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Production et consommation

Papier

La question du papier, recyclé ou non, d'origine de forêts certifiées, etc. est un classique de l'écologie. Une nouvelle approche nous est donnée par la concurrence entre le papier et l'informatique.

J’ai un message vous transmettre. Deux solutions s'offrent à moi : je vous envoie un mail, ou bien j'écris mon message sur du papier et je vous l’envoie par la poste. Y a-t-il une formule plus écologique que l'autre ? Compte tenu de l'importance de l'effet de serre, nous pourrions en juger sur les bases d'un bilan Carbone. L’exercice été fait et donne un net avantage au courriel. 19 g de CO2, contre 30. Va pour le courriel, c'est un bon Choix. Méfions-nous cependant. Un piège nous guette. Un simple clic est tellement facile ! Beaucoup plus simple et rapide que d'imprimer la lettre, ou de même de l'écrire à la main, de la mettre dans une enveloppe, de la timbrer et de la mettre à la poste. Et en plus, le mail ne coûte rien. Je peux en envoyer autant que je veux, c'est le même Prix.
La comparaison n'est donc pas si simple. Il y a bien sûr d'autres paramètres que le carbone. Un courrier « papier » permet des fantaisies. Selon le destinataire et le degré de familiarité, vous pouvez ajouter de petites notes personnelles qui apportent un message complémentaire à celui qui est écrit sur le papier. Un message parfois même plus important. Mais restons dans le courrier impersonnel, Professionnel, sérieux. Seul le message écrit compte. Dans ce cas-là, il n'y a pas photo, il y a net avantage au courrier virtuel. Mais comme je peux en envoyer autant que je veux pour le même prix, et que je n'ai même pas à me déplacer jusqu'à la boîte aux lettres ou à la poste pour acheter un carnet de Timbres, la tentation est forte de multiplier les messages, de les diffuser en copie à un tas de gens que cela pourrait peut-être intéresser. Au total, la formidable facilité apportée par le courrier électronique conduit à en envoyer beaucoup plus. Et si au lieu d’écrire deux lettres, écrite à la plume sergent major et avec la plus grande attention, ce sont trois mails que j'adresse vite fait bien fait, l'avantage du virtuel disparaît.
Les chiffres du bilan carbone de l'informatique, rendus publics il y a quelques mois par l’ADEME (1), peuvent être contestés. L'énergie nécessaire et sa transposition en quantité de carbone reposent sur de nombreuses hypothèses, sur votre manière d'utiliser votre matériel, sa durée de vie, votre propension à imprimer ou à lire sur Ecran, et il y a bien d'autres facteurs que vous ne maîtrisez pas comme le fonctionnement des grands Centres informatiques qui relaient vos messages. On voit d'ailleurs apparaître des propositions de Data Center économes, ou avec récupération d'énergie de manière à en améliorer le bilan. On peut donc espérer que les 19 g par message (1 Mo dans les calculs) vont se réduire régulièrement, ce qui améliorera la compétitivité du virtuel par rapport au papier. Mais la facilité d'Usage, qui devrait toujours s'améliorer avec la convivialité de l'informatique, restera toujours un piège contre lequel il faut se prémunir.
L'avantage unitaire doit être mis en perspective avec les changements de comportement. On l'a vu avec les écrans de télévision. Un écran plat, avec des techniques modernes, est bien moins consommateur que le tube cathodique de nos anciens postes. Mais à surface égale seulement. La lourdeur des appareils, leur encombrement, limitait la surface des écrans, alors que les nouvelles techniques permettent d'installer chez soi un écran géant. L'avantage unitaire est donc rattrapé par le changement dans le choix de consommation, et même au-delà. Il faut donc des Progrès considérables dans les rendements pour que, au total, le bilan reste favorable.
Les livres, en bon papier, agréable à toucher et à manipuler, qui sentent bon pour certaines éditions, vont-ils laisser la place à des formules virtuelles, accessibles sur des tablettes dont le maniement sera de plus en plus banal ? Là encore il y a facteurs prix. Pour prendre un exemple, mon dernier Livre, le développement durable, l'intelligence du XXIe siècle (Editions PC), est disponible en librairie au prix de 20 €, mais aussi sur Internet (Numilog.com). Il vous coûtera alors 14 €, et vous pourrez le lire quand vous voudrez sur votre tablette numérique, que vous emportez toujours avec vous, ce qui n'est pas, hélas, le sort de mon livre. Vous n'intégrerez pas dans le prix la quote-part de votre tablette et son fonctionnement, des abonnements que vous devez prendre auprès de fournisseurs d'accès, tout comme vous n’intégrez pas au prix de votre « panier » le prix du kilomètre parcouru en voiture quand vous allez au supermarché.
Les comparaisons produites entre le virtuel et le papier sont très intéressantes. Elles nous éclairent, nous donnent des ordres de grandeur, elles ne peuvent provoquer le choix à elles toute seule. Surtout, elles ne peuvent pas nous exonérer du minimum de prise de conscience sur nos choix de consommation. Les facilités d'accès, tellement agréables, conduisent souvent à des excès. Que ce soit à l'énergie, à la mobilité, à la communication, la tentation est forte de ne pas limiter notre consommation à ce dont nous avons vraiment besoin, ou à ce qui nous fait vraiment Plaisir. Puisque c'est facile, allons-y gaiement, nous verrons après ce qui a véritablement été Utile ou agréable. C'est une forme de boulimie dont nous ne pourrions être victimes, comme des facilités d'accès à la nourriture conjuguée avec la Peur de manquer ou toute autre forme d'angoisse conduisent à l’obésité et aux graves problèmes de santé publique qui vont avec.
lIl n'en reste pas Moins que les formidables facilités d'accès à tous ces services, que cette Abondance, ouvrent des Perspectives et permettent des progrès inimaginables il y a encore quelques années. La question du papier illustre la nécessité d'accompagner les progrès de l’informatique, et de lui adjoindre une évolution parallèle en termes culturels et comportementaux. Pour ne pas devenir les servants de la machine, et bien au contraire apprendre à en tirer le maximum de profit. Profit réel, toujours en termes d'utilité ou de plaisir, et non Profit virtuel d'une Illusion d'abondance.

1 ADEME, Analyses de Cycles de Vies des Technologies de l'Information et de la Communication, Courriers électroniques, requête Web, clé USB : quels impacts environnementaux ?, 7 juillet 2011.


 Chronique mise en ligne le 3 février 2012

 

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