Pareil
Les élections européennes auront lieu dans une petite année. Une occasion de reprendre la réflexion sur le sens de l’Europe dans la perspective du développement durable.
Ah si tous les européens étaient comme les allemands, il n’y aurait plus de problème. Nous entendons souvent ce message, qui désigne un modèle, et affirme la nécessité de s’y conformer. Tous pareils ! S’il n’y avait que de bons élèves dans une classe, elle pourrait progresser beaucoup plus vite qu’en trainant les derniers. Avec de tels raisonnements, nous nous orientons vers un monde « parfait », mais condamné à brève échéance. Les grands leaders de notre société ont souvent été de mauvais élèves. Mauvais, au filtre de certains critères, mais sans doute excellents avec d’autres, puisqu’ils exercent malgré tout une grande influence.
Les Qualités transmises par l’Ecole sont importantes, mais elles ne peuvent couvrir tout le champ de la vie réelle, et elles sont plus orientées vers le Passé, d’où elles tirent leur légitimité, que vers le futur, surtout en une période comme la nôtre. Nous vivons la Fin d’une époque, celle de l’énergie facile et des ressources naturelles abondantes, d’un monde « infini », et entrons dans l’inconnu d’un nouveau monde à construire, « fini », sur des bases à imaginer.
Les qualités nécessaires pour aborder cette phase de la vie de l’humanité ne sont pas connues, et il vaut mieux parier sur la diversité que sur telle ou telle vertu. De même que la biodiversité est « l’assurance vie » de l’humanité, la diversité des caractères et des talents est un atout pour entrer dans le 21e siècle.
C’est la chance de l’Europe de disposer d’une grande variété de cultures, et de leur offrir un vaste espace d’échanges et de confrontations. L’esprit de la « France des 400 fromages » doit souffler sur le continent et irriguer ses institutions. L’enjeu est donc de surmonter la contradiction, comme souvent en matière de développement durable : cultiver la diversité et créer un territoire étendu où cette diversité s’exprime largement, au lieu de rester confinée à de petites nations jalouses de leurs prérogatives.
La tentation du « tous pareils » est forte. Je ne veux voir qu’une seule tête, voilà qui est simple, et devrait être plus facile à gouverner. A l’heure des « super puissances », il faut un ensemble solide et compact, homogène, pour faire face à l’adversité. D’ailleurs la France des 400 fromages est ingouvernable, c’est bien connu. Alors comment faire avec une Europe alliant des cultures nordiques, anglo-saxonnes, orientales, méditerranéennes, latines, atlantiques, héritières des celtes et des maures, des ostrogoths et des huns, et de bien d’autres origines anciennes, auxquelles il faut ajouter des plus récentes, en provenance d’Afrique ou d’Asie ?
La complexité s’oppose à « tous pareils ». La maitrise de la complexité est la voie du développement durable, qui permet de trouver des solutions originales, à chaque fois « sur mesure », adaptées à chaque situation au lieu d’imposer une solution unique, commode et économique à court terme mais souvent brutale et appauvrissante dans la durée. La complexité va sans doute à l’encontre de vieilles habitudes de facilité, de « massification ». Comme les gros ordinateurs qui ont permis d’immenses progrès mais qui sont aujourd’hui dépassés par le développement du « micro » et les réseaux qui relient une infinité de petites unités. Il faut retrouver le goût de la différence, de la diversité, et apprendre à valoriser cette complexité au lieu de la réduire à tout prix.
L’Europe offre une magnifique occasion de reprendre cette orientation, un temps délaissée. A la fois unie et diverse, un beau challenge !
Chronique mise en ligne le 22 juillet 2013
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