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Progrès et Innovation

Analyse



On peut en avoir une approche psychologique, et l’image du divan s’imposerait, mais nous renonçons dans cette chronique à pénétrer dans les méandres de nos cerveaux, pour nous consacrer à l’analyse qui nous aide à mieux explorer une question, pour comprendre ce qui se passe et anticiper sur ce qui va se passer. On l’a vu dans de multiples billets de ce blog, le développement durable nous conduit à s’intéresser tout particulièrement aux enchaînements, aux interrelations, aux systèmes. Pour essayer de comprendre, avec l’esprit cartésien qui nous caractérise, nous nous lançons dans des analyses en espérant identifier les ingrédients qui composent les phénomènes de la vie, et décrire la manière dont ces ingrédients réagissent entre eux.


La complexité de la vie est une vraie richesse, mais pour en bénéficier, il faut l’apprécier, et apprendre à cheminer sereinement dans cet univers où chaque élément influence les autres, où chaque décision provoque une réaction en chaîne qu’il est préférable de prévoir. L’analyse demande donc un savoir faire, elle ne s’improvise pas, et la manière de l’aborder devrait assurément figurer au menu de l’école. Il faut savoir observer, ce qui n’est pas facile sans discernement, et sans méthode. On va donc se constituer des grilles d’analyse et adopter des modalités d’observation, des protocoles disent les savants.

Le problème est que quel que soit l’angle que l’on retient pour observer un phénomène, il y a des ombres, des masques, des lumières qui éblouissent. Changez d’angle de vue, et vous ne verrez pas les mêmes choses. Le produit de l’analyse dépend de la manière dont on la conduit, ce qui est bien embarrassant.

C’est frappant quand on analyse l’opinion en s’appuyant sur des sondages. L’ordre des questions, leur enchaînement, l’univers qu’elles créent, sont autant de facteurs qui influencent les réponses, et qui peuvent ainsi fausser les conclusions que l’on en tire. La réalité examinée au filtre d’une grille n’est qu’une image de la réalité, souvent déformée, floue, granuleuse, pas toujours bien éclairée. Malgré tous ces défauts, cette image est bien utile, car on peut la tourner dans tous les sens, l’agrandir, la rapprocher d’autres images pour faire des comparaisons. Tout le talent consiste à obtenir que l’image mette bien en lumière les questions importantes, et n’en occulte pas.

La manière de constituer sa grille d’analyse est donc fondamentale. Un type bien connu d’analyse est l’analyse du cycle de vie. Il s’agit d’identifier à chaque phase de la vie d’un produit ses effets sur l’environnement, sur la base d’un inventaire exhaustif de tous ses impacts de manière à faire un bilan complet. La manière de procéder est décrite dans des normes internationales (de la famille ISO 14040, pour les initiés), ce qui permet de disposer d’analyses comparables, pour préparer des choix ou évaluer des décisions. Souvent, on sera amené à construire sa propre grille, sans avoir recours à des normes, qui, malgré tout le mal que l’on peut en dire, rendent bien des services. Le développement durable peut alors éclairer la constitution de ces grilles.

La démarche HQE offre un exemple de mode d’analyse. Pour décrire la qualité environnementale du bâtiment, on distingue tout d’abord de quel côté on se situe : du côté de l’usager, et on va entrer dans le détail des éléments d’environnement intérieur, avec des paramètres liés à la santé et au confort, ou du côté de la collectivité, et on va aborder des questions plus générales relatives aux ressources, aux rejets, à l’utilisation de l’espace. On pourra aussi croiser cette première séparation d’une seconde fondée sur les phases de la vie du bâtiment, notamment ce qui est associé aux phases de conception et de travaux, et les facteurs liés à l’usage. Telle construction modifie l’environnement par sa présence même, pour le paysage, les ressources nécessaires pour la construire, l’imperméabilisation des sols qu’elle a provoquée. Ces impacts sont indifférents au fait que la maison est occupée ou non. L’usage entraîne une série d’autres conséquences sur l’environnement, provoquées par les consommations courantes et les rejets du bâtiment, son métabolisme en quelque sorte. On obtient ainsi un modèle de grille d’analyse construit avec deux entrées indépendantes dominantes, selon le point de vue dont on se place d'une part, et la période de la vie du bâtiment d'autre part. Cette double distinction permet de couvrir l’essentiel des enjeux. C’est ce qui fait sa vertu quand on souhaite se donner une vision d’ensemble qui permette de faire un bilan général, d’apprécier la sensibilité des différentes marges de manœuvre dont on dispose pour obtenir un projet conforme à des objectifs pluralistes. Cette méthode se décline à d’autres types d’intervention sur les territoires, puisque partie de la construction des bâtiments, elle s’est étendue aux aménagements d’extensions urbaines et de routes.

Le développement durable propose une approche de la vie dans sa complexité, perçue comme un système intégrant de nombreux paramètres, physiques, culturels, biologiques, avec de nombreuses interférences. C’est dans cette complexité que l’on va pouvoir chercher des solutions pour relever les défis du 21ème siècle, pour assurer une bonne transition entre la période de conquête de la planète, qui prend fin aujourd’hui, et celle de sa gestion en bon père de famille pour faire vivre dans la dignité neuf milliards d’êtres humains d’ici une quarantaine d’années. Il faut donc admettre que la complexité est une solution, et non pas un problème comme on l’entend trop souvent. Il faut juste apprendre à y nager, et l’analyse figure parmi les mouvements élémentaires de cette discipline. Il n’y a alors pas de secret : des méthodes et de l’entraînement.

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