Gouvernement
Haro sur le gouvernement. C’est un peu facile, mais pas toujours infondé. Du fait de la place de l’Etat dans notre pays, bien éloigné de ce que dont nous avons besoin pour aller vers le développement durable.
Que fait le gouvernement ! L’exaspération s’exprime souvent face à un immobilisme supposé, ou des décisions controversées. Le gouvernement est chargé de tous les péchés du monde. Rien de surprenant, tellement les discours politiques et le relai que leur apportent les medias ramènent toute notre vie, personnelle ou professionnelle, la santé et le travail, à des décisions du gouvernement.
L’idée selon laquelle c’est à la société de trouver les solutions et non à l’Etat a du mal à percer dans notre pays. Les réactions aux transformations profondes du monde ne peuvent être confinées, réservées à la sphère gouvernementale. C’est toute la société qui doit être mobilisée. Mais il se trouve que ça arrange tout le monde de laisser croire que la mutation que nous devons entreprendre doit être conduite par le gouvernement. Ce dernier, parce que ça lui donne du prestige et du pouvoir, au moins en apparence, et les acteurs économiques et sociaux parce que ça les dédouane des échecs qui ne manqueront pas d’arriver. On n’explore pas un avenir totalement inédit, en rupture avec les tendances du passé, sans se tromper ici et là.
Le gouvernement a été pendant longtemps la traduction opérationnelle de l’Etat Providence, avant de devenir celle de l’Etat protecteur. Nous finissons par attendre de l’Etat les réponses à tous les problèmes que nous rencontrons. Nous le rendons par ricochet responsable de tout ce qui ne va pas bien. La crise que nous traversons aujourd’hui est en partie due à des erreurs de stratégie industrielle. Trouver le bon positionnement, les bons produits à vendre à travers le monde, n’est pas tant une affaire d’Etat que d’entreprises. L’Etat peut y aider, mais ce n’est pas lui qui produit, ni qui exporte.
En France, l’Etat a été pendant longtemps, et demeure en partie, un opérateur économique, et pas un simple régulateur. Il est actionnaire de nombreuses sociétés commerciales, et il lui est arrivé de privilégier cet aspect au détriment de son rôle d’intérêt général. L’Etat ne se contente pas de fixer les règles du jeu et de les faire respecter. Il joue sans complexe. La connivence de fait, qui existe en France, entre les grands commis de l’Etat et les dirigeants des grandes entreprises n’arrange pas les choses. Le prisme d’observation et par suite de prise de décision du Gouvernement est fortement marqué par les grandes entreprises, avec une vision « top down » de l’économie. La créativité n’est pas l’apanage des grandes maisons, plus « responsables » et peu enclines à la prise de risque. Les « petits », les « Start up », sont à la merci des grandes sociétés, qui rachètent les brevets en fonction de leurs intérêts plus que pour leur ouvrir des débouchés. Ajoutez à cela les facilités d’optimisations fiscales réservées aux grandes entreprises, et qui font de facto porter la charge par les petites et moyennes entreprises, les plus innovantes, et vous ne sous étonnerez pas le la révolte des pigeons.
Rappelez-vous cette phrase célèbre de JF Kennedy, « Ne vous demandez pas ce que l’Amérique peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour l’Amérique ». Elle résume l’enjeu d’un Gouvernement. Donner envie aux citoyens et aux entreprises de participer à une aventure commune, au lieu d’attendre des solutions toutes faites. La recherche d’un avenir original est une aventure passionnante, à laquelle l’Etat doit associer l’ensemble de société. Ce ne peut être l’affaire de technocrates, de spécialistes qui seraient les seuls à détenir la vérité. Ce malentendu se retourne aujourd’hui contre l’Etat. Quel que soit le Gouvernement, il est attendu comme le Messie, on cherche l’homme providentiel à mettre à sa tête, qui apporterait toutes les solutions. L’inévitable déception qui en résulte ne fait que creuser le fossé entre l’Etat et la société, alors qu’au contraire, il faut apporter plus de fluidité et de spontanéité dans leurs échanges.
C’est une révolution culturelle dont a besoin l’Etat. Abandonner l’idée qu’il est le seul porteur de légitimité, que tout dépend de lui. L’inciter à écouter la société, à repérer les courants porteurs, à mettre en lien différents modes de pensée, à confronter des expériences, plutôt qu’à rester « en retard d’une guerre », arcboutée sur des principes désuets. L’Etat consulte souvent, avec des comités de toutes natures dont la prolifération a fait l’objet d’interrogations. Mais il consulte pour picorer des idées, dans des cadres bien établis et contrôlés. Les anciennes commissions du Plan, disparues avec le Commissariat du même nom, permettaient d’échanger, de se connaitre, et de faire des propositions, mais leur dénomination, le simple mot « Plan », les a condamnées. On les retrouve sur des thèmes, avec notamment le principe de la « gouvernance à 5 » du Grenelle de l’Environnement. Hors de ces exceptions limitées, l’Etat reste sur son Olympe, au-dessus des simples mortels. Une position intenable, qui le fragilise et donne libre cours aux dérives populistes, tout en décourageant les initiatives et l’innovation.
L’Etat et le gouvernement ont à leur tête des « chefs ». On aurait préféré des entraineurs, dont le rôle est de faire donner à une équipe, la société dans son ensemble, le meilleur d’elle-même.
Chronique mise en ligne le 3 novembre 2013
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