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Organisations sociales

Droit

Charte constitutionnelle, Natura 2000, études d'impact, REACH, normes de pollution, etc. l'environnement est à l'origine de nombreuses lois et directives. Un Droit à part entière se constitue sous nos yeux.

Quel que soit le sujet d’étude, le Droit se révèle un prisme redoutable pour son observation. Rien ne lui échappe, car le droit est multiforme, ses sources sont multiples, ses modes de mobilisation divers et imprévisibles.

Le droit allie rigueur dans la pensée et capacité d’interprétation, deux qualités incontournables pour qui s’intéresse à l’environnement.
L’environnement est un concept récent. Quelques dizaines d’années, ce qui est bien peu par rapport à la plupart des sujets de droit, la propriété, le travail, le commerce, les échanges internationaux, etc. Très grossièrement, on peut pointer le début des années 1970, avec la création des premiers ministères de l’environnement, 1971 en France par exemple, et la première grande conférence des Nations Unies sur le sujet, Stockholm, 1972. Cette jeunesse explique sans doute le foisonnement des mesures de tous genres prises au nom de l’environnement, à toutes les échelles géographiques, témoin d’une forte créativité et de la diversité des approches du sujet, foisonnement que l’existence de l’Union Européenne a en partie canalisé dans quelques directives.
Des difficultés spécifiques s’ajoutent aux heureux défauts de la jeunesse. L’environnement est souvent contingent. Nous ne sommes pas dans l’absolu, mais dans le relatif, il n’y a ni de bien ni de mal en soi, nous sommes dans des systèmes complexes, régis par des lois physico-chimiques et biologiques mais aussi sociologiques et culturelles. Le droit est ainsi lié à la connaissance de ces lois, laquelle est imparfaite et évolutive. L’environnement s’applique en outre à des domaines, tels que l’urbanisme, la construction, la santé, l’alimentation, l’agriculture, la mer, et bien d’autres encore. Ces domaines ont leur propre droit, bien sûr, et parfois depuis très longtemps. Les exigences de l’environnement viennent donc perturber des constructions vénérables, et parfois secouer leurs fondations. Le droit de l’environnement est un enfant terrible qui chahute les anciens et les interpelle. C’est un droit « carrefour ». Il conduit à la confrontation de plusieurs approches et met en évidence des contradictions. C’est ainsi un droit du XXIe siècle, obligeant à une revue générale du droit. Grande ambition, nécessaire pour aborder cette époque vitale que va traverser l’humanité au cours de ce siècle.
Le Temps du monde fini commence, disait Paul Valéry. Un temps nouveau dont nous devons prendre la mesure, et c’est une épreuve pour nos esprits formatés pour un monde infini, mus par l’ordre divin Croissez et multipliez. Cette dernière vision ne fonctionne plus, et avec elle les règles conçues pour accompagner cette croissance indéfinie. C’est dans une quarantaine d’années que la planète connaîtra sans doute son pic de population, de l’ordre de 9 Milliards d’êtres humains, qui aspireront chacun à vivre dans la dignité. D’ici là, la consommation par tête augmentera très probablement, et par suite la pression sur les ressources que la planète nous offre, et le volume de nos rejets. Les biens vitaux, comme l’air pur et l’eau, vont entrer progressivement dans le champ de l’économie, bouleversant ainsi nos cultures et nos modes de vie. Cette évolution, bien entamée sur certains plans, ne fera que s’accentuer. La géo politique est bien sûr au rendez-vous. Ce n’est pas une nouveauté, l’accès à l’eau, par exemple, est un classique du genre, mais les effets de la double mondialisation, économique et écologique, accentueront le phénomène et l’étendront à de nouveaux domaines. La haute atmosphère et les abysses, qui nous paraissent si loin, rejoindront ainsi dans notre quotidien l’air de nos villes et l'aménagement de nos côtes.
Il reste que la loi ne s’impose pas d’elle-même. Elle est le reflet de la vie en société, de la culture dominante, des rapports de force et du jeu des acteurs. On a pu la qualifier de bonne base de négociation. Le respect de l’environnement ne s’impose pas, il doit s’intégrer dans la vie et les systèmes de valeur.
Intégration, le mot est déterminant. Le droit de l’environnement, transversal par nature, doit trouver sa place dans Les autres droits, comme la culture de l’environnement doit trouver la sienne dans la vie pratique, personnelle ou professionnelle. L’environnement et les économies d’énergie deviennent des moteurs de progrès de bien d’autres domaines, en leur proposant des défis toujours plus ambitieux. Les exigences environnementales, d’économies de ressources, de maîtrise des rejets et des nuisances de toutes natures, de développement de la biodiversité, transforment le monde de la production, de la recherche, et doivent trouver leur épanouissement dans le droit. Non pas dans le droit spécifique de l’environnement, mais dans celui des champs qu’elles affectent. Pour traiter de l’environnement, il faut savoir prendre du recul : il faut non seulement examiner les causes immédiates de la dégradation de l’environnement, mais également les options sociales et économiques qui sont à la base de ces problèmes nous disait déjà en 1990 la Commission des communautés européennes dans son Livre vert sur l’environnement urbain(1). 
L’entrée en Constitution de l’environnement est un signe de reconnaissance, qui légitime et stimule une évolution générale des mentalités, autant qu’un cadre juridique nouveau. Elle crée des droits, mais aussi des devoirs puisque droits et devoirs sont les deux facettes de la même médaille. Et les devoirs ne s’imposent pas contre les mentalités. La loi ouvre la voie, précède la progression des esprits, et y contribue, mais elle ne substitue pas à l’évolution de la société, laquelle dépend de bien d’autres forces. Le droit est donc un reflet de la société, à un moment donné, avec ses étendards élevés au plus haut et ses zones d’ombre, ses contradictions. 

1 - Communication de la commission au conseil et au parlement, Bruxelles, 27 juin 1990

Cette note est extraite de la Préface au livre de Pascale Martin-Bidou Droit de l’environnement, Vuibert, collection Dyna’Sup Droit, septembre 2010, dont on trouvera la présentation en "notes de lecture".

 Photo Claire Anderson, Unsplash 

Chronique mise en ligne le 1er novembre 2010

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