Robot
La productivité du travail est un paramètre souvent oublié dans les débats sur la retraite. La montée en puissance des robots de toutes natures change profondément les perspectives.
Les robots de toutes natures ont envahi notre société. Et ce n’est qu’un début. Ce ne sont pas des humanoïdes, avec une tête, des pattes et des bras, ce sont les innombrables objets sophistiqués qui remplacent les êtres humains pour faire la vaisselle ou peindre une voiture. Dans le secteur économique, ils se sont développés dans la sphère technique, où ils prennent la place de « cols bleus ». La productivité du travail en a été fortement accrue. Ils se sont étendus progressivement à la vie domestique, et occupent une place croissante dans l’environnement des japonais, population vieillissante pour laquelle l’assistance aux personnes est un enjeu majeur. Les robots vont nous assister de plus en plus pour les multiples tâches que nous devons effectuer régulièrement.
Leur prochain terrain d’expansion est le secteur tertiaire. Les cols blancs vont à leur tour bénéficier de la compétence et de la disponibilité des robots. Ceux-ci deviennent intelligents et connectés en continu à des sources d’information auxquelles aucun humain ne pourrait avoir recours instantanément. Le secteur de la santé, des analyses médicales, est déjà affecté, tout comme celui de la formation, pour ne prendre que deux exemples.
Les robots vont changer la donne. Ils ont vidé les champs, puis les usines, et maintenant, c’est le tour des bureaux et des labos. Notre relation au travail est évidemment durement affectée par cette évolution, comme en témoigne le titre d’un ouvrage de Dominique Méda, « Le travail, une valeur en voie de disparition (1) ». Il existe une longue tradition de penseurs sur une société sans travail(2), position délicate à tenir en période de fort chômage avec les drames humains qui en résultent. Elle reprend de la vigueur depuis une vingtaine d’années, notamment avec Jeremy Rifkin (3) et Dominique Méda, qui dans un article récent nous informe que certains chercheurs du MIT voient déjà « la fin du travail », tandis que d’autres, d’Oxford, voient une chute de près de moitié des emplois en Amérique d’ici quelques décennies (4).
Tout ça, c’est la faute aux robots. Joël de Rosnay n’est pas le dernier à décrire une société où les « matériaux intelligents » occuperont une place déterminante. « L’avènement des matériaux intelligents, nés au début des années 80 de travaux menés principalement aux États-Unis dans le domaine de l'aérospatiale, concernent aujourd’hui tous les secteurs d’activités. (…) Les matériaux intelligents sont intégrés dans de véritables machines, dans des processeurs ou des mémoires. On les appelle MEMS (microelectromecanical systems). Ce sont des usines à l'échelle miniature capables de synthétiser des structures complexes, de séparer des molécules, de procéder à la catalyse de processus variés. (5) ». Il nous parle aussi des « populations de microrobots, qui effectueront des travaux de dépollution, de collecte, d'extraction, de construction, d'assemblage, de démontage (6) ». Des propos déjà anciens, mais qui se transforment progressivement en réalité.
L’Homme se verra ainsi délivré de l’obligation de travailler pour de nombreuses tâches. L’organisation de nos sociétés, fondée sur le travail, est à revoir de fond en comble. Les questions de la retraite et du chômage, qui nous préoccupent tant aujourd’hui, se poseront très vite de manière totalement nouvelle. Que faire du temps libéré ? Et comment remplir les autres fonctions que le travail remplissait, de lien social et de répartition des revenus notamment ?
Telles sont les interpellations que les robots nous lancent dès aujourd’hui. Des questions que les « révolutions technologiques » ont déjà posées à l’humanité, mais qui se présentent à une époque où la fuite en avant, vers toujours plus de production, semble interdite. Nous sommes arrivés aux limites de la planète, des réponses originales doivent être apportées. C’est vers le champ de l’immatériel qu’il faut se diriger. Au cours des siècles, la culture et la création artistique ont pu se développer grâce aux gains de productivité obtenus. Une piste à explorer sans modération. Merci les robots !
1 - Aux éditions Alto-Aubier, 1995
2 - Citons notamment, dans l’époque « moderne », « Travailler deux heures par jour », du collectif ADRET, aux éditions du Seuil, 1979
3 - Apôtre de la « troisième révolution industrielle » (Editions les liens qui libèrent, 2012) et, dès 1997, auteur de « La fin du travail » (Editions La découverte)
4 - Le Monde du 14-15 décembre 2014, « Mettre la question écologique au service de l’emploi », p.7
5 - « Les matériaux intelligents », Intervention de Joël de Rosnay à la Conférence Université de tous les savoirs, (CNAM), 4 Octobre 2000
6 - « Biologie et Informatique : Les perspectives de la Biotique ». Intervention de Joël de Rosnay à la Conférence Euroforum de la Cité des Sciences et de l'Industrie - Paris, 28 novembre 1995
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