Horizon
Il s'agit d'une ligne transversale qui définit en profondeur le champ de vision. Il a pris d'autres sens, notamment sous l'impulsion des géologues, qui l’utilisent pour évoquer l'accumulation de couches sédimentaires. Une manière le dater ces fameuses couches à travers les temps géologiques. Horizon peut ainsi passer d'un univers spatial un univers temporel. Il est utilisé alors pour évoquer les échéances, et parler du temps qui s'écoule.
Mark Carney, alors gouverneur de la banque centrale d’Angleterre, c’était en 2015, nous met en garde contre les malentendus que le mot horizon pourrait créer. Il nous parle de la tragédie des horizons. Le décalage entre les horizons de matérialisation des risques, et celui des prises de décision des décideurs, notamment financiers. Il y a plusieurs types d'horizons, le géologique déjà évoqué, mais aussi les quasis instantanés des marchés financiers. Des décisions à prendre dans un horizon très court, et des conséquences qui apparaitront dans un horizon beaucoup plus long. Le risque est grand, dans ces conditions, de déconnexion entre décisions et effet de ces décisions. Craignons alors qu’une forme d'irresponsabilité s’installe. Les déficits chroniques dont nous souffrons aujourd’hui, sont souvent le fruit de décisions prises il y a bien longtemps.
Des horizons en tragédie, selon Mark Carney, et aussi des horizons évolutifs. Rien de plus normal, l'horizon s'éloigne au fur et à mesure que l'on avance. Mais une source de malaise quand l’horizon traduit un calendrier, celui d'un projet partagé entre plusieurs partenaires. Chacun a s’accorde à rappeler que les milieux d'affaires détestent l'incertitude, et les horizons mouvants en sont une déclinaison. Quand une décision structurelle est prise, il est de bonne politique de se fixer un délai, pour que chacun s'organise. 10 ans, par exemple, pour l'ouverture du marché européen aux produits chinois, ou bien pour la suppression des décharges d'ordures ménagères. Deux exemples douloureux, les différents protagonistes ayant la fâcheuse tendance à se réveiller à 10 ans moins le quart. Un horizon lointain, souvent nécessaire techniquement, peut entraîner l'illusion d’avoir le temps. Le réveil n’en est que plus douloureux et se traduit souvent par des manifestations parfois violentes et des demandes de prolongation. Encore un instant, Monsieur le bourreau.
Une bonne illustration dans l'actualité se trouve dans les malheurs de la politique dite Ecophyto, engagée dans le cadre du Grenelle de l'environnement en 2008, pour un horizon 2018. 10 ans semble une bonne unité de mesure pour préparer des transformations profondes. Objectif : diviser par 2 l'usage de produits phytosanitaires en agriculture. 15 ans plus tard, après plusieurs amendements au projet initial, nous en sommes à se redonner le même objectif à l’horizon 2030, dans à nouveau 15 ans, et encore l’objectif étant dégradé par le changement d’indicateur. Selon une tribune de 400 scientifiques publiée dans le journal Le Monde des 8 et 9 mai 2024, le choix du cancer, pas de la santé publique.
Les horizons peuvent s’éloigner, mais à conditions que les objectifs qu’ils annoncent progressent eux aussi. Ce fut le cas pour les règlementations des voitures sur les pollutions, avec des générations successives dites Euro 1 Euro2, etc. Une manière de baliser les progrès à réaliser, de donner de la visibilité aux opérateurs. L’abandon, sous la pression des évènements, des ambitions associées aux horizons successifs, déstabilise la part les plus engagée de ces opérateurs. Les vertueux sont pénalisés, et cela n’encourage pas les suiveurs, qui, au contraire, peuvent compter sur des revirements pour ne pas à avoir faire d’efforts. Le débat est ouvert, aujourd’hui, sur la date de la fin des moteurs thermiques pour les automobiles, et même sur les dérogations qui pourraient être consenties, alors que l’industrie a besoin d’un cadre sûr pour investir. Les hésitations et les revirements peuvent être fatales. Le stop and go en France sur les énergies renouvelables en est un exemple fâcheux, alors que nous savons pertinemment que nous avons besoin de toutes les énergies renouvelables pour faire face à l’électrification de l’économie, facteur déterminant de performance dans l’industrie et les transports.
La planification écologique, notamment pour la neutralité carbone à l’horizon 2050, n’est que l’organisation d’horizons partiels, qui doivent s’harmoniser et se conforter mutuellement. Des horizons à respecter, pour le succès des nombreuses transitions à conduire simultanément.
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