Consommation
Un des principaux enjeux du développement durable est de changer de modes de production et de consommation. Comment consommer durable ?
Nous parlerons ici de basse consommation, c'est-à-dire d’une consommation intelligente. L’objectif n’est pas de consommer moins, en termes de service rendu, de plaisir, de satisfaction d’un besoin.
Faire plus avec moins, cela ressemble à un rêve, à de la magie, et nombreux sont ceux qui ont du mal à y croire. Et pourtant la fameuse loi de Moore, selon laquelle la capacité des composants électroniques double tous les 18 mois, à coût constant, voire diminuant, montre que c’est possible. Doubler tous les 18 mois, à rapprocher de l’affaire du scribe égyptien qui demandait au pharaon un grain de blé sur la première case de l’échiquier, le double sur la suivante, et ainsi de suite. Les perspectives sont phénoménales.
Faire un peu plus avec moins peut s’avérer un piège. On a vite l’impression que l’on peut se laisser aller, que l’on peut consommer toujours plus, puisque le progrès réduit l’impact de la consommation, avec des techniques plus performantes. Et au total, c’est une pression accrue sur les ressources qui est enregistrée : l’augmentation du volume de consommation a repris tous les gains unitaires. Les avions modernes consomment beaucoup moins d’énergie que leurs ainés. Oui, mais il y a beaucoup plus de mouvements en avion, et la consommation du secteur aéronautique ne cesse de croître.
Il faut donc des gains unitaires substantiels pour que l’on s’y retrouve. Il faut diviser par 4 nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, alors que nous serons plus nombreux, plus gourmands, plus frileux, plus exigeants. Il va falloir décliner la loi de Moore dans de nombreux domaines.
Les lampes basse consommation font parler d’elles. La technique fluo-compacte permet de diviser par 3 ou 4 la consommation d’électricité pour un niveau d’éclairage équivalent. Leur durée de vie est bien plus longue que celle des ampoules à incandescence qu’elles remplacent. Tout compris, la lumière coûte alors 2,5 fois moins cher qu’avant. Bien joué. Les vieilles ampoules doivent d’ailleurs disparaître progressivement de nos univers familiers et professionnels.
Méfions-nous cependant de ce tableau idyllique. Le calcul est bien réel, mais il est partiel. Il ne touche que l’énergie et le porte monnaie, alors qu’il y a bien d’autres choses dans la vie. La Commission de Sécurité des Consommateurs (CSC) avaiut alerté les pouvoirs publics dans un communiqué (22 février 2011). Attention au mercure que contiennent les lampes fluo-compactes, et aux radiations qu’elles émettent autour d’elles.
Ces questions sont passées au second plan, tant nous sommes avides de réduire notre consommation d’énergie. Elles ne condamnent pas la technologie, mais montrent ses limites, ses faiblesses. Le mercure des ampoules cassées ou jetées n’importe où pose évidemment un problème de santé et d’environnement ; il faut donc organiser des filières efficaces de récupération, et alerter les usagers sur la conduite à tenir en cas de casse accidentelle. Les radiations sont nocives à 30 centimètres, éloignons un peu ces lampes. Les conditions d’utilisation de ces objets, plus complexes que les ampoules d’hier, doivent faire l’objet d’informations appropriées, compréhensibles par chacun.
On a bien éliminé le plomb de l’essence, on peut peut-être éliminer le mercure des lampes… La mise en lumière, si on ose dire, d’un défaut, doit inciter à trouver la parade.
L’autre piste est de changer encore une fois de technologie, avec les LED, encore plus efficaces, sous réserve de l’élargissement de leur gamme. On leur a bien trouvé encore un problème de santé, mais pas aussi grave que l’affaire du mercure.
Le bâtiment basse consommation, va devenir la règle commune. Des Labels précèdent la généralisation officielle. Attention là encore à ne pas négliger les autres aspects, l’approche monocritère peut s’avérer catastrophique, si l’on oublie la finalité d’une maison, d’accueillir dignement des êtres humains. L’exigence énergétique doit être conjuguée avec d’autres qualités, comme la démarche HQE le propose, par exemple.
Basse consommation, oui, et dans de nombreux domaines les perspectives sont encourageantes. Mais attention à ce que la recherche d’une basse consommation trop exclusive, trop ciblée, ne provoque d’autres problèmes. On a d’ailleurs inventé des analyses de cycles de vie pour éviter des oublis fâcheux. La vie est multiforme, l’énergie est un vrai sujet, mais la biodiversité aussi, et la santé, et le confort. D’une manière générale, l’erreur est de ne s’intéresser qu’à un paramètre, qui éblouit, et par suite aveugle. Vive les univers complexes, la créativité peut s’y exprimer pleinement.
Chronique mise en ligne le 6 juin 2011
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