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Progrès et Innovation

Déflation

 

La crise économique prend différentes formes. Le rejet de l’inflation a entraîné une politique vigoureuse, au point que l’on craint à présent son contraire, la déflation. Celle-ci fait-elle bon ménage avec le développement durable ?

Pardon de vous infliger des mots d’apparence rébarbative, mais « déflation » est de plus en plus entendu dans les journaux télévisés, avec des mots tout aussi barbares que stagflation. Et il se trouve que la déflation est un vrai sujet de développement durable, en lien direct avec le facteur 4 au sens du club de Rome, « deux fois plus de bien-être, en consommant deux fois moins de ressources ». Deux orientations contradictoires pour beaucoup.
Pour y parvenir malgré tout, l’innovation est la règle. L’innovation dans tous les domaines, technologiques et sociétaux. Nous pouvons vivre mieux en nous organisant autrement, à prélèvement constant de ressources, ou même à prélèvement en baisse. Le résultat peut être la création de richesses sans augmentation du PIB. Une croissance du bien-être invisible avec les instruments économiques traditionnels.
Prenons deux exemples (1) :
Wikipédia. Le web collaboratif dans ses œuvres. 73 000 contributeurs actifs, pour 500 millions de visiteurs uniques chaque mois (chiffres 2014). Un service rendu extraordinaire, obtenu sur la base du bénévolat. Pendant ce temps-là, l’Encyclopédia Universalis dont le chiffre d’affaires annuel avoisinait 5 millions d’euros, est en règlement judiciaire.
L’échange de logements pour les vacances. Une famille française échange son appartement avec une famille américaine pour une dépense réduite de moitié par rapport aux systèmes d’hôtellerie traditionnelle. pour un déplacement de moins de 1% des pratiques vers ce type de tourisme, on calcule une perte annuelle de 300 millions d’euros de chaque côté. Le principe est ancien, mais prend de l’envergure avec des sites tels que AirB’nB, et bouleverse les modèles économiques. Il en est de même pour ne nombreux services pris en main par des sites, comme le covoiturage.
Ces deux exemples illustrent la formidable réserve en termes d’efficacité que contient la société, à partir de deux familles de phénomènes. Le premier est le fruit d’une collaboration ouverte d’intelligences multiples, venant du monde entier, et de l’apport du bénévolat dans la création de richesses. Cet apport réduit en outre le volume de capitaux nécessaires pour lancer une innovation. Un exemple frappant est donné par le site wikispeed.org, de création de voitures. Moins de 3 mois pour une création collective de modèles performants à tous égards : « Avec une consommation de 2,3 litres aux 100 kilomètres, une vitesse de pointe de 239 km/h et une accélération de 0 à 100 km/h en 5 secondes, la WikiSpeed SGT-01 affiche des performances défiant les standards de l’industrie, tout en se conformant aux tests de sécurité routière les plus exigeants(2) ». Des « écosystèmes » productifs d’un nouveau type sont à l’œuvre pour des créations collectives, orphelines souvent de modèles économiques, ce qui limite leur progression et traduit le peu d’enthousiasme de l’économie traditionnelle pour ces innovations. Cela n’empêche pas les entreprises installées de s’alimenter allégrement sur l’économie collaborative, comme IBM le fait sur les systèmes ouverts du type Linux.
Le deuxième exemple touche à la valorisation de biens existants mais souvent utilisés partiellement. Une voiture à un seul occupant, une maison vide pendant des semaines, ou des chambres qui ne demandent qu’à être occupées. Voilà un capital important, déjà financé, qui produit des services supplémentaires à coût marginal très faible, de mise en relation des intéressés et d’assurance.
Deux phénomènes intéressants du point de vue du développement durable, puisqu’ils contribuent au « découplage », à savoir l’augmentation du bien-être et la diminution des ressources utilisées. Cette efficacité trouble le jeu économique, et provoque une forme de déflation, si le marché ne grossit pas à proportion.
Le développement durable a besoin de nouveaux instruments financiers. Nous savions déjà que le PIB est bien loin de traduire un niveau de bien-être. Il augmente notamment du fait de catastrophes ou d’accidents. Nous savons également qu’il ne traduit pas des progrès réels, et ne favorise guère la meilleure valorisation des ressources disponibles.
Progrès et déflation peuvent aller de pair, faut-il encore que les économistes l’acceptent et nous aident à tirer profit au mieux de cette nouvelle convergence.

1 - Empruntés à l’article de Patrice Noailles-Siméon et Jérôme Covo « L’innovation déflationniste » dans Mines La revue des ingénieurs, N° 478, mars-avril 2015
2 - Selon http://magazine.ouishare.net/fr/2013/05/wikispeed-revolution-industrielle-open-source/

 

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