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Politique

Force

La surprise est la force des faibles. Elle est l’arme privilégiée des terroristes de tous poils, qui permet à une toute petite minorité d’imposer sa présence bien au-delà de ce qu’elle représente. La « bonne gouvernance » constitutive du développement durable peut-elle maîtriser cette force d’une nature si particulière ?

« Vous ne connaissez ni le jour ni l’heure ». L’effet de surprise  pour palier la faiblesse des moyens. Vieille stratégie, qui a pu prendre des formes diverses comme la guérilla, qui se trouve aujourd’hui couplée à un appel aux volontaires, mobilisé sous la forme de l’allégeance à une autorité, sans même qu’il y ait à établir de lien matériel. La surprise vient également du mode opératoire, de l’attaque au couteau ici à la projection d’un camion de 18 tonnes ailleurs. Des armes qui restent dérisoires, dans l’absolu, face à la puissance des armées traditionnelles, dotées de l’arme nucléaire, de sous-marins et de porte-avions, d’avions « rafale », etc. La force des faibles est de créer le doute, de diviser, de semer la suspicion, de miner l’adversaire de l’intérieur, si possible avec ses propres forces.
Parmi ces forces, la communication. Nos sociétés sont irriguées de nombreux systèmes d’information, des medias traditionnels aux réseaux sociaux, en passant par les satellites qui créent toutes sortes de communautés, les meilleures et les pires. La force des faibles est de mobiliser à leur profit cet ensemble de moyens, pour diffuser leurs idées et recruter de nouveaux adeptes, dans la perspective d’un boule de neige et de l’obtention à terme d’une « masse critique » pour passer à d’autres modes d’action. 
Tout le monde connaît cette stratégie, dont le sentiment de peur est le ressort essentiel. Mais tout le monde concoure à son succès, ne sachant pas comment faire pour échapper à cette logique implacable. La concurrence entre medias amène chacun d’entre eux à surdimensionner sa couverture des évènements. La compétition électorale conduit les acteurs politiques à alimenter une escalade sans fin. Tout cela est du bon pain pour les instigateurs des attentats qui envahissent nos cerveaux, deviennent le centre de nos préoccupations quotidiennes, et nous amènent à adapter nos institutions à leurs modes opératoires. Une situation qui relève du vertige : Tout le monde voit le danger, mais tout le monde l’alimente, lui donne plus de présence et de force.
Comment lutter contre cette forme d’agression ? A défaut de réponse à cette question, le développement durable propose un état d’esprit, une attitude pour faire face au problème.
Celui-ci comporte deux aspects, la sécurité immédiate, et l’endiguement du phénomène, l’élimination de ses causes. Lutter à la fois contre les symptômes et les sources du mal, en évitant qu’un aspect ne desserve l’autre. Le souci de résultats instantanés, parfaitement légitime, ne doit pas rendre impossible l’éradication des origines du problème, et réciproquement. C’est un défi à relever, et qui doit être pris comme tel.
Plusieurs lignes de conduite « durables » peuvent être mentionnées, sans nier pour autant la difficulté de leur mise en pratique. L’empirisme et les grands principes doivent se conjuguer, ici plus encore qu’en période courante.
- Adopter l’idée que les réponses traditionnelles ne fonctionneront pas. Il faut innover, entrer dans la logique de l’adversaire, l’analyser pour en connaître les méandres et voir comment y inscrire des « surprises » qui casseront sa dynamique. La multiplication et le renforcement des moyens habituels pourront rassurer la population, mais les possibilités d’agression sont si nombreuses que ces efforts seront facilement contournés. Les portiques sur les quais des TGV ne protégeront pas les banlieusards de St Lazare, pour ne prendre qu’un exemple. Cette préconisation, surement déjà mise en œuvre, n’est pas évidente à « vendre », car elle ne donne pas de certitude de résultats. Elle est bien « durable », en ce sens que l’avenir n’est pas écrit, qu’il faut l’inventer, et que l’important est de créer une dynamique de l’innovation. Comment créer une dynamique de la résilience de la société face à ces attaques ? Un beau sujet de réflexion pour nos dirigeants et « faiseurs d’opinion ».
- Pour nos dirigeants politiques, justement, éviter de tomber dans le piège de la division. Chacun aura ses idées sur la question, mais faire du terrorisme un thème de lutte politicienne est une erreur qui fait en premier lieu l’affaire des terroristes. L’approche d’élections crée bien sûr un contexte favorable aux polémiques, et ce sera l’honneur de la classe politique d’éviter de se déchirer à propos du terrorisme et de contribuer à diviser la société. Il semble d’ailleurs que l’opinion l’ait bien compris, et que les surenchères en ce domaine soient contreproductives pour les partis dits « de gouvernement ». le débat sur les peurs ne sert que les extrêmes.
- Offrir des perspectives. Le « martyr » est une perspective proposée à des jeunes marqués par le sentiment d’avoir raté leur vie. Ils trouvent ainsi une occasion de lui donner un sens, même aux confins de l’absurde. Ce sont le cynisme de la société actuelle où la compétition est portée aux nues, le sentiment que notre avenir nous échappe, la perte de foi dans le progrès, et le désarroi qui résulte de ce sentiment d’abandon et de solitude, qui ouvre des boulevards aux prêcheurs de toutes obédiences. Comment recréer très vite un sentiment partagé de confiance en l’avenir, comment créer les conditions d’une recherche collective de lendemains meilleurs que le présent, telles sont les perspectives à ouvrir au plus vite. L’élection présidentielle, le Brexit, sont deux occasions de renouveler le débat politique. C’est sur ces thèmes qu’il faut échanger et provoquer un vaste dialogue. C’est là que le politique se situe aujourd’hui. Il peut à la fois renforcer la société française et couper (un peu) d’herbe sous le pied des prêcheurs de guerre. Qui prendra l’initiative de ce renouveau ?
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