Pompes
Encore un mot aux significations multiples. Parle-t-on des pompes, synonymes de fastes, dont les plus célèbres sont celles de Satan au baptême, et les funèbres à l'enterrement. Ou encore des machines qui permettent de gonfler les pneus des vélos, ou à puiser l'eau au fond d'un puits. Choisissons la référence tirée de l'argot : des chaussures. Que dire des chaussures, des pompes, au titre du développement durable ?
Quand on achète des chaussures, on imagine qu'elles ont été fabriquées par des ouvriers syndiqués dans une des capitales de la chaussure française, comme Romans dans le département de la Drôme, ou par des enfants de quelque pays lointain, entraînés dès leur plus jeune âge dans de véritables « travaux forcés ». On sait qu’on participe à des échanges, à des flux économiques : il y a des groupes en concurrence, des guerres économiques, des absorbions, des petits détaillants et leurs relations avec les fabricants et les intermédiaires. La marge est-elle équitablement répartie, y a-t-il des dominants et des victimes, des otages ? Et bien sûr ces chaussures sont fabriquées avec des matières travaillées dans le respect ou non de l’environnement : d'où viennent les matières premières, ressources fossiles ou renouvelables ? le cuir fait référence à l’élevage, au mode d’exploitation agricole, au paysage, etc. Dans quelles usines sont-elles transformées, combien de kilomètres la chaussure parcoure-t-elle avant de chausser le pied auquel elle est destinée ?
Un objet aussi simple qu'une chaussure provoque un questionnement sur une série de sujets, d'ordres très différents. On sent bien qu'une bonne réponse à une question ne peut dispenser d'une réflexion sur les autres : accepterait-on le travail des enfants au motif que les produits travaillés seraient naturels ? Ou bien que l'usine qui traite le cuir serait autorisée à polluer sans vergogne si son personnel est bien traité ?
Les différentes approches sont complémentaires, aucune ne se substitue aux autres. Le développement durable conduit à prendre en compte l'ensemble de ces questions. Il peut y avoir beaucoup de questions de ce type, et par commodité on les regroupe souvent en trois familles, les questions d'ordre social, celles qui relèvent de l'économie, et enfin celle qui concernent l'environnement. On parle souvent des trois « piliers » du développement durable. Mais attention, ce n'est qu'une commodité, et certains voudraient que l'on distingue d'autres « piliers » comme la culture. Pourquoi seulement la culture ? La santé est-elle incluse dans le social, ou celui-ci est-il limité à l'équité ? On devra peut-être ainsi ajouter la santé, et puis bien d'autres choses encore. Je propose que l'on s'en tienne à trois, c'est déjà assez compliqué comme ça.
Il s’agit en fait d’une grille de lecture, qui permet de voir le monde de manière plus complète et plus structurée, et d’en déduire des orientations, des critères de choix pour tous les actes de la vie, exceptionnels ou quotidiens.
Retenir trois dimensions relève à l’évidence d’une commodité pour l’action. C’est l’universalité des composantes de la vie qui est en jeu. On pourrait dire aussi qu’il s’agit de l’Homme, de sa dignité, de son intégrité physique et morale (volet social), de ses activités, de ses échanges (volet économique), et de son patrimoine, culturel et naturel (volet environnement). Peu importe la définition, l’essentiel est de comprendre qu’il s’agit de prendre en considérations toutes les facettes d’une action donnée, dans leur diversité. C'est accepter une évidence : que le monde est complexe.
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