Skip to main content

Politique

Trou

L’expression populaire « on est au fond du trou, et on creuse encore » montre la difficulté de changer de mentalité, même si celle-ci montre des signes évidents de faiblesse. Comment sortir du trou durablement ?

Il semble que celui de la couche d’ozone soit stabilisé, et qu’un espoir soit permis de ce côté-là. Réjouissons-nous, mais d’autres trous nous préoccupent, dans l’esprit « nous sommes au fond du trou, et nous creusons encore ».

Les évènements politiques, le chômage, la dette publique, de nombreux voyants sont au rouge, et nous tentons « d’inverser la courbe » avec les mêmes recettes que celles qui nous ont mis « au fond du trou », ignorant ainsi l’enseignement d’Albert Einstein. Les fausses évidences, les certitudes infondées sont légion. Elles nous aveuglent et nous empêchent de trouver des solutions durables. En voici quelques-unes, dont nous devrions nous défaire pour construire le monde de demain.

La fascination de la taille. Plus grand est toujours mieux, plus fort. C’est cette logique qui conduit à faire des grandes régions, des super ministères et des directions générales, et à penser, dans les affaires économiques, au travers du prisme des grandes entreprises, « fleurons de notre industrie », au détriment des PME. Si la taille était la clé du succès, nous aurions du souci à se faire, nous qui représentons à peine 1% de la population mondiale. L’ère n’est plus aux grandes unités, mais aux unités pertinentes, inventives, reliées aux autres par des réseaux. Des unités où chacun se sent à l’aise, et a envie de s’éclater, et d’apporter le meilleur de lui-même. L’important n’est pas la taille, mais la personnalité, le caractère, la culture, et les liens avec une multitude d’acteurs eux-mêmes créatifs et réactifs. La fascination des « grands » nous amène vouloir les imiter à tout prix, pour « jouer dans la cour des grands ». Une imitation doublement perdante : nous resterons petits malgré tout, et nous perdons ce qui fait notre identité, ce qui a produit le rayonnement de notre culture.

La magie du chef. Il faut un chef, qui donne la direction, ou un sauveur, homme providentiel, « grand homme ». Un commandement fort, face aux « gaulois » que nous sommes, incapables de nous mettre d’accord. C’est tout le contraire dont nous avons besoin, une organisation qui, loin de vouloir réduire cette propension au désordre, soit capable de la valoriser. Il nous faut aujourd’hui imaginer des futurs originaux, et la discipline autour d’un chef n’est pas la meilleure manière d’y parvenir. Il s’agit non pas d’apporter à la société un modèle à suivre, si attractif qu’il puisse être, mais de stimuler la société, de la mettre en situation de produire elle-même ces nouveaux modèles. Une gouvernance pour faire émerger des réponses du plus profond de notre culture, de notre génie, et non pour imposer les solutions d’en haut.

Dans la même logique, le mythe de l’Etat protecteur, nouvel avatar de l’Etat providence. Bien sûr, l’Etat doit garantir la sécurité et la solidarité, entre les nations et entre les citoyens, mais ce n’est qu’une partie de ses missions. Pour tenter un parallèle osé, le filet tendu sous les acrobates est nécessaire mais ce n’est pas la raison d’être du cirque. Ce dernier doit fournir un spectacle qui enthousiasme les spectateurs. L’Etat doit aussi susciter de l’envie, de l’envie de participer à la vie collective. La mise en avant du côté protecteur, loin de libérer les énergies, met les dangers en évidence et pousse au repli sur soi. C’est d’un « coach » dont la société a besoin, pour qu’elle sorte d’elle-même et parvienne à se dépasser. Un Etat « entraineur », pour parler français.

Un entraîneur qui valorise tous les joueurs de l’équipe. Les retraités ont tôt fait d’être considérés comme improductifs, pour ne pas parler d’une « charge » pour les actifs. Un potentiel important est ainsi négligé, alors que de nombreux besoins de sont pas satisfaits dans notre pays. Comment tirer parti de cette masse de personnes à la fois âgées et pleines de potentiel ? Certainement pas en prolongeant l’âge « actif » officiel, avec ses règles du jeu rigides, et sans perspectives pour les séniors. L’idée que les vieux sont inutiles est insupportable, aussi bien pour eux-mêmes que pour la société, et elle le sera de plus en plus au fur et à mesure que le vieillissement, inéluctable, progressera. Trouver de nouveaux modes d’intégration des vieux à la production de richesses, en ou hors marché, est une exigence incontournable, à l’encontre des schémas dominants.

Un vieillissement inéluctable si on réduit l’immigration. Celle-ci n’est pas un frein au développement, mais un moteur, à condition de l’accepter et de s’y préparer. Un jeune adulte qui arrive chez nous en cherchant un travail est une aubaine, et la formation complémentaire dont il a besoin pour s’intégrer coûte infiniment moins cher que la prise en charge d’un nouveau-né, son éducation et sa formation professionnelle jusqu’à son âge adulte. La natalité pour rajeunir notre population est un leurre qui coûte cher. Un leurre car on ne voit pas comment la stabilisation de la population mondiale pourrait, comme le nuage de Tchernobyl, s’arrêter à nos frontières. Mais l’immigration réussie n’est pas chose facile, il faut la préparer et s’en donner les moyens, c’est à dire en premier lieu en accepter l’idée. Les migrations climatiques viendront s’ajouter à celles que nous connaissons, pour causes économiques ou politiques (les deux étant souvent liées) et aucun mur ne saura endiguer ce flux.

Voici donc quelques pistes pour tenter de combler le trou sous nos pieds, au lieu de continuer à creuser. Nous ne sommes pas obligés de faire nous-mêmes notre malheur.

 

 

 

  • Vues : 2416

Ajouter un Commentaire

Enregistrer