Précurseur
Dans plusieurs domaines, l’environnement a été précurseur. La nécessité de le prendre en considération a changé les modes de penser, en obligeant à regarder plus large et plus loin.
Le précurseur est un gêneur. Il perturbe l’ordre établi, distille des idées nouvelles, et cela finit souvent mal, si l’on pense à St Jean Baptiste ou au « premier qui dit la vérité », selon Guy Béart. Heureusement, il y a des précurseurs qui réussissent, c’est-à-dire qu’ils sont suivis et q’ils amorcent un vrai changement.
Aujourd’hui, le précurseur s’appelle environnement. Récemment apparu (à l’échelle du temps historique), il s’est immiscé dans le paysage où il prend de plus en plus de place, même si ses exigences sont loin d’être toutes reprises.
L’environnement a été précurseur dans nos institutions. L’étude d’impact, concept appliqué aujourd’hui à toutes sortes de préoccupations, comme l’emploi ou l’économie et même les retraites, est née pour l’environnement, Aux Etats-Unis d’abord, puis en France (lois de 1976), étendue par la suite à toute l’Union européenne. Et pourtant, quoi de plus naturel que de s’interroger sur les conséquences éventuelles d’une décision avant qu’elle ne soit rendue définitive ? Ce sont les dégâts sur l’environnement qui ont provoqué cette prise de conscience, et par suite le concept d’étude d’impact, qui n’est en somme qu’une mesure de saine gestion.
Autre exemple, le débat public, dont nous avons vécu un exemplaire XXL en 2019. Il est né des besoins des enquêtes publiques officielles. Sans remonter aux enquêtes Commodo Incommodo, crées par Napoléon 1er en l’an XII, concept essentiellement lié à des implantations industrielles, une loi de juillet 1983, dite loi Bouchardeau du nom de la ministre de l’environnement qui l’avait portée, lui donne une nouvelle jeunesse. Son domaine est étendu, et le rôle de l’enquête renforcé. Son organisation suscite des débats publics, qui font l’objet d’un processus d’apprentissage et d’expérimentation, en s’inspirant notamment du « hearing » britannique et des auditions publiques. Un débat fructueux, ce n’est pas si simple, il faut du savoir-faire, il y des règles à respecter. Combien de débats publics montés sans précautions n’ont fait qu’attiser de vieilles rivalités, au lieu de rapprocher les points de vue pour faire le bon choix ? Amener des parties opposées à se respecter et à s’écouter, dans un pays de « Gaulois indécrottables » demande une vraie compétence. Ce constat a conduit à la création en 1996 d’une institution spécialisée dans l’organisation des débats (loi Barnier), et renforcée en 2002 sous la forme d’autorité administrative indépendante. Le champ d’application de la Commission Nationale du Débat Public, CNDP, est pour l’instant limité à certaines opérations ayant un impact sur l’environnement, mais il est clair que la technicité acquise par cet organisme serait bien utile dans d’autres domaines. Les difficultés de fonctionnement du Grand débat illustrent ce besoin de professionnaliser la tenue des débats. Dans ce domaine, l’environnement n’est encore que précurseur, espérons qu’il sera suivi.
L’environnement, nouveau venu sur la scène publique, a donc provoqué l’émergence ou le développement d’approches originales, sur la manière de prendre des décisions notamment. Nous sommes passés de l'information à la consultation puis à la mise en débat, et même à la « mise en critique » comme le propose un expert en la matière, Georges Mercadal (1). L'environnement physique en a été le point de départ, mais la démarche va bien au-delà et s’applique à la société dans toute sa richesse.
Homme de l’environnement, je suis peut-être partial en lui accordant cette fonction essentielle de précurseur, et chacun, dans son champ de compétence, pourrait-il trouver d’autres cas de transposition féconde, et bien tant mieux. Toutefois, une des particularités de l’environnement est son caractère transversal. L’environnement touche toutes les activités humaines, et ces interfaces sont propices à des transpositions, des échanges de cultures. L’approche pluridisciplinaire est en soi une innovation à laquelle l’environnement a contribué.
Une autre caractéristique de l’environnement est qu’il se joue sur plusieurs échelles, de temps et d’espace. Il faut des réponses à l’échelle locale et à l’échelle planétaire, il faut répondre aux demandes d’aujourd’hui sans léser les générations futures. Exercice difficile de satisfaire souvent des exigences qui paraissent contradictoires, et obligent à innover, à se dépasser et parfois à transgresser les lois établies, issues pour certaines d’une histoire révolue. Une posture de précurseur qui peut heurter certaines sensibilités, et qu’il faut donc adopter à la fois avec de l’ambition et du tact. Il ne faut pas sacraliser le passé, mais cela n’empêche pas de le respecter et de reconnaître les avancées qu’il a produites.
L’environnement précurseur, donc, mais avec d’autant plus de délicatesse qu’il bouscule les idées reçues et les habitudes.
Le précurseur est un gêneur. Il perturbe l’ordre établi, distille des idées nouvelles, et cela finit souvent mal, si l’on pense à St Jean Baptiste ou au « premier qui dit la vérité », selon Guy Béart. Heureusement, il y a des précurseurs qui réussissent, c’est-à-dire qu’ils sont suivis et q’ils amorcent un vrai changement.
Aujourd’hui, le précurseur s’appelle environnement. Récemment apparu (à l’échelle du temps historique), il s’est immiscé dans le paysage où il prend de plus en plus de place, même si ses exigences sont loin d’être toutes reprises.
L’environnement a été précurseur dans nos institutions. L’étude d’impact, concept appliqué aujourd’hui à toutes sortes de préoccupations, comme l’emploi ou l’économie et même les retraites, est née pour l’environnement, Aux Etats-Unis d’abord, puis en France (lois de 1976), étendue par la suite à toute l’Union européenne. Et pourtant, quoi de plus naturel que de s’interroger sur les conséquences éventuelles d’une décision avant qu’elle ne soit rendue définitive ? Ce sont les dégâts sur l’environnement qui ont provoqué cette prise de conscience, et par suite le concept d’étude d’impact, qui n’est en somme qu’une mesure de saine gestion.
Autre exemple, le débat public, dont nous avons vécu un exemplaire XXL en 2019. Il est né des besoins des enquêtes publiques officielles. Sans remonter aux enquêtes Commodo Incommodo, crées par Napoléon 1er en l’an XII, concept essentiellement lié à des implantations industrielles, une loi de juillet 1983, dite loi Bouchardeau du nom de la ministre de l’environnement qui l’avait portée, lui donne une nouvelle jeunesse. Son domaine est étendu, et le rôle de l’enquête renforcé. Son organisation suscite des débats publics, qui font l’objet d’un processus d’apprentissage et d’expérimentation, en s’inspirant notamment du « hearing » britannique et des auditions publiques. Un débat fructueux, ce n’est pas si simple, il faut du savoir-faire, il y des règles à respecter. Combien de débats publics montés sans précautions n’ont fait qu’attiser de vieilles rivalités, au lieu de rapprocher les points de vue pour faire le bon choix ? Amener des parties opposées à se respecter et à s’écouter, dans un pays de « Gaulois indécrottables » demande une vraie compétence. Ce constat a conduit à la création en 1996 d’une institution spécialisée dans l’organisation des débats (loi Barnier), et renforcée en 2002 sous la forme d’autorité administrative indépendante. Le champ d’application de la Commission Nationale du Débat Public, CNDP, est pour l’instant limité à certaines opérations ayant un impact sur l’environnement, mais il est clair que la technicité acquise par cet organisme serait bien utile dans d’autres domaines. Les difficultés de fonctionnement du Grand débat illustrent ce besoin de professionnaliser la tenue des débats. Dans ce domaine, l’environnement n’est encore que précurseur, espérons qu’il sera suivi.
L’environnement, nouveau venu sur la scène publique, a donc provoqué l’émergence ou le développement d’approches originales, sur la manière de prendre des décisions notamment. Nous sommes passés de l'information à la consultation puis à la mise en débat, et même à la « mise en critique » comme le propose un expert en la matière, Georges Mercadal (1). L'environnement physique en a été le point de départ, mais la démarche va bien au-delà et s’applique à la société dans toute sa richesse.
Homme de l’environnement, je suis peut-être partial en lui accordant cette fonction essentielle de précurseur, et chacun, dans son champ de compétence, pourrait-il trouver d’autres cas de transposition féconde, et bien tant mieux. Toutefois, une des particularités de l’environnement est son caractère transversal. L’environnement touche toutes les activités humaines, et ces interfaces sont propices à des transpositions, des échanges de cultures. L’approche pluridisciplinaire est en soi une innovation à laquelle l’environnement a contribué.
Une autre caractéristique de l’environnement est qu’il se joue sur plusieurs échelles, de temps et d’espace. Il faut des réponses à l’échelle locale et à l’échelle planétaire, il faut répondre aux demandes d’aujourd’hui sans léser les générations futures. Exercice difficile de satisfaire souvent des exigences qui paraissent contradictoires, et obligent à innover, à se dépasser et parfois à transgresser les lois établies, issues pour certaines d’une histoire révolue. Une posture de précurseur qui peut heurter certaines sensibilités, et qu’il faut donc adopter à la fois avec de l’ambition et du tact. Il ne faut pas sacraliser le passé, mais cela n’empêche pas de le respecter et de reconnaître les avancées qu’il a produites.
L’environnement précurseur, donc, mais avec d’autant plus de délicatesse qu’il bouscule les idées reçues et les habitudes.
1 - Georges Mercadal, que je remercie pour sa contribution, auteur notamment de « Le débat public : pour quel développement durable ? », Presses des Ponts et Chaussées, 2013
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