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Politique

Ministère

Le développement durable est par nature universel : il touche à tout. Comment le prendre en charge dans une configuration ministérielle ?


Le ministère de l'Environnement a été qualifié par son premier titulaire de ministère de l'impossible. Que dire alors du ministère du développement durable ?



La composition du nouveau gouvernement, Fillon 3, a provoqué des débats sur la meilleure manière d’intégrer le développement durable à l’action gouvernementale. Les partisans de grand ministère ont été déçus et l’on fait savoir.
L’énergie et la mer (1) semblent avoir quitté le navire du développement durable, confiné si on ose dire à l’Environnement, aux transports, à l’urbanisme et la construction. Le réchauffement climatique restera toutefois dans le giron du nouveau ministère, qui conduira les négociations internationales sur le sujet. On le voit, les problèmes de frontières, les enclaves, les revendications territoriales sont toujours bien présents, signe de la complexité de la question.
Une première option a été évacuée depuis longtemps. Evoquons-la pour fixer le cadre. Un ministère dédié exclusivement au développement durable, formule qui n’a jamais existé à moins de confondre environnement et développement durable, ce qui serait une erreur manifeste. Un ministère qui pourrait être petit par la taille, mais fort par sa place politique, aux côtés du Dieu le Père, type Vice Premier ministre cher à Nicolas Hulot. Un ministère chargé d’orienter le travail des autres, chacun restant responsable de ses actes. Un ministère qui distribuerait des quotas de CO2 ou de biodiversité, comme celui du budget distribue des crédits.
La formule choisie en début de quinquennat est différente. Elle assure l’autorité du ministre du développement durable en lui donnant en outre la responsabilité d’un large secteur technique. Le ministre assure la promotion du développement durable dans ses propres services, et tente de convaincre ses collègues d’en faire autant dans les autres domaines. Deux manières de faire bien différentes. L’agriculture, l’éducation et la santé par exemple, pourtant bien concernés par le développement durable, constituent un front extérieur pour le ministre du développement durable, contrairement aux transports sur lesquels il exerce directement son autorité. Un régime à deux vitesses qui traduit la volonté de faire évoluer tout particulièrement telle administration considérée comme prioritaire. La priorité accordée à l’effet de serre justifie que l’on mette sous contrôle direct du développement durable les secteurs d’activité les plus gros contributeurs. 
Les risques de cette configuration, qui ont été soulignés à plusieurs reprises par les associations, sont de deux ordres : tout d’alors, que les autres secteurs se sentent exonérés de tout effort ; ensuite que les secteurs rattachés au développement durable ne soient en définitive plus puissants que le développement durable. Celui-ci, au lieu d’influencer autour de lui et d’enrichir les autres, se diluerait dans un vaste ensemble, et finirait par se perdre. Deux risques bien réels, auxquels seule la volonté des responsables politiques apporte une réponse. 
Le rattachement de l’énergie au ministère du développement durable était une nouveauté intéressante. Ce que l’on appelle habituellement le ministère de l’énergie est en fait celui de la production et de la distribution d’énergie. Celui de la consommation est celui de la construction et des transports, domaines qui consomment les deux-tiers de l’énergie dans un pays comme le nôtre. 45% de notre énergie est consommée dans des bâtiments. Rapprocher les deux volets, production et consommation, les mettre sous l’autorité d’un même ministre, favorisait l’émergence de nouvelles relations entre production et consommation. Le concept de maison à énergie positive illustre cette nouvelle approche. La recherche de l’efficacité dans l’utilisation des nos ressources naturelles passe par ce changement de posture. Fini la séparation stricte entre production et consommation, nous sommes tous à la fois producteur et consommateur dans un souci d’efficacité maximum. Il serait intéressant qu’un bilan du rapprochement énergie/transports/construction soit établi, de manière à voir si toutes les opportunités de cette configuration ont bien été exploitées.
Dans un autre domaine, ce lien producteur-consommateur est reconnu dans le libellé d’un ministère, celui de l’agriculture qui s’est vu depuis lontemps confier l’alimentation.  La production et la consommation sont ainsi sous la même tutelle. Comme rien n’est parfait en ce bas monde, cette configuration peut faire craindre un assujettissement de l’alimentation à la production. Dans un ministère cogéré avec la profession, jadis surnommé ministère des agriculteurs, avec une forte dimension électoraliste, le lobby des exploitants agricoles est bien mieux organisé que celui des consommateurs. Il revient au politique et à l’administration de maintenir l’équilibre.
Ce rôle d’arbitre est souvent délicat à tenir, surtout quand toute l’énergie d’un pays est mobilisée sur la croissance. On l’a vu dans bien des domaines, où l’Etat est apparu plus soucieux de l’activité que des effets collatéraux de ladite activité. Si la direction de l’aviation civile s’était montrée plus soucieuse des nuisances subies par les riverains, il n’aurait pas été nécessaire de créer une « autorité » indépendante pour régler les conflits. Idem pour l’énergie et la communication, où les sociétés historiques de production étaient propriété de l’Etat, qui était à la fois producteur et régulateur, deux fonctions qui coexistent difficilement. La multiplication des autorités indépendantes, souvent critiquée, n’est que la conséquence de défaillances des ministères.
La configuration administrative et les contours des ministères ont une forte valeur symbolique. Elles traduisent des priorités, orientent les modes de prise de décision, facilitent ou non des rapprochements et des joint ventures. Mais le choix des personnes et l’influence qu’elles exercent dans les équilibres ministériels est tout aussi important. Il n’y a pas de configuration parfaite, des dérives potentielles peuvent être pointées dans tous les cas de figure. Plutôt que le sur le découpage ministériel, c’est sur les objectifs, la feuille de route comme on dit maintenant, qu’il faut porter l’attention, et sur les moyens dégagés pour les atteindre.

1 - Du moins dans le libellé

publié moniblog le 21 novembre 2010

 

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