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Progrès et Innovation

Adaptation

Nous n'héritons peut-être pas de la Terre de nos aïeux, mais du fruit de leur intelligence, de leur sensibilité, de leur travail. Des vieilles choses, sans doute, mais encore riches d'un potentiel à ne pas laisser filer.

La capacité à s’adapter est une des vertus cardinales du développement durable. On en parle abondamment pour les projets, qui doivent être conçus pour s’adapter à un avenirnon écrit, et donc incertain.

Il faut aussi s’évertuer à adapter nos ouvrages existants, maisons, routes, usines, équipements de toutes natures, à la vie moderne, et aux exigences du 21e siècle. Une bonne partie du petit matériel se renouvelle, comme votre radio qui n’est plus à lampes mais à transistor, mais qu’en est-il des investissements lourds, qui marquent le territoire ?

Un exemple vient de nous être donné dans le domaine industriel. Que faire d’une usine d’assemblage automobile construite en Californie dans les années 1930. Une usine, qui plus est, classée monument historique, construite par l'architecte Albert Kahn. Et bien elle s’est mise au solaire. Après réhabilitation par les architectes du cabinet Marcy Wong Donn Logan, elle est devenue le siège de l'Entreprise de fabrication de cellules et de panneaux photovoltaïques SunPower. Et avec les honneurs, dont le National Trust For Historic Preservation Honor Award (1).

On peut aussi adapter des savoir faire. Toujours dans le domaine de l’automobile, la firme Toyota s’est engagée dans une reconversion partielle, en détournant son savoir faire et sa technicité pour construire des robots et des maisons. L’équipementier automobile Bosch s’est orienté vers les panneaux solaires photovoltaïques. Que ce soit dans le hard ou dans le soft, voilà des industriels qui s’adaptent, et  trouvent de nouvelles utilités pour se développer. C’est mieux que de s’accrocher à des modèles anciens et de tout faire pour les prolonger.

Faute de savoir s’adapter, notre capital fout le camp. Il s’agit parfois d’un capital humain, de compétences dont nous ne savons plus quoi faire, avec un gâchis considérable comme résultat. Il s’agit aussi d’un capital en infrastructures, qui ne correspondent plus aux canons modernes, et qu’on laisse se dégrader progressivement. Ce sont alors des friches, ou des frais considérables de Reconversion, et dans tous les cas une perte d’un potentiel productif.

Pas de nostalgie, il faut bien tourner la page, mais pas sans avoir réfléchi préalablement à de nouveaux Usages de ces vieilles choses. Un exemple intéressant nous est fourni par les canaux de type Freycinet. Voilà un réseau ancien, qui a rendu d’immenses services, et qui se trouve aujourd’hui déclassé, au Profit du grand gabarit, beaucoup plus performant avec ses grandes péniches. On a pu croire que le vieux réseau serait destiné à disparaître comme infrastructure de transport, et deviendrait un argument touristique, ou un simple ouvrage hydraulique pour régulariser des flux. La petite péniche n’est pas assez rentable.

Une initiative européenne va peut-être changer le cours des choses. Un programme appelé INLANAV(2), Innovative  Inland Navigation, a été lancé en 2010 pour valoriser le potentiel du « Petit gabarit ». Les modes de navigation anciens sont revus, et c’est un effort technologique qui va redonner vie à ces fleurons de la révolution industrielle. Couplage de péniches dotées de nouveaux équipements, nouveaux matériaux, nouveaux concepts logistiques.  Ajoutons une dose d’harmonisation de règles de navigation en Europe, et voilà une nouvelle jeunesse pour la navigation commerciale sur un réseau que l’on pouvait penser désuet.

D’ores et déjà, un opérateur important s’intéresse à ce mode de transport économe et peu polluant. C’est un constructeur automobile, PSA, qui fait rouler chaque jour 10 camions de sa fonderie auvergnate de Sept-Fons à Mulhouse, avec retour à vide. A la place, une péniche par jour, au départ de Sept-Fons, par le canal latéral à la Loire, le canal du Centre, la Saône et le canal du Rhône au Rhin. Et au retour, des chutes de tôles à recycler dans la fonderie. L’expérience est en cours, il faudra sans doute quelques équipements modernes de transbordement, mais elle ouvre des perspectives pour bien d’autres usages(3).

C’est en changeant les pratiques et les règles du jeu que l’on voit de nouveaux modes d’utilisation de ces capitaux, qui reprennent alors de la valeur. On l’a vu avec le train dans les campagnes. Le mode d’exploitation classique n’est plus adapté au monde d’aujourd’hui, et à ses formes d’habitat et de mobilité. Il fallait l’alléger, et se rapprocher d’un mode d’exploitation de type tramway, plus urbain. Combien d’années a-t-il fallu pour que cette transformation s’engage, avec quelques lignes emblématiques, pour déboucher sur le concept de tram-train ? Entre temps, combien de kilomètres de voie ont été démantelés, avec un retour en arrière impossible ?

La rigidité des esprits est un frein majeur à l’adaptation de nos vieux équipements aux exigences du 21e siècle. C’est un énorme capital qui est ainsi abandonné, et qui coûte au lieu de rapporter. Le développement durable est une invitation à la performance, à commencer par un usage intelligent de ce dont nous héritons.

 

1 - source : Le Moniteur .fr du 25 février 2011
2 - www.inlanav.eu
3 - Source : Voies navigables, n° 165, décembre 2010 – janvier 2011.

Chronique mise en ligne le 20 avril 2011


 

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