Envie
L'envie peut être mauvaise conseillère, mais c'est un moteur extraordinaire de changement. Pourquoi ne pas mettre ce péché capital au service du développement durable ?
L’envie est souvent manipulée pour obtenir et entretenir une dépendance. Curieusement, ce seraient les envieux, victimes de ces manœuvres, qui commettraient le péché capital, et non ceux qui les fomentent. Curieuse idée de la morale, qui renforce l’envie de ne pas la respecter ! Poursuivons notre promenade au jardin des péchés capitaux. L’envie serait-elle bonne pour le développement durable ?
Que l’envie soit un péché capital illustre bien l’ambigüité des mots, leur double sens. L’orgueil peut conduire aux pires bêtises, ou bien devenir le moteur d’un dépassement de soi bien utile pour le développement durable.
L’envie a eu et a encore des effets catastrophiques, quand elle est activée par des individus, même bien pensant, qui font tout pour donner leur mode de vie en exemple. Le monde occidental a ainsi exporté sa culture expansionniste si contradictoire avec le développement durable. Le mirage de la société de consommation et de l’aisance qu’elle procure a diffusé une formidable envie de biens matériels. Il en résulte une pauvreté accrue pour tous ceux qui n’y ont pas accès.
L’envie n’est pas exacerbée que par le bonheur des autres, dont chacun voudrait bien des retombées. L’envie est un moteur du Mouvement, et un véritable stimulant. Sans envie, la vie serait bien triste.
Comme pour l’orgueil, la question est de lui donner un sens, en harmonie avec le développement durable. Envie de participer à un plaisir partagé, envie de relever des défis, envie de se défoncer dans une aventure hors du commun. C’est sur la nature et l’attractivité des défis proposés qu’il faut se pencher. Il doit y avoir d’autres envies que de gonfler son compte en banque, d’aller toujours plus vite, d’amasser toujours plus de richesses matérielles. Peut-on pousser l’envie de richesses immatérielles, culturelles, sportives, créatrices d’émotions, qui ne consomment – si l’on peut dire - que du potentiel humain, et lui donnent tout son sens.
Le développement durable nous conduit à changer de perspective et à admette que le monde de demain sera Différent de celui d’aujourd’hui. La part d’inconnu qu’il comporte est source d’inquiétude, bien compréhensible mais qu’il faut surmonter. Il faut créer le mouvement vers ce nouvel avenir, en en faisant miroiter des facettes scintillantes. Il faut donner envie d’un monde nouveau, et envie de rechercher, de construire soi-même ce monde. Pas de se laisser imposer par d’autres. Pour donner envie, n’hésitons pas à s’inspirer des techniques mises au point dans le système finissant, celui où il faut toujours consommer plus, et tentons de les détourner. L’effet de mode constitue une dynamique qui entraîne les hésitants, et qui donne du courage aux audacieux pour aller encore plus loin. On reproche à la mode son côté changeant, versatile. Elle oublie vite ce qu’elle a « vendu » hier, une mode chasse l’autre. Elle peut aussi provoquer des changements durables de comportement, quand ce qu’elle a « vendu » répond à une nouvelle donne, permet de faire face à une réalité physique exigeante. Des effets cliquet complètent son action, en fonction des Contrainte de la vie réelle, et d’une évolution culturelle de l’ensemble de la société. Elle peut aussi donner l’envie de richesses immatérielles, d’un superflu qui soit à la fois important pour notre plaisir et notre équilibre personnel sans pour autant attenter aux grands équilibres ni prélever un maximum de ressources.
Parfois, il faut donner envie de biens utiles mais qui ont besoin d’être valorisés. Le quotidien ennuie vite, il ne fait pas rêver. Il faut le mettre en scène, le rendre attractif si l’on veut éviter des fuites en avant, des Illusions, Perette et le pot au lait. La marge de pouvoir d’achat dont chacun dispose est très sollicitée. Vos économies intéressent beaucoup de gens. Comme c’est plus rigolo de se payer un voyage ou un nouveau téléphone portable, il n’y a plus d’argent pour isoler sa maison. Les approches rationnelles ne peuvent ignorer la force des envies. Il faut donc donner envie d’isoler sa maison, que ce soit valorisant, que ce soit bon pour le statut social, au moins autant que le nouveau portable. La concurrence s’exerce sur vos envies, et il serait dommage de ne pas exciter celles-ci dans les domaines bons pour le développement durable, et de laisser le monopole de l’envie aux consommations dispendieuses pour la planète.
Un autre exemple, dans les domaines de la santé et de l’exclusion, est donné par les oreillettes. Ce sont de petites instruments bien ternes, dont doivent s’équiper les mal entendant, tout comme les myopes, astigmates, presbytes et autres hypermétropes s’équipent de lunettes. La surdité ou la baisse de l’acuité auditive, sont de redoutables facteurs d’isolement. L’absence de correction auditive, notamment chez les personnes âgées, accroît sournoisement leur exclusion, et entraîne un repli sur soi, un enfermement. Il fallait détourner la coquetterie pour rendre désirable le port de ces oreillettes, lever les obstacles psychologiques. Les fabricants ont alors proposé des matériels aux couleurs vives, fantaisistes, personnalisées, qui permettent à leurs possesseurs d’affirmer leur style. L’envie de briller en société au secours d’un équipement médical, voilà un détournement intéressant. L’envie peut provoquer l’obésité, pourquoi ne pas l’utiliser aussi pour des causes de santé publique ?
Ces quelques mots sur l'envie s'inscrivent dans une ballade au jardin des péchés capitaux, publiée sur le blog en janvier 2009, au titre des bonnes résolutions pour l'année nouvelle. L’envie a toute sa place dans les stratégies de développement durable, au même titre que l'Orgueil, la Paresse, la Colère, la Luxure, l'Avarice, et la Gourmandise.
.
Chronique publiée le 12 janvier 2009, mise à jour le 11 décembre 2009.
- Vues : 5486
Ajouter un Commentaire