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Progrès et Innovation

Nouveau

Dans les publicités et le langage courant, le mot nouveau est souvent assimilé à mieux, plus moderne. Le sens de l’histoire y est inscrit. Et pourtant le sens même du progrès semble aujourd’hui remis en question. Nouveau est-il durable ?

L’assimilation « nouveau = mieux » est fréquente. Elle est portée par la publicité et la foi dans le progrès, malgré les ambigüités et les déceptions que ce dernier a pu engendrer ces dernières années. Ce serait évidemment une erreur. Mettons de côté le volet « obsolescence programmée », où l’arrivée sur le marché de nouveaux produits entraîne de fait la déqualification des anciens, alors que ceux-ci donnaient entière satisfaction. Les logiciels informatiques en donnent une bonne illustration, même si les nouveaux ont de fait un petit « plus » par rapport à ceux qu’ils remplacent.
Les nouveaux produits, ou les nouveaux modes de pensée pour ne pas se limiter au matériel, ne doivent pas être considérés systématiquement mieux que les anciens. Ils apportent quand même un mieux, en ce sens qu’ils élargissent la gamme de l’offre, ils étendent le champ du possible. A condition toutefois de ne pas provoquer la mise à l'écart automatique des produits anciens. S’ils s’ajoutent, il n’y a que du plus, et à chaque utilisateur de savoir choisir. La dérive est la substitution, l’exclusion de fait de solutions existantes, ainsi éliminée du spectre du possible. On a ainsi vu la gamme les légumes ou des variétés locales se faire éliminer par des produits dominants, issus de la recherche agronomique et réputés plus performants. Paradoxalement, la mise en culture de produits nouveaux a entrainé l'appauvrissement de la gamme disponible.
Prenons l’exemple de la vitesse. Les moyens technologiques ont rendu possible des exploits que nous ne pouvions imaginer il y a quelques années. La vitesse peut rendre des services immenses, en matière de santé par exemple. Le problème est qu’elle a envahi tout l’espace. Elle se transforme en religion, et s’impose dans tous les domaines. La résistance qui se développe, avec la slow food, les slow cities et bien d’autres initiatives, témoigne d’une réaction aux abus que la vitesse nous impose, y compris dans des domaines où elle n’apporte rien. Son omniprésence tend en outre à éliminer ou à dégrader la situation les techniques « lentes ». Elle se répercute sur les humains, qui n’ont pas la même référence au temps. Oui à la vitesse, mais comme une possibilité offerte et non une obligation.
L’erreur symétrique est de faire l’apologie de l’ancien, souvent aveuglément. C’était tellement mieux avant ! Un tel comportement provoque des blocages, et empêche la diffusion de nouvelles pratiques ou de nouveaux produits. Le champ du possible reste étroit alors qu’il faut l’élargir pour trouver les réponses originales aux défis de ce siècle. Le nouveau est riche d’opportunités, ne nous en privons pas. Le cas des matériaux de construction permet d’éclairer la question. Il est fréquent aujourd’hui de faire l’apologie du bois, de la paille, de la terre, etc. Des matériaux anciens, aussi vieux que le monde, appelés aujourd’hui « biosourcés », pour faire moderne. Ils se rattachent à des traditions et à des savoir-faire qui nous viennent du passé, et que l’on a du mal à retrouver vivants au XXIe siècle. Ce recours aux techniques anciennes est très intéressant, il ouvre la gamme des possibles, qui s’étend ainsi de la paille au béton ultra performant. Une gamme qui permettra de trouver la meilleure solution en fonction du contexte, lequel est à la fois géographique, culturel, écologique, sociologique, économique, industriel, etc. Elargir l’offre répond au besoin de coller à une réalité très diverse. L’amour de l’ancien ne doit pas restreindre le champ de vision à une seule catégorie de matériaux, parfois pour des raisons affectives, de confort intellectuel, ou de peur du changement. L’ancien et le nouveau font souvent bon ménage, et les techniques traditionnelles incorporent fréquemment des éléments issus de recherches toutes récentes pour renforcer leurs performances ou leur assurer la pérennité qui leur faisait défaut. Le nouveau et l’ancien se fécondent, pour peu que l’on ne les oppose pas a priori.

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