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Production et consommation

Réforme

Sous la pression de l’Europe ou de nos créanciers, il n’est question que de réformes. Des réformes pour ressembler aux autres pays, aux autres économies. Est-ce la bonne voie ? Comment associer réforme et développement durable ?

Le débat sur le budget de la France se résume souvent à une question : les réformes de structure. Sans réforme, point de salut. Sans doute nos institutions et nos pratiques sont-elles anciennes, et mériteraient un bon nettoyage, mais n’est-il pas un peu léger de se limiter à cette exigence ? N’est-ce pas une manière de se dédouaner d’autres problèmes, que l’on évite ainsi d’évoquer et par suite de prendre en charge ?
Une approche « développement durable » consiste à prendre du recul et à faire un véritable bilan, sans exclusive, pour explorer des voies nouvelles. Pas d’œillères, pas de présupposé, pas de réponse avant que la question ne soit convenablement posée. Une première alerte sur les aspects structurels nous vient d’ailleurs d’une constatation : Les déficits publics proviennent pour l’essentiel de la baisse d’activité. A plein régime, nos structures, nos institutions, notre sécurité sociale, nos caisses de retraites, ne connaîtraient pas de déficit. La question centrale est donc celle de notre activité, avec des aspects structurels, sans doute, mais aussi bien d’autres, psychologiques et conjoncturels notamment.
Deux causes sont le plus souvent avancées pour expliquer la stagnation de la production : la lourdeur administrative, et le coût des facteurs de production, la main d’œuvre en premier lieu. Rarement la nature de la production est évoquée. Elle l’est indirectement en référence à l’innovation. La mise sur le marché de nouveaux produits, adaptés à la demande d’aujourd’hui, est effectivement liée à l’effort d’innovation. Celui-ci est souvent présenté comme onéreux, exigeant en investissements et donc en argent frais. Est-ce le cas pour toutes les activités ? Le dynamisme des start up semble plutôt lié à la personnalité et à l’imagination de leurs dirigeants. La bonne exploitation de leurs innovations tient souvent aux réactions des grands acteurs économiques, à leur comportement et à leurs modèles de développement. Les banques, les grands circuits de commercialisation, les entreprises bien installées qui pourraient se moderniser grâce aux produits des start up, voilà les acteurs qui peuvent donner une réelle chance de développement aux innovations. Encore faut-il qu’elles en aient envie, qu’elles en prennent le risque, qu’elles y croient. En période de crise, alors qu’il faut justement savoir sortir des canons du passé, la plupart des acteurs dominants, dont la puissance est le fruit des pratiques d’hier, sont réticents, voire peureux. Ajoutons à cela que les nouveautés demandent souvent une adaptation des cadres juridiques, ce qui offre l’occasion aux intérêts bien établis de dresser quelques obstacles à la marche vers le futur. Nous sommes beaucoup plus dans un débat sur les comportements des acteurs économiques que sur une dimension structurelle. Changer les structures sans changer les mentalités ne changerait pas grand-chose.
Avant de parler de réformes structurelles, il serait bon de voir comment lever ces obstacles d’ordre culturels. Ce sont nos structures mentales qu’il faut faire évoluer, et cela ne se fait pas par des lois et des décrets. Nos mentalités sont héritées d’une période heureuse, les 30 glorieuses, et de la nostalgie de la France « grande puissance » de ce monde. La croissance se fait par augmentation des volumes produits, et en s’appuyant sur une position dominante, tant pour l’accès aux matières premières que pour écouler nos produits. Cette période est terminée, mais nous ne rêvons que de la faire revivre. Comment rester « grand » quand on ne représente que 1% de la population mondiale ? Voilà une question importante à débattre avant de parler de réformes. La réponse pourrait justement éclairer ces dernières.
Plus que les coûts de production, c’est la nature de la production qui est en cause. Une nature à étudier en fonction des perspectives offertes par le 21e siècle, et non pas dans la fiction du retour aux temps anciens. Une économie décarbonée, une économie économe des ressources naturelles et orientée vers le service rendu : économie circulaire, économie de fonctionnalité. Une économie favorable à l’adaptation en continu des biens produits à des besoins diversifiés et changeants.
Nos institutions stratégiques, tels le plan de jadis ou France Stratégie maintenant, sont-elles à la hauteur des défis ? Leurs pratiques, leur capacité à créer un dialogue fructueux entre les acteurs, ceux du passé, repliés sur leurs intérêts, et ceux du futur, passionnés par l’aventure, ou encore les producteurs et les consommateurs, est-elle suffisante ? Et quel rôle peuvent jouer les cénacles tels que le cercle des économistes et les différents think tank de toutes obédiences ? Comment amener les entreprises à se projeter dans le futur, plutôt que de vouloir rentabiliser leurs anciens brevets jusqu’à plus soif ?
Un exemple des rigidités mentales nous est donné par les débats en cours sur le vieillissement de la population française. Un maître mot : changer de regard sur la vieillesse. Bonne idée, mais dans les textes qui en découlent aujourd’hui, aucune référence à la production sociale et économique que les personnes âgées peuvent apporter. La réforme des mentalités n’est pas passée, manifestement !
La réforme, oui, mais pas pour esquiver les vrais débats. En orientant a priori l’objet desdites réformes, on a tôt fait de détourner l’attention des vraies questions. Des réformes seront entreprises malgré tout, dans la douleur, avec un large mouvement de contestation. Dommage que ce ne soient pas les bonnes !

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