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Production et consommation

Malin

malin

En période de transition, comme celle que nous connaissons actuellement, les réponses traditionnelles du genre « rouleau compresseur » ne fonctionnent pas. Adieu la grosse cavalerie, il va falloir être malin.

La question du pouvoir d'achat revient régulièrement au devant de l'actualité.

À juste titre, puisque les services et les biens auxquels nous avons accès en dépendent largement. La réponse traditionnelle est de donner plus d'argent, de mobiliser plus de ressources, pour faire face aux besoins. C'est évidemment une réponse commode, et qui crée mécaniquement une forme de croissance économique. Le volume de l'argent distribué, le chiffre d'affaires de notre société en quelque sorte, ne peut qu'augmenter avec ces pratiques. Jusqu’à quand ? Est-ce la seule manière d'améliorer nos conditions de vie ? Cette formule a en effet un défaut, celui de ne pas s'interroger sur la qualité de la prestation fournie, sur la manière dont elle répond effectivement à nos besoins. Elle ne pousse pas à l'efficacité. C'est le volume des échanges qui compte, avec en arrière plan la nécessité de produire toujours plus, et non le désir de mieux satisfaire les besoins.
Soyons malins, repartons des besoins, et voyons s'il n'est pas une autre manière d'assurer la croissance, la croissance en termes de services rendus et de bien-être. Les conséquences sur la production ne sont pas à négliger, mais prenons les pour des contingences et non des objectifs à atteindre à tout prix. Pour l'instant, le mode de pensée actuel privilégie la production, et le service rendu est instrumentalisé à son profit. Peut-on inverser cette vision ?
Une des façons d'entrer, de manière opérationnelle, dans le développement durable est résumé par expression : facteur 4, soit 2x2. Deux fois plus de bien-être, en prélevant deux fois moins de ressources. Croissance, donc, pour la qualité de vie et le plaisir, et décroissance de la pression sur la planète. Pendant des années, le postulat implicite était que le bonheur dépendait de richesses matérielles, elles-mêmes obtenues en exploitant la nature, qu’il s'agisse de biens en stock (minéraux, charbon, etc.) ou de produits renouvelables au rythme des saisons. La Terre était infinie et le problème essentiel consistait à surmonter les difficultés d'accès et d'extraction de ses ressources. Le facteur 4 casse cette logique. Arrêtons d'accepter comme une fatalité que la croissance du bien-être est indissolublement liée à celle des prélèvements. Il est vrai que cette idée est profondément ancrée en nous. Pour ne prendre qu'un exemple, le WWF nous invite régulièrement, depuis 2007, à manifester notre amour de la planète en éteignant la Lumière 1 heure, le dernier samedi de mars. Privons-nous de lumière pour la planète. Une idée sympathique, mais qui va à l'encontre de l'objectif recherché. Elle enfonce le clou du lien entre bien-être des prélèvements. Pour réduire les prélèvements, il faut donc se priver et réduire notre train de vie. Cette « heure pour la planète », ou « earth hour », va à l'encontre du principe d'efficacité. Nous sommes loin du « découplage » recherché entre bonheur et pression sur la planète.
Il faut donc s'extraire d'un mode de pensée ancien, et construire un futur débarrassé de fausses certitudes. Pour cela, prenons la satisfaction des besoins comme point de départ. Nous sommes ainsi dans une économie dite « de fonctionnalité ». Il s'agit de traiter convenablement la fonction mobilité, ou la fonction habitat, la fonction Santé, la fonction alimentation, etc. Développons rapidement la mobilité.
La mobilité est aujourd'hui fortement affectée par le prix du carburant. Notre organisation du territoire, l’implantation des logements et des emplois, induisent un volume important de mobilité automobile. Trop d'éloignement pour la bicyclette, pas assez de densité pour justifier des transports en commun. Nous assistons actuellement à une révision progressive du mode de déplacement en voiture. Pour faire des économies, les automobilistes se regroupent, ils s'organisent. Parfois ce sont les entreprises qui prennent l'initiative du covoiturage, comme Nestlé il y a une quinzaine d'années maintenant. Les collectivités prennent le relai en créant des points de rassemblement, sur des parkings bien situés. Sur l'essentiel du parcours, les automobilistes peuvent ainsi remplir les véhicules et réduire d'autant leurs dépenses. Internet s'est bien sûr positionné sur ce créneau, avec une offre sans cesse croissante disponible sur smartphone. Un service étendu aujourd'hui au transport de marchandises.
Les territoires les plus créatifs ne sont pas, dans ce domaine, les grandes villes. Celles-ci trouvent des réponses adaptées avec les modes doux et les transports en commun, et plus récemment avec les voitures en libre service. Ce sont donc les zones moins denses, périurbaines ou rurales, qui sont les pilotes les plus performants dans ce domaine(1). On remarque que le progrès a changé de nature. Les progrès techniques des véhicules sont toujours bons à prendre, pour la sécurité et la consommation, mais ce n'est plus là l'essentiel. La question principale est de mettre en relation l'offre et la demande de mobilité. Nous sommes dans le domaine de la communication, avec une bonne dose d'électronique. Ce qui relevait hier de l'entraide et du bon voisinage est aujourd'hui repris à une échelle autrement plus importante grâce aux NTIC. Augmenter de 20 à 30 % en moyenne le taux de remplissage des voitures, désenclaver les personnes isolées sans les contraindre à déménager vers des centres urbains, tout en créant ou favorisant un contexte favorable aux relations humaines, telle est la feuille de route de la fonction mobilité. Il en résultera à l'évidence une forme d'activité économique, mais elle sera bien différente de celle obtenue quand ladite feuille de route était avant tout le développement de l'industrie automobile en France.
La croissance industrielle que nous avons connue ne nous a pas incités à être malins. Le « toujours plus » ne fait pas appel à l'Intelligence. La réduction des prélèvements sans réduction de notre train de vie, voilà un chalenge intéressant qui va stimuler nos neurones. C'est un pari sur notre talent collectif, c'est un changement dans nos modes de pensée. Nous avons du mal à faire le saut, la tentation est toujours forte de prolonger au maximum le confort du passé. Ce serait bien sûr une impasse, où il ne faut pas s'engager. Soyons malins, ayons confiance en nos capacités. C'est tellement plus passionnant. C'est la voie du développement durable.

 

1 - On pourra se reporter au rapport du centre d'analyse stratégique les nouvelles mobilités dans les territoires périurbains et ruraux. Rapport de la mission présidée par Olivier Paul-Dubois-Taine, février 2012


 Chronique mise en ligne le 6 jiun 2012

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