Concurrence
La concurrence est un stimulant, et elle peut rendre bien des services pour obtenir le meilleur résultat possible. Encore faut-il en faire un bon usage. Un usage « durable ».
Il y a la concurrence sauvage, qui prend plusieurs formes. Tantôt elle s’exerce en l’absence de toute « règle du jeu », tous les coups sont permis et ce n’est pas le meilleur qui gagne.
Tantôt, elle est exacerbée, ouverte à un nombre exagéré de candidats, et provoque alors une débauche de travail qu’il faut bien payer d’une manière ou d’une autre. Les dérives de la concurrence sauvage sont bien connues, mais elles perdurent, et sont parfois douloureusement exploitées en période de crise. Il manque à l’évidence une éthique claire de la mise en concurrence.
Mais c’est sur le principe même de mise en concurrence qu’il convient de s’interroger. Sur quoi doit-elle porter? Comment faire qu’elle soit porteuse d’une dynamique de progrès et d’innovation, et non d’exploitation sans limites des hommes et des ressources naturelles ?
La pratique de la HQE (haute qualité environnementale) apporte un élément de réponse. Le choix des matériaux de construction en est un point sensible. Quel est le matériau « bon pour l’environnement » ? La réponse est claire : « The right matériau at the right place ». Si on élimine les matériaux toxiques, comme l’amiante, tous les matériaux peuvent concourir, chacun avec leurs qualités. Des fiches d’information des données environnementales et sanitaires permettent aux prescripteurs de choisir en connaissance de cause le meilleur matériau approprié au projet. Et en suite logique, que le meilleur gagne, charge à chaque produit de faire la preuve de ses qualités. Tous les industriels se sont senti concernés, et sont entrés en concurrence sur ce thème des qualités environnementales. L’environnement comme « juge de paix » d’une mise en concurrence, on ne pouvait rêver mieux, et les résultats ont été spectaculaires. La recherche a permis à chaque produit d’améliorer ses performances, tout en réduisant les quantités de matière et d’énergie incorporées. Vive la concurrence !
Il s’agit, dans cet exemple, de la valorisation de ressources. La question se pose tout à fait différemment quand il s’agit d’extraire ou de produire lesdites ressources. Celles-ci sont issues de l’exploitation de processus naturels ou de gisements plus ou moins faciles d’accès. Les impacts de cette exploitation ne sont pas anodins, et le potentiel n’est pas extensible à l’infini. Pour les ressources renouvelables, le rythme de renouvellement impose des rythmes d’exploitation dont il est dangereux de s’affranchir, comme on le voit aujourd’hui pour la pêche. La concurrence sur les volumes extraits ou produits risque fort d’entraîner les acteurs vers des excès, chacun ayant pour ambition d’accroître sa « part de marché ». Comment espérer une baisse des consommations de pétrole quand tous les opérateurs cherchent désespérément de nouveaux gisements ? Ce sont des « biens communs » qui sont l’objet de la compétition. Est-ce bien raisonnable de laisser les convoitises s’exercer sans gestion commune de ces richesses ?
La concurrence peut rendre des services si elle ne s’applique pas aux volumes, mais aux impacts et à la valorisation des produits. Elle concernerait alors principalement les techniques d’extraction et le recyclage.
Le cas du gaz de schiste est révélateur à cet égard. Le blocage se fait sur les conditions d’exploitation et leur impact sur l’environnement, et c’est sur ce point que des progrès sont attendus. Pourquoi ne pas étendre cette logique à l’exploitation des ressources « conventionnelles » ? La pollution autour des puits de pétrole est considérable. L’opinion s’émeut des accidents sur des forages off shore qui font beaucoup de dégâts, mais il y a bien d’autres problèmes de ce genre, moins visibles, plus diffus, comme ce qui se passe dans le delta du Niger, pour prendre un exemple dans l’actualité judiciaire. Des techniques « propres » d’exploitation existe, la concurrence doit amener à les privilégier, et le prix du pétrole, à 50§ de baril, le permet. L’usage de la « rente », des revenus tirés du pétrole et le « développement humain » qui peut en être fait, est un autre objet de mise en concurrence des opérateurs qu’il serait bon d’adopter.
Le recyclage présente un volet complémentaire à la production de ressources primaires. Il permet d’accroître le volume de l’offre sans accroître parallèlement la pression sur l’environnement. Il demande une coopération de tous les acteurs des filières, de la conception des produits, économe en ressources, robustes, réparables et adaptables et favorable à l’extraction de chacun de leurs composants en fin de vie, à leur collecte le moment venu pour un réemploi ou une valorisation matière. Les vilaines décharges, la pénurie ou les difficultés d’accès à des matériaux rares ont mis le projecteur sur l’électronique et les téléphones portables. Les filières de récupération ont tardé à se mettre en place, mais il semble que la situation s’améliore rapidement aujourd’hui. Il était temps, et les consommateurs pourraient privilégier les produits comportant une forte proportion de matériaux recyclés. Autre exemple, le bâtiment à nouveau : le recyclage des matériaux suppose que dès la construction la séparation des produits soit envisagée à cet effet. Voilà encore un beau sujet de mise en concurrence, une concurrence durable.
Les défis que le développement durable nous invite à relever nécessitent une forte mobilisation de tous, et notamment de ceux qui exploitent les ressources naturelles. La concurrence au profit de l’économie de ces ressources et des bonnes conditions de leurs prélèvements dans l’environnement est un bon moteur. A l’inverse, elle conduit à des catastrophes quand elle est mise en pratique sur les volumes prélevés.
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