances

Coquelicot

Symbole de la première guerre mondiale, le coquelicot devient le symbole d’une autre forme de résistance, la résistance aux pesticides. Fleur associée à Morphée, dieu du sommeil, elle trouve une énergie et appelle au réveil des citoyens.

« Rendez-nous nos coquelicots ! » L’appel lancé en septembre 2018 pour l’interdiction des pesticides de synthèse essaime comme le coquelicot, fleur souvent prise aussi en symbole de la fertilité : chaque pied peut produire jusqu’à 50 000 graines, et des graines tenaces qui attendent pendant des années le bon moment pour germer. Un bon symbole de résistance, et il en faut face à la puissance des herbicides utilisés en agriculture.

Le coquelicot est devenu un drapeau, porté haut par tous ceux qui voudraient la disparition des pesticides qui ont envahi notre vie quotidienne : « Ils sont dans l’eau de pluie, dans la rosée du matin, dans le nectar des fleurs et l’estomac des abeilles, dans le cordon ombilical des nouveau-nés, dans le nid des oiseaux, dans le lait des mères, dans les pommes et les cerises ». Un programme ambitieux, car ces produits chimiques sont devenus d’un usage courant. Ils facilitent la vie de nombreux agriculteurs, qui voudraient bien continuer à les utiliser, malgré les études de l'INRA qui ont mis en évidence les coûts cachés des pesticides (1). Lors du Grenelle de l’Environnement, en 2007/2008, il avait été décidé de diviser par deux la quantité de pesticides utilisés en agriculture en 10 ans, et c’est le contraire qui est arrivé : en 2015, le volume utilisé avait augmenté de 20%. Il n’y a pas que les mauvaises herbes qui ont le vie dure, il y a aussi les pesticides.

Première victime de cette mésaventure : la confiance. Déjà fragile au départ, mais comment éviter le sentiment de marché de dupes, quand on mesure l’écart entre les engagements du milieu agricole et le résultat. Il ne faut pas s’étonner, dans ce contexte, une exigence d’immédiateté de l’abandon des produits de synthèse.

S’en passer du jour au lendemain reste malgré tout une épreuve, mais retarder l’échéance sans donner de signe tangible d’évolution ne peut qu’exacerber le ressentiment. C’est un nouveau métier qui attend les agriculteurs, traduction pour cette profession de l’exigence « produire et consommer autrement », nécessaire pour conserver une amélioration continue du bien-être tout en réduisant la pression de l’humanité sur sa planète. Produire autrement concerne le monde agricole comme les autres activités. De nombreux agriculteurs ont opéré le changement, avec parfois des difficultés et des échecs. Ils ne représentent qu’une petite minorité, mais elle s’étoffe tous les jours et la tendance est incontournable. La bataille d’arrière-garde n’en est pas moins féroce, car de nombreux intérêts sont en jeu. Nouveau métier pour les exploitants, mais aussi pour les conseillers agricoles, nouvelles références pour l’attribution des aides publiques, nouveaux circuits de distribution, etc. Mais quand on dit « nouveau », c’est qu’il y a un « actuel », qui ne souhaite pas devenir « ancien ».  Un système entier, de soutien financier et technique, d’approvisionnement et d’équipement, de commercialisation, de formation, de représentation professionnelle, est à revoir, et les résistances sont nombreuses. « Encore un instant, Monsieur le bourreau », et cet instant pourrait bien se prolonger indéfiniment…

La transition s’est déjà faite pour les collectivités publiques. Depuis le 1er janvier 2017, c’est le zéro phyto qui est la règle dans les jardins des communes et les cheminements accessibles au public. Les villes se sont adaptées, et ont trouvé des solutions pour maintenir des espaces verts avenants, fleuris et goulument butinés, à budget constant et avec le même personnel, moyennant une formation. Un guide a été diffusé par l’Etat à cet effet, pour permettre aux hésitants de se lancer.
 Les particuliers sont aussi concernés. Beaucoup ne sont pas très regardant sur les produits qu’ils utilisent, pourvu qu’ils aient de belles fleurs. Leur consommation ramenée à la surface de sol concernée est nettement supérieure à celle des agriculteurs, et elle se concentre dans les terrains proches des habitations. Tout faux. Il faut des coquelicots dans les jardins ! Ce sont les jardineries qui ont été chargées d’informer les usagers dans un premier temps, en attendant l’interdiction de ces produits à la vente aux particuliers effective au 1er janvier 2019.

Les coquelicots vont-ils refleurir au bord de nos chemins ? Les Claude Monet d’aujourd’hui trouveront-ils des talus couverts de ces fleurs rouges si populaires ? Au-delà de l’interdiction des pesticides, c’est l’émergence d’une autre agriculture, que certains appelle agroécologie, qui est l’objectif, au bénéfice des agriculteurs, des consommateurs et de la planète

1 - Voir à ce sujet "Le Monde" daté du 22 mars 2016 et celui du 13 novembre 2024

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