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Organisations sociales

Goulot

Contrairement à celui de la dive bouteille, le goulot d’étranglement se révèle souvent un ennemi implacable. Il se présente dans de nombreux domaines, la circulation du sang par exemple, ou bien les bouteillages de départ en vacances. Il est alors associé au mot « bouchon », toujours dans une rhétorique vineuse. Il se trouve aussi dans des questions plus sociétales, comme l'emploi et la retraite.

Le discours dominant nous raconte qu'il faut plus de travail pour produire plus. La formule est simplificatrice, il faudrait y ajouter « toutes choses égales d'ailleurs ». Si elle n’est pas ajoutée, c’est qu'elle ne correspond jamais à la réalité. Le contexte et les « facteurs de production » ne cessent de changer. Historiquement la tendance est claire : Nous produisons plus que nos aïeux avec moins de travail. Ne nous emballons pas pour autant, le futur n'est pas automatiquement le prolongement du passé, ce qui était vrai hier ne l'est pas forcément demain. Il existe cependant un constat qui semble permanent : La structure de la population active est plus importante que son volume. Le danger vient essentiellement de la carence de certains métiers, carence dont les conséquences se font sentir bien au-delà de leur secteur d'activité.
Cette carence touche aussi bien des métiers haut de gamme, très spécialisés, que des métiers « de première ligne ». D'un côté, des experts en nucléaire, ou des médecins, dont la formation demande des années, et de l'autre des garçons de café ou des commis dont le défaut entraîne, sinon la fermeture, du moins la baisse d’activité de différents commerces. De nombreuses entreprises connaissent des difficultés de recrutement qui les conduisent à réduire leur production, alors que le nombre de chômeurs reste élevé. Le paradoxe issu de la comparaison du nombre de demandeurs d'emploi et du nombre d'emplois vacants on est une illustration bien connue. Les goulots d'étranglement coûtent cher à l'économie. Comment s'en débarrasser ?
Plusieurs types de réponses sont avancés. Il y a la formation, pour ajuster l'offre et la demande de personnels. Formation initiale pour les métiers très spécialisés comme le personnel de santé ; formation continue, pour rester dans le vent et préserver son employabilité, et pour permettre notamment le passage d'un métier à un autre au cours de la vie professionnelle. Une autre réponse, qui peut être couplée à la précédente, se trouve dans la réorganisation des entreprises pour soulager les métiers « en tension ». Nouvelle répartition du travail, introduction de nouveaux procédés où équipements. Il existe bien d'autres solutions, comme l'appel à des travailleurs étrangers ou des aides à la mobilité pour rapprocher les compétences des lieux où elles sont attendues. Ces réactions sont toujours tardives, imparfaites et couteuses, et seraient en bonne partie évitables avec une approche prospective, car bien des goulots sont prévisibles. Le goulot est souvent dû à un retard fâcheux d’investissements humains ou matériels.
En période de changements fréquents et profonds, la meilleure gestion du monde ne pourra échapper à des goulots, et les transitions auxquelles nous sommes confrontés en provoquent malgré les efforts de prospective qui peuvent être déployés. Les transformations affectent la nature et le nombre des emplois, et les ajustements prennent du temps, notamment du fait de l’inertie du facteur humain. Il est toujours possible de mieux faire, en arrêtant immédiatement les formations aux métiers d’hier, et en pariant sur ceux de demain autant qu’il est possible de le faire sans prendre de risque démesuré. Le mieux serait d’intégrer au maximum les besoins du futur à l’évolution de la société. Une « société apprenante » pour reprendre un concept cher à Joseph Stiglitz. Une offre de formation évolutive, collant au plus près des transformations observées ou en cours de gestation. Une organisation de la société qui favorise la capacité à apprendre, tel est l’enjeu pour éviter les goulots et les blocages qu’ils provoquent. « Un pays dont la capacité d’apprendre est inférieure à celle de ses concurrents sera distancé dans la course » (1) Une capacité à développer à l’école, mais aussi dans toutes les occasions, notamment dans le travail de chacun. L’ouverture d’esprit, la curiosité, des qualités à cultiver durablement, pour progresser sur le chemin de la durabilité.

1  « Une nouvelle société de la connaissance », Joseph E. Stiglitz et Bruce C. Greenwald, Editions Les liens qui libèrent, novembre 2017
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