Disruption
Un mot dans l’air du temps, comme résilience, mais dont peu de gens connaissent le sens véritable. Un mot qui mérite d’être rapproché du développement durable, et de la capacité d’innovation que celui-ci exige.
Ce dictionnaire s’est orienté vers les mots courants, de la vie de tous les jours. Permettez une exception pour un lot curieux mais à la mode. Disruption, ou l’adjectif disruptif, si vous préférez. Un mot que je croyais tout neuf, quelques années, mais qui est beaucoup plus vieux. Il a juste changé d’univers et par suite de signification.
Ce mot nous vient de loin. Wikipedia note la disruption des roches, avec un usage du mot daté de 1781, et le Robert évoque une étincelle provoquée par l’électricité. Nous sommes loin du sens d’aujourd’hui, où il s’agit d’innovation obtenue en se libérant des usages et des conventions, selon une méthode déposée en 1992 (1). Nous retiendrons malgré tout l’étincelle, qui jaillit du frottement des roches ou d’une décharge électrique, comme elle jaillit de cerveaux stimulés convenablement.
Le développement durable a effectivement besoin d’innovations dans tous les domaines, pour relever les défis qui se présentent, près de 10 milliards d’humains qui doivent vivre convenablement tout en prélevant moins de ressources, en rejetant moins de déchets de toutes natures. Pour faire plus avec moins, il faut sortir des sentiers battus, et ne pas hésiter à explorer des champs nouveaux, avec des regards neufs. La simple amélioration des procédés anciens ne suffit pas, « on n’a pas inventé l’électricité en améliorant la bougie ». Il faut des ruptures, ce qui ne signifie pas forcément une destruction, même créatrice. Chaque entreprise, chaque « organisation » comme disent les normalisateurs, publique ou privée, a un patrimoine, une histoire, une culture, des compétences, et il serait dommage de les passer par pertes et profits. La disruption peut prendre la forme d’une nouvelle valorisation de ces atouts. Ça rappelle un peu le reengineering, où il s’agit de réinventer un avenir, ou le bilan de compétences où l’on recherche tous les atouts, connus ou ignorés, des individus pour un nouveau départ.
Le passé est un trésor, il peut aussi se révéler être une prison. Il nous enferme dans un univers déjà exploré mille fois, et dont on a du mal à s’extraire. « Le plus difficile n’est pas d’adopter des idées nouvelles, mais de se dégager des anciennes », disait Keynes. Il faut donc busculer les habitudes, casser les conventions, écouter les clients, les partenaires et les collègues des autres services, repartir des usages effectifs des produits, et suivre les 15 pistes de la méthode disruptive. Déjà, en 1978, dans son livre de référence « l’écoute des silences (2) », Thierry Gaudin le signalait dans le sous-titre : « les institutions contre l’innovation ». Y compris les institutions en charge de la recherche et de l’innovation, qui ont leurs méthodes et font la chasse à ceux qui ne les respectent pas. Une remarque qui s’applique souvent dans les entreprises, où a recherche s’est souvent institutionnalisée.
Il est curieux de constater que cette méthode, disruptive, nous vient du secteur de la communication et de la publicité, où l’objectif est de se différencier. Le transfert dans l’innovation sur les produits et les stratégies des entreprises est une première mise en pratique de la disruption. Allons plus loin, et appliquons-la aux politiques.
Plusieurs domaines semblent dans l’impasse. Beaucoup d’argent pour peu de résultats, et surtout aucune perspective d’amélioration. Les dépenses ne cessent de s’accroître, c’est comme si l’action publique était à la remorque du problème. C’est le cas du logement, avec un nombre de mal logés ou de sans domicile qui ne cesse d’augmenter, malgré un budget considérable. Le coût des mesures d’urgence grève durement les ressources disponibles pour trouver une solution durable. Peut-être une approche disruptive ferait du bien et ouvrirait de nouvelles pistes pour casser une sorte de cercle vicieux. Les retraites, sujet souvent traité dans ce dictionnaire (3), font également partie des questions récurrentes, auquel le traitement purement comptable qui lui est réservé n’apportera jamais de solution satisfaisante. La mutation de l’agriculture, qui bénéficie du premier budget de l’Union européenne, pourrait bénéficier également de cette nouvelle manière d’aborder les problèmes.
La disruption appliquée aux politiques publiques permettrait sans doute de changer l’état l’esprit qui a prévalu lors de leur mise en place, il y a bien longtemps… Les conventions et les situations acquises sont légions, et enferment la réflexion. Même un sujet récent, la lutte contre les dérèglements climatiques, souvent associé à une vision moralisatrice et culpabilisante, se trouve englué dans des approches conventionnelles. Les progrès ne sont pas à la hauteur des enjeux. La disruption pourrait-elle nous permettre de changer de braquet ?
1 - Par son inventeur, Jean-Marie Dru, Président de TBWA
2 - Téléchargeable ici
3 - Voir notamment les mots vieux, senior, inactifs
Ce dictionnaire s’est orienté vers les mots courants, de la vie de tous les jours. Permettez une exception pour un lot curieux mais à la mode. Disruption, ou l’adjectif disruptif, si vous préférez. Un mot que je croyais tout neuf, quelques années, mais qui est beaucoup plus vieux. Il a juste changé d’univers et par suite de signification.
Ce mot nous vient de loin. Wikipedia note la disruption des roches, avec un usage du mot daté de 1781, et le Robert évoque une étincelle provoquée par l’électricité. Nous sommes loin du sens d’aujourd’hui, où il s’agit d’innovation obtenue en se libérant des usages et des conventions, selon une méthode déposée en 1992 (1). Nous retiendrons malgré tout l’étincelle, qui jaillit du frottement des roches ou d’une décharge électrique, comme elle jaillit de cerveaux stimulés convenablement.
Le développement durable a effectivement besoin d’innovations dans tous les domaines, pour relever les défis qui se présentent, près de 10 milliards d’humains qui doivent vivre convenablement tout en prélevant moins de ressources, en rejetant moins de déchets de toutes natures. Pour faire plus avec moins, il faut sortir des sentiers battus, et ne pas hésiter à explorer des champs nouveaux, avec des regards neufs. La simple amélioration des procédés anciens ne suffit pas, « on n’a pas inventé l’électricité en améliorant la bougie ». Il faut des ruptures, ce qui ne signifie pas forcément une destruction, même créatrice. Chaque entreprise, chaque « organisation » comme disent les normalisateurs, publique ou privée, a un patrimoine, une histoire, une culture, des compétences, et il serait dommage de les passer par pertes et profits. La disruption peut prendre la forme d’une nouvelle valorisation de ces atouts. Ça rappelle un peu le reengineering, où il s’agit de réinventer un avenir, ou le bilan de compétences où l’on recherche tous les atouts, connus ou ignorés, des individus pour un nouveau départ.
Le passé est un trésor, il peut aussi se révéler être une prison. Il nous enferme dans un univers déjà exploré mille fois, et dont on a du mal à s’extraire. « Le plus difficile n’est pas d’adopter des idées nouvelles, mais de se dégager des anciennes », disait Keynes. Il faut donc busculer les habitudes, casser les conventions, écouter les clients, les partenaires et les collègues des autres services, repartir des usages effectifs des produits, et suivre les 15 pistes de la méthode disruptive. Déjà, en 1978, dans son livre de référence « l’écoute des silences (2) », Thierry Gaudin le signalait dans le sous-titre : « les institutions contre l’innovation ». Y compris les institutions en charge de la recherche et de l’innovation, qui ont leurs méthodes et font la chasse à ceux qui ne les respectent pas. Une remarque qui s’applique souvent dans les entreprises, où a recherche s’est souvent institutionnalisée.
Il est curieux de constater que cette méthode, disruptive, nous vient du secteur de la communication et de la publicité, où l’objectif est de se différencier. Le transfert dans l’innovation sur les produits et les stratégies des entreprises est une première mise en pratique de la disruption. Allons plus loin, et appliquons-la aux politiques.
Plusieurs domaines semblent dans l’impasse. Beaucoup d’argent pour peu de résultats, et surtout aucune perspective d’amélioration. Les dépenses ne cessent de s’accroître, c’est comme si l’action publique était à la remorque du problème. C’est le cas du logement, avec un nombre de mal logés ou de sans domicile qui ne cesse d’augmenter, malgré un budget considérable. Le coût des mesures d’urgence grève durement les ressources disponibles pour trouver une solution durable. Peut-être une approche disruptive ferait du bien et ouvrirait de nouvelles pistes pour casser une sorte de cercle vicieux. Les retraites, sujet souvent traité dans ce dictionnaire (3), font également partie des questions récurrentes, auquel le traitement purement comptable qui lui est réservé n’apportera jamais de solution satisfaisante. La mutation de l’agriculture, qui bénéficie du premier budget de l’Union européenne, pourrait bénéficier également de cette nouvelle manière d’aborder les problèmes.
La disruption appliquée aux politiques publiques permettrait sans doute de changer l’état l’esprit qui a prévalu lors de leur mise en place, il y a bien longtemps… Les conventions et les situations acquises sont légions, et enferment la réflexion. Même un sujet récent, la lutte contre les dérèglements climatiques, souvent associé à une vision moralisatrice et culpabilisante, se trouve englué dans des approches conventionnelles. Les progrès ne sont pas à la hauteur des enjeux. La disruption pourrait-elle nous permettre de changer de braquet ?
1 - Par son inventeur, Jean-Marie Dru, Président de TBWA
2 - Téléchargeable ici
3 - Voir notamment les mots vieux, senior, inactifs
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