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Progrès et Innovation

Prolongation

Les évènements récents dans notre pays témoignent de difficultés conjoncturelles réelles, mais aussi des résistances au changement de modèle économique. Le temps réglementaire est terminé, nous voilà dans les prolongations.

L’équipe de France de football n’en a pas eu besoin pour aller au Brésil, mais il ne sera pas question ici de sport ni de spectacle. Nous parlerons de société et de mode de vie, de production, de consommation.

Le monde de demain ne sera pas dans la suite de celui d’hier. Chacun le reconnait dans l’abstrait, mais dans la vie courante, y compris la vie économique, tout se passe comme si nous voulions jouer les prolongations. Il n’y a qu’à observer les efforts fantastiques déployés pour chercher des combustibles fossiles pour s’en convaincre, alors que l’avenir sera décarboné ou ne sera pas, pour reprendre une phrase célèbre. Toute cette énergie dépensée pour faire durer un mode de vie condamné à relativement brève échéance, cela semble suicidaire. Comment expliquer que, à l’échelle mondiale, les énergies fossiles soient 7 fois plus aidées que les renouvelables ? Comment faire autrement ?


Toutes les forces économiques dominantes se sont constituées en fonction de l’accès à l’énergie, sans se préoccuper de ses rejets. Ceux-ci ont été négligés pendant des siècles, les mesures de limitation et de compensation sont récentes et encore considérées comme des entraves à la bonne marche des affaires. En période de crise, est-il raisonnable de lutter contre la pollution, au risque de freiner la croissance ? Les mesures environnementales sont encore perçues comme des contraintes qui s’ajoutent à de nombreuses autres, sociales, économiques, etc.  Rares sont les secteurs ou les entreprises qui les considèrent comme des leviers pour remettre à plat des organisations et des modèles obsolètes, et reconstruire l’économie sur des bases rénovées. Faire « avec l’environnement »  n’est pas faire comme avant, « plus » une attention à l’environnement, mais bien faire autrement sur toute une chaine pour répondre à ces besoins revisités. L’environnement oblige à changer de modèle, pour aller vers un modèle tout neuf, qui prenne en charge intrinsèquement les préoccupations de maitrise des ressources et des rejets. C’est le passage au développement durable à partir d’une approche environnementale stricte, nécessaire pour la prise de conscience et l’évaluation de la qualité des opérations.


L’étude d’impact sur l’environnement a été conçue, en 1976, comme un des éléments à intégrer à l’élaboration même du projet, qu’elle devait nourrir et enrichit. Au lieu de cela, elle a été longtemps prise pour une procédure administrative, encore une, bâclée en fin de projet pour compléter un dossier. Du « perdant perdant », puisque le peu de travail nécessaire à un « torchon » d’étude d’impact, est perdu à 100%, et que le projet ignore l’environnement dans les faits, et passe à côté de bien des améliorations. Un outil de progrès, destiné à aider une transition incontournable, est ainsi dévoyé, c’est tellement plus confortable de faire comme avant. Toujours les prolongations ! Heureusement qu’il y a quand même quelques pionniers qui ont compris l’intelligence de ces dispositions, au-delà de ses aspects procéduraux.


Les prolongations permettent de reculer les échéances. « Encore un instant, Monsieur le bourreau », pourrait-on penser, mais c’est une vison terriblement pessimiste. Demain serait moins riant qu’aujourd’hui. Et pourquoi donc ? Oui, si on reste coincé dans d’anciens modèles, qui seront de plus en plus difficiles à suivre, mais pas du tout si nous arrivons à prendre du recul et trouver du plaisir dans de nouveaux modes de vie. Nous prolongeons souvent des pratiques tout simplement parce que nous ne savons pas faire autrement. Certes, les structures économiques et sociales se sont constituées sur un modèle de production et de consommation, et résistent au changement pour défendre leurs intérêts. Mais les résistances sont aussi culturelles. C’est aussi une peur d’innover, de sortir des méthodes éprouvées, d’aller explorer des chemins de traverse.


Le développement durable nous conduit à construire un monde sur des bases nouvelles. C’est une incitation à l’exploration et à la fabrication collective d’un avenir inédit, et ce n’est pas son moindre charme. Le développement durable est une affaire d’entrepreneurs, au sens plein du terme. Nous le voyons progresser malgré les obstacles et les résistances.


L’économie de demain se fraie difficilement un chemin, avec le co- (voiturage, learning, etc.) et la mutualisation, le recyclage et l’économie circulaire, la valeur reconnue à la lenteur, l’économie de fonctionnalité et la primauté à l’accès au service plutôt qu’à l’équipement. Les facilités offertes aujourd’hui par l’informatique ouvrent des perspectives, et ont  permis, ici et là, de déborder les barrages posés par l’ancienne économie et ses majors. Les circuits courts et le contact direct à grande échelle ont changé la donne, mais la transition reste une aventure.  L’économie d’hier joue les prolongations, mais ce n’est pas comme au football. On en sort toujours perdant.

Chronique mise en ligne le 16 décembre 2013

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