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Progrès et Innovation

Jumeau

jumeau jorgen haland 4yOgRb b i4 unsplashLes jumeaux numériques se multiplient, dans de nombreux domaines. Sont-ils une source d’asservissement à des modèles qui nous échappent, ou une aide pour mieux vivre, mieux travailler, mieux consommer ?

Il y a beaucoup à dire sur les jumeaux, leur psychologie, leurs histoires comparées, les vrais et les faux, mais nous nous limiterons dans cette note aux jumeaux numériques. Une nouvelle espèce qui tend à se développer grâce à l’intelligence artificielle.
Selon Wikipédia, « Un jumeau numérique est une réplique numérique d'un objet, d'un processus ou d'un système qui peut être utilisé à diverses fins. La représentation numérique fournit à la fois les éléments et la dynamique de fonctionnement d'un dispositif de l'Internet des objets tout au long de son cycle de vie ».

C’est bien commode d’avoir un double, virtuel, que l’on peut tourner de tous les côtés, dont on peut accélérer le vieillissement, auquel on peut faire subir toutes sortes de sévices, et dont on peut suivre la trace dans un univers lui aussi numérique. Car il ne s’agit pas uniquement de créer un « objet, un processus ou un système », il faut le faire vivre, c’est-à-dire alimenter en continu le jumeau de données issues de la vie réelle. A défaut, il ne garderait qu’un caractère historique, d’intérêt uniquement mémoriel. Le premier usage du jumeau numérique semble avoir été fait dans l’aéronautique. Un jumeau du Boeing 777 a été réalisé, c’était en 1989. Bien commode pour faire des essais, voir comment il réagit, comment il vieillit, anticiper les besoins de maintenance, voire les pannes qui pourrait survenir. C’est tout l’univers de la simulation qui est ouvert, qui permet d’anticiper et d’intégrer dans un monde virtuel, à condition, bien sûr, de savoir modéliser le jumeau et son environnement. 

Depuis, le jumeau numérique a fait des petits. On en trouve dans diverses industries où il devient un instrument d’optimisation et de maintenance. Dans le secteur du bâtiment, il complète le BIM (building information modeling) pour la gestion, l’entretien et la prévention de désordres. Il permet un lien avec les systèmes numériques de planification urbaine. Les villes peuvent aussi avoir leur jumeau numérique, ou, à défaut, des systèmes urbains comme le traitement des eaux, la mobilité ou d’autres services publics à faire évoluer en continu.

Il a fait son entrée dans les systèmes de santé, où chacun peut trouver dans son jumeau un avatar bien utile. Informé de données personnelles et de données sur le mode de vie, l’environnement physique et social, et avec beaucoup d’intelligence artificielle nourrie de l’analyse d’un grand nombre de sujets, ce jumeau peut donner une image fiable de ce qui nous attend. Il offre un terrain d’expérimentation pour des traitements, de manière à choisir le plus efficace. Une révolution en perspective, déjà engagée.
Dans toutes ces applications, l’informatique est source de nombreuses économies, liées à la capacité de tester des réponses aux problèmes éventuels, à anticiper les évolutions qui s’annoncent, et à déjouer des pièges et autres mauvaises surprises (sans toutes les éviter, évidemment, ce serait trop beau). Des coûts évités et sans doute une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le bilan sur ce point pourrait être fait, peut-être l’a-t-il déjà été, pour comparer les émissions due à l’informatique et celles évitées grâce à la même informatique des jumeaux numériques.

Une autre question se pose, qui pourrait devenir un facteur limitant. La confidentialité. Le monde numérique est vulnérable. Les pirates guettent la moindre faiblesse. En matière industrielle, ce sont des secrets de fabrication qui pourraient se trouver espionnés, dans le cadre d’une guerre commerciale et technologique. Concernant la santé, la protection des données devient un sujet déterminant. Les « datas » accumulées pour donner des statistiques fiables ne doivent pas laisser filtrer des indices permettant d’identifier les patients qui contribuent à rendre plus intelligente encore, plus savante, la fameuse intelligence artificielle. L’anonymat des sources doit être la règle.
Ils ne s’appellent pas « jumeau », mais ça y ressemble, les « profils » construits par les géants de l’Internet comme FaceBook, Amazon et Google, à partir de données que nous leur offrons. Tout le monde le constate, ces entreprises savent tout sur nous, nos habitudes, nos modes de vie, nos goûts. Ça leur permet, à elles ou à leurs partenaires, de prévoir ce que vous souhaitez faire, de vous faire des propositions commerciales ciblées, et d’orienter progressivement vos choix. Qui n’a pas été agacé de se voir proposé l’achat d’un livre que vous aviez justement en tête ? Beaucoup de ceux qui s’inquiètent de voir leur carnet de santé divulgué en ont, sans y prendre garde, déjà fourni une bonne partie grâce à leurs recherches sur Internet…

La question de la confidentialité est cruciale, mais les informaticiens y travaillent. Nul doute qu’ils sauront protéger nos données personnelles.

Il reste pour finir un risque qu’il convient de mentionner dans les applications à la santé, et qui se rapporte à Frankenstein. Ce jumeau pourrait bien prendre son indépendance, ce serait alors de la science-fiction. Mais il pourrait prendre une importance exagérée et faire oublier l’humain. Le jumeau n’est qu’un modèle mathématique, que nous espérons de plus proche possible d’un être humain, mais il n’est qu’une image virtuelle qui peut différer de la réalité si le modèle est défaillant. Souhaitons que les utilisateurs de ces jumeaux restent habités du doute scientifique et conservent comme référence le corps humain plutôt que son double, même appelé jumeau

 

Photo : Jorgen Haland - Unsplash.

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