Obsolescence
L’arrivée sur le marché de l’iphone 7 donne l’occasion de s’interroger sur l’obsolescence des produits, éventuellement programmée. L’obsolescence est-elle durable ? Quelle qu’en soit la qualité, la plupart des produits vieillissent, ils s’usent ou se cassent, et deviennent hors service. L’obsolescence est une fatalité, mais ce qui l’est moins, c’est la durée de vie des équipements concernés.
C’est pour sortir de la grande crise des années 1930 que la rotation accélérée des produits de consommation a été théorisée. Une bonne chose. Renouveler votre équipement électroménager, votre voiture, votre mobilier, votre garde-robe, vos cartables, ça fait tourner l’économie, ça crée des emplois.
Au cours de la décennie précédente, le cartel de Phoebus, composé des producteurs d’ampoules à incandescence, avait développé cette pratique : il s’agissait de fragiliser les filaments pour qu’ils grillent plus vite, au bout de 2 ans, alors qu’ils auraient pu atteindre la centaine d’années. On dit aussi que la société qui a inventé le nylon avait donné comme instruction à ses ingénieurs d’éviter les produits trop solides… Il faut vendre, et pour cela renouveler les produits, lesquels ne doivent donc pas trop durer.
Revers de la médaille, l ’obsolescence crée aussi des déchets, elle consomme des ressources naturelles et de l’énergie, elle contribue à l’effet de serre, etc. Dans les années 1930, ces inconvénients n’étaient pas d’actualité. Les temps ont changé, mais les modèles économiques sont souvent restés les mêmes, ainsi que l’état d’esprit de nombreuses sociétés. Le sentiment partagé par de nombreux consommateurs, si l’on en croit les enquêtes, est que la durée de vie des produits aurait tendance à se raccourcir. Ce n’est peut-être qu’une impression, et les raisons pour changer ne sont pas que techniques. En matière de téléphonie mobile, ce n’est pas l’usure qui est la première cause du renouvellement. Ce sont de nouvelles fonctionnalités, même si on ne s’en sert pas, c’est le prestige auprès des copains, le statut social. Pour les ordinateurs, c’est aussi la compatibilité avec de nouveaux logiciels. Et puis la panne n’est une raison de changer de matériel que si elle est fatale, qu’il n’y a pas de réparation possible.
L’obsolescence revêt donc bien des aspects, techniques, culturels, commerciaux. Et certains arguments en faveur du renouvellement accéléré doivent être pris au sérieux. Le cas des chaudières, par exemple, est significatif. Elles ont fait beaucoup de progrès ces dernières années, et contribuent à de fortes économies d’énergie. Il ne faut pas attendre la « fin de vie » ordinaire de votre vieille chaudière pour la remplacer par un matériel moderne et performant. Le remplacement d’une voiture ancienne, donc gourmande et polluante, et on peut ajouter moins sure, n’est pas à rejeter d’un revers de manche, comme « non durable ». Attention à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain.
Dans le cas général néanmoins, l’obsolescence provoquée artificiellement n’est pas durable. Malgré les efforts de recyclage, une bonne partie des matières premières sont perdues, alors « qu'avec un taux de croissance annuel de leur production primaire de 2 %, les réserves de cuivre, plomb, nickel, argent, étain et zinc ne dépasseraient pas 30 années, l’aluminium et le fer se situant entre 60 et 80 ans. L’ère de la rareté se dessinerait donc pour un nombre croissant de matériaux », selon l’OCDE. Même chose du côté des rejets, avec les pollutions par les nombreuses substances qui se retrouvent dans les eaux, l’air ou les sols, et avec les problèmes de santé publique qui font régulièrement la Une des magazines. Il est possible d’y ajouter un volet social : les personnes les plus modestes n’ayant pas les moyens d’acheter des produits de qualité, ils sont condamnés aux « entrées de gamme », les plus rapidement obsolètes. « Ça coûte cher d’être pauvre », dit le bon sens populaire.
Comment, dans ces conditions lutter contre ce phénomène, considéré comme une aubaine par de nombreux acteurs économiques ? Nous sommes dans le débat sur le PIB, qui mesure le niveau d’activité, mais pas celui du capital commun ni du bien-être. Les instruments de l’économie actuelle semblent insuffisants, et il faut de nouvelles règles du jeu.
A la suite d’ONG, les gouvernements se sont intéressés au phénomène, en France notamment avec la loi relative à la consommation (18 mars 2014) et la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (17 août 2015). Une première série de mesures sont prises, notamment sur l’accès aux pièces de rechange. Des sanctions sont prévues pour quiconque ferait en sorte de « réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement. (…) L’obsolescence programmée est punie d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 300.000 € d’amende ».
Le « think tank » La Fabrique écologique s’est penchée sur la question : « Comment agir vraiment contre l’obsolescence programmée ? ». Au terme d’un rapport riche en informations sur le sujet (qui ont alimenté en partie la présente note) La Fabrique écologique formule trois recommandations pour renforcer le dispositif existant, soumises au public dans un premier temps avant d’être transmises aux pouvoirs publics.
1) La première préconise de garantir la réparabilité des produits par une application plus résolue et quelques modifications de la loi consommation du 17 mars 2014 (Loi Hamon).
2) La deuxième vise à intégrer dans les prix des produits des critères favorables à l’intensité d’usage et à la durée de vie. Ceci passe par la modulation des éco-contributions sur la base de ces critères.
3) La troisième a pour objet l’affichage pour le consommateur d’une information relative à la durée de vie du produit afin de lui permettre de s’engager plus fortement vers une pratique d’achat responsable.
Le débat est ouvert, le développement durable est en marche, il faut juste lui permettre d’avancer plus vite.
En complément, je vous signale la publication d'un rapport d'un groupe sénatorial sur le devenir des matériaux et composants des téléphones mobiles : 100 millions de téléphones portables usagés : l'urgence d'une stratégie
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