Gaspillage

Deux fois plus de bien-être en consommant deux fois moins de ressources. Ça commence évidemment par la lutte contre le gaspillage. La chasse au Gaspi, rappelez-vous, au temps des chocs pétroliers, dans les années 1970. C’est toujours bon, si l’on veut poursuivre une forme de croissance, celle du bien-être, de notre qualité de vie, tout en réduisant notre pression sur la planète, notre « empreinte écologique ». Le gaspillage est partout, ce qui nous rend optimiste. Il y a beaucoup à gagner de ce côté-là, même s’il faut pour cela changer quelques-unes de nos habitudes.
La question du carburant revient ces jours-ci avec la hausse du prix du pétrole. C’est la mobilité qui est au cœur du débat, avec des aspects structurels et d’autres plus souples. L’énergie pas cher nous a fait prendre de mauvais choix, comme l’étalement de l’habitat. Un gaspillage d’énergie pour les transports, mais aussi occasion manquée : l'opportunité de capter de l’énergie décentralisée, que nous n’avons guère exploitée. Deux aspects complémentaires, sur lesquels il convient de revenir progressivement, d’une part la dépendance vis-à-vis d’un produit nuisible à notre balance commerciale et au climat, et d’autre part, la faiblesse de notre politique en faveur des énergies décentralisées, à base de biomasse, soleil, vent, eau.
C’est aussi un gaspillage d’espace. La France est étendue et relativement peu dense, par rapport à d’autres pays européens, et la facilité a encore fait son effet. Pourquoi densifier, alors que l’on a tout l’espace que nous voulons ? Vous connaissez la suite, prélèvements de terres naturelles, forestières ou agricoles, multiplication des routes pour accéder à ces parcelles, provoquant une fragmentation du milieu. Un effet culturel aussi, en façonnant nos mentalités. Le modèle d’une maison isolée dans un grand terrain s’est imposé, alors que nos savons parfaitement construire des lotissements denses, proches des centres, qui réduisent fortement l’empreinte écologique sans interdire la maison individuelle.
Le gaspillage en modèle culturel, on le retrouve aussi avec les grosses cylindrées surdimensionnées par rapport aux besoins réels, et une part de l’obsolescence programmée, fondée sur un effet de mode dévoyé pour provoquer un renouvellement prématuré. Et il y a tous les produits jetés alors qu’ils auraient pu connaître plusieurs vies, grâce au réemploi ou au recyclage.
Il y a aussi le gaspillage de travail. Faire travailler pour rien, comme le sapeur Camember qui creuse des trous pour en reboucher d’autres, mais aussi tout le travail consacré à des activités ou des productions inutiles, alors qu’il y a en jachère tant de besoins sociaux légitimes mais non solvables. Les discriminations dans le travail sont une autre forme de gaspillage humain, et qui en outre nous coute très cher.
Finissons ce tour de piste du gaspillage, bien incomplet d’ailleurs, par le gaspillage alimentaire. A l’échelle de la planète, 1/3 de la production alimentaire est perdue. Dans les pays du Sud, ce sont les conditions de stockage et de conservation qui sont en cause, mais dans ceux du Nord, c’est le gaspillage. Produits périmés, restes surabondants, etc. La lutte contre ce fléau concerne toute la chaine de production, de conditionnement et de commercialisation, mais aussi les lieux où l’on mange, chez soi et dans les restaurants. Plusieurs lois traitent ce sujet, notamment la loi Garot du 11 février 2016, adoptée à l’unanimité. C’est ainsi notamment que les associations caritatives bénéficient d’invendus, qui auparavant, été jetés. Le problème est toutefois loin d’être réglé. Selon l’ADEME, 100 à 170 grammes de nourriture sont gaspillés par personne à chaque repas dans la restauration collective, notamment du poisson et de la viande, dont l’impact environnemental est le plus fort.
Un effort particulier a été fait dans 1000 cantines scolaires, avec le soutien de l’ADEME. Approvisionnements, mode de présentation des plats, conditionnement, formation des personnels et sensibilisation des élèves, de multiples moyens ont été mis en œuvre. Le bilan de l’opération lancée en 2016 est encourageant. Toujours un double dividende, 20% de gaspillage évité, et une économie de 2.000 euros par an et par établissement. Le gaspillage n’est pas une fatalité, qu’on se le dise !
La lutte contre le gaspillage est une forme de croissance sans prélèvements de ressources, et il faut jouer cette carte avec détermination. Les résultats à en attendre sont de nature différente. Le gaspillage lié à des comportements peut être réduit rapidement, parfois avec des équipements légers nécessaires pour l’accompagner, comme dans les cantines. D’autres sont d’ordre structurel, avec un habitat dispersé par exemple. Il faudra dans ce cas faire preuve d’imagination et de détermination. Imagination pour, malgré le contexte défavorable, trouver des manières de réduire le gaspillage (co-voiturage, jardinage, etc.) ; détermination pour tenir une politique volontaire au cours des années.
- Vues : 2006
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