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Production et consommation

Business plan

Pour une entreprise, on appelle ça le business plan, le projet d'entreprise en bon français. Aujourd'hui, ce n'est pas chaque entreprise qui doit en changer pour s'adapter aux nouvelles exigences, mais la société toute entière.

En ces périodes difficiles, permettez-moi pour une fois d’être manichéen et d’opposer deux attitudes contrastées.

Il s’agit toujours d’illustrer le développement durable, d’en donner un aperçu qui stimule l’imagination et donne envie de tenter l’aventure. Parlons de business plan, de projet d’entreprise, de vision d’avenir.

A ma droite, Pierre, entrepreneur. 52 ans, 85 kilos et de nombreux titres, c'est-à-dire des diplômes dans ce cas précis, pour entrer dans un univers de compétition. Un athlète accompli, qui a l’estime de ses pairs. Un battant qui affronte l’adversité sans état d’âme. La concurrence internationale, les nouvelles techniques, pas de problème. Je resserre les boulons, je regroupe, je délocalise, j’accélère les cadences, je dégraisse pour ne garder que « le muscle » de l’entreprise, et je fonce. Tout à la force du poignet, une affaire de volonté. Scrogneugneu pourrais-je ajouter, si je ne craignais pas que vous m’accusiez de partialité. Ça, c’est un business plan de combat, je ne change pas d’objectif, je reste sur ma ligne, je ferai plier l’adversité et on verra bien qui s’en sortira.

A ma gauche, Paul, également entrepreneur. Même âge, même poids, et aussi de nombreux titres. Un match équilibré, mais deux styles contrastés. Peut-être une affaire de jeu de jambes ou de vivacité… Les difficultés croissantes de l’époque stimulent son imagination. Comment mes compétences, ma culture d’entreprise, mon histoire et mes réseaux, mon capital dans toutes ses dimensions, humain, technique ou immobilier, peuvent-ils être valorisés dans ce monde qui change ? C’est un nouveau business plan qu’il me faut imaginer, adapté au nouveau paysage.

Nouvelle version du chêne et du roseau, cette confrontation met en scène un esprit fort, qui veut résister et imposer son modèle quitte à perdre son âme, et un autre esprit fort, qui observe les changements et cherche à s’y adapter en préservant ce qui fait son identité.

Le premier n’hésite pas à se vêtir du manteau de la modernité, vantant l’esprit d’entrepreneur qui affronte les grandes tempêtes sans perdre le cap. Il vitupère contre toutes les contraintes, tous les freins qui l’empêche de gouverner à sa guise, ces règlements imposés par des technocrates qui ne connaissent rien à l’entreprise. Il rappelle à qui veut l’entendre que nos parents ne vivaient pas avec tant de confort, qu’ils travaillaient bien plus que nous, qu’ils se levaient tôt et ne se plaignaient pas.
Le second s’apprête à franchir des obstacles inconnus jusqu’à présent, il va explorer des nouveaux avenirs possibles. Il prend acte des nouvelles exigences de la société, grands équilibres planétaires comme des exigences de solidarité de proximité, avec les handicapés par exemple. Une nouvelle donne, un nouveau business plan, d’autres objectifs et l’acceptation de vivre des « ruptures », des changements radicaux, des partenariats inédits, la valorisation demain de ce qui n’était hier qu’un sous-produit, voire un déchet, l’anoblissement de filières qui n’étaient que de misérables roturières.

Ce face-à-face est bien sûr caricatural, et même grossier. Ce n’est qu’un artifice pour mettre en évidence des tendances qui s’affrontent au sein de chacun de nous. Les deux attitudes coexistent inévitablement, et sont des tentatives de réponses qui comportent l’une et l’autre sa part de risque. Vous aurez compris malgré tout que l’une d’elle prépare l’avenir, même avec des incertitudes, alors que l’autre est tournée vers le passé dans une ultime tentative, désespérée, de le faire perdurer. L’avenir est forcément une aventure. Nous savons aujourd’hui qu’il n’est pas le prolongement du passé.

Le pire serait de laisser chacun se débrouiller face à ces incertitudes. La vague de suicides que nous observons actuellement en France et notamment dans certaines entreprises, est peut-être un symptôme de ce désarroi qui saisit de nombreux décideurs, cadres ou dirigeants d’entreprise. Imaginer le futur se fait mieux à plusieurs qu’isolément. Comme hier les Commission du Plan, le processus du Grenelle de l’environnement, depuis étendu à d’autres domaines, est devenu un laboratoire où s’expérimente de nouvelles manières d’explorer le futur, et de se donner un cadre rénové où chacun, dans ses responsabilités, pourra adapter son business plan. Il ne s’agit plus de resserrer les boulons, d’approfondir et d’améliorer des techniques éprouvées, mais d’imaginer un nouvel avenir, avec des ruptures technologiques et de l’innovation sociale. La marche forcée vers les bâtiments à énergie positive est une bonne illustration de l’effort collectif qui est engagé.

La concurrence des pays émergents s’exerce de plus en plus, au moment où les limites de la planète se font plus proches. La vieille industrie tout comme l’informatique trouvent de nouveaux eldorados loin de chez nous, et dans des conditions telles que toute recherche de rattrapage est impossible. L’erreur serait de vouloir entrer en compétition avec eux, une double erreur. D’une part, du fait de l’écart des coûts de production, et d’autre part, parce que ce modèle de développement brille ses derniers feux. Les limites de la planète se feront vite sentir. La Chine, par exemple, le sait bien qui suit deux pistes opposées, le rattrapage de l’occident d’une part, avec tous ses excès, et l’investissement massif ans les énergies renouvelables et les « Villes durables ».

C’est la responsabilité de nos générations de changer le cap. Le business plan de la croissance matérielle arrive à son terme, la croissance par expansion du système est terminée. Il faut trouver le cadre favorable à l’émergence d’une nouvelle forme de croissance, un nouveau business plan.
Un business plan non plus d’entreprise, mais de société.

Chronique publiée sur le Moniblog le 1er novembre 2009, revue le 27 mai 2010.

 

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